Les modifications proposées à la loi fédérale sur le recyclage des produits de la criminalité pourraient bientôt modifier la réception et la gestion des dons en espèces par les organismes de bienfaisance et sans but lucratif.
Déposé par le gouvernement fédéral, le projet de loi C-2, également appelé Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, propose d’importantes modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « Loi »).
Bien que ces mesures visent à lutter contre la criminalité financière, elles pourraient entraîner de réels problèmes de conformité pour les organisations qui comptent sur diverses méthodes de collecte de fonds en espèces, notamment les activités communautaires, les paniers de quête et les campagnes menées par des bénévoles.
Maintenant que les consultations sont lancées et que le projet de loi a commencé à franchir les différentes étapes du processus législatif (la première lecture a eu lieu le 3 juin 2025 et la deuxième est en cours), les organismes de bienfaisance et à but non lucratif doivent comprendre ses implications, se préparer à respecter des règles plus strictes et adapter leurs processus internes en conséquence.
Deux mesures clés du projet de loi C-2 influeront sur les organismes de bienfaisance et à but non lucratif
Le projet de loi C-2 propose deux mesures majeures liées au recyclage des produits de la criminalité qui auront des répercussions sur les organismes de bienfaisance et à but non lucratif :
- Une interdiction globale des opérations en espèces de plus de 10 000 $; et
- Des restrictions sur les dépôts en espèces effectués par des tiers et acceptés par des banques.
Interdiction des importants dons en espèces
Le projet de loi C-2 propose d’ajouter la nouvelle disposition suivante à la Loi :
77.5(1) Commet une infraction toute personne ou entité qui se livre à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou qui sollicite des dons de bienfaisance en argent du public et qui, dans le cadre d’une même opération ou d’une série d’opérations liées réglementaire, accepte un paiement, don ou dépôt en espèces de 10 000 $ ou plus.
La peine proposée pour une organisation qui accepte un don en espèces important en violation de la disposition ci-dessus est une amende (d’un montant non précisé) en cas de condamnation par procédure sommaire, ou une amende ne dépassant pas trois fois le montant du don accepté en cas de condamnation par mise en accusation.
Bien que le nouveau paragraphe 77.5(1) proposé fasse expressément référence aux dons « de bienfaisance », le ministère des Finances a précisé, lors d’une consultation avec des représentants du secteur à but non lucratif, que l’intention politique est d’appliquer la restriction à tous les dons en espèces, y compris ceux versés à des entités sans vocation de bienfaisance (par exemple, des organismes à but non lucratif).
Bien que les possibilités de recycler les produits de la criminalité par des dons soient limitées (surtout dans les cas où un reçu officiel pour don n’est pas délivré), le ministère des Finances suggère que l’exemption de certains secteurs ou organisations pourrait rendre ces secteurs ou organisations plus attrayants pour les blanchisseurs d’argent et en faire des cibles potentielles plus recherchées pour mener des activités criminelles.
Certains sous-secteurs des secteurs de bienfaisance et à but non lucratif sont souvent appelés à gérer des dons en espèces. Par exemple, les organismes de bienfaisance et à but non lucratif de petite taille mènent parfois des activités de financement (comme une vente de pâtisseries) et les lieux de culte recueillent souvent des dons en espèces auprès de leurs congrégations. Il peut arriver que le total des sommes en espèces ainsi recueillies auprès de plusieurs donateurs excède 10 000 $.
Le ministère des Finances a indiqué que l’intention n’est pas de faire en sorte que ces activités tombent sous le coup de l’interdiction applicable à « une série d’opérations liées réglementaire […] de 10 000 $ ou plus ». Cette interdiction vise plutôt les situations où il est évident qu’une personne effectue plusieurs versements en espèces dans le but délibéré de ne pas atteindre le seuil de 10 000 $.
Des précisions sur ce qui constitue une « série d’opérations réglementaire » seront fournies dans le règlement d’application. On ne connaît pas encore exactement les mesures que les organismes de bienfaisance et à but non lucratif devront prendre pour vérifier si les dons en espèces proviennent de plusieurs donateurs et s’ils constituent une série d’opérations réglementaire.
Bien évidemment, les dons autres qu’en espèces qui permettent de conserver une trace écrite (y compris les paiements par chèque, carte de crédit, carte de débit, virement bancaire, virement télégraphique, virement électronique, etc.) demeureront autorisés, quel que soit leur montant.
Restrictions applicables aux dépôts en espèces effectués par des tiers
Le projet de loi C-2 propose également une restriction applicable aux dépôts en espèces effectués par des tiers, qui sera mise en œuvre par les institutions de dépôt (c.-à-d. les banques). La disposition proposée est la suivante :
9.2.1 Sauf dans les circonstances réglementaires, il est interdit à toute entité visée aux alinéas 5a), b), d), e), e.1), f) ou l) d’accepter un dépôt en espèces dans un compte dont le déposant n’est pas le titulaire ou une personne habilitée à donner des instructions à l’égard de ce compte.
Autrement dit, une banque devra refuser tout dépôt que tente d’effectuer une personne qui n’a pas été expressément autorisée à effectuer des dépôts en espèces (quel que soit le montant) dans le compte d’un organisme de bienfaisance ou à but non lucratif, y compris les donateurs ou employés/bénévoles qui n’ont pas obtenu d’approbation préalable. Précisons que cette restriction ne s’appliquera pas aux dépôts autres qu’en espèces (p. ex., les paiements par virement télégraphique, virement électronique, etc.).
Conclusions
Bien que les motifs qui sous-tendent les modifications proposées à la Loi soient clairs, de nombreux organismes de bienfaisance et à but non lucratif devront assumer une charge administrative supplémentaire pour s’assurer de ne pas enfreindre la loi en acceptant certains dons. C’est notamment le cas des organismes de bienfaisance et à but non lucratif qui recueillent généralement des dons en espèces auprès de divers donateurs sans forcément vérifier la provenance de chaque don. Si ces modifications entrent en vigueur, les organismes de bienfaisance et sans but lucratif devront également veiller à ce que toute personne physique ou morale susceptible d’effectuer des dépôts en espèces dans leurs comptes bancaires dispose d’une autorisation bancaire.
Notre groupe Organismes de bienfaisance et à but non lucratif surveille de près la progression du projet de loi C-2 dans le processus législatif ainsi que ses répercussions potentielles sur les activités de financement, les pratiques bancaires et la conformité des organisations. Communiquez avec les membres de notre équipepour évaluer vos pratiques actuelles, comprendre vos obligations et élaborer une stratégie de conformité adaptée à votre mission.