Présentement, les entreprises font face à un risque grandissant : celui de voir un client important devenir insolvable ou se placer sous la protection de la loi. Que ce soit en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) ou de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), les conséquences pour vos opérations et votre trésorerie peuvent être majeures.

Voici une série de gestes concrets et immédiats que vous devriez envisager si vous apprenez que l’un de vos clients est en difficulté financière ou qu’il s’est placé sous la protection de la loi. L’un des premiers gestes à poser consiste à identifier le processus de protection mis en place par votre client, accéder aux documents disponibles ainsi qu’à toute ordonnance rendue par la Cour.

1. Cessez immédiatement toute nouvelle livraison ou prestation de services

Si votre client est en situation d’insolvabilité, chaque livraison ou service rendu supplémentaire augmente votre exposition sans garantie de paiement. Ne tardez pas pour en aviser vos équipes. Avant de continuer à fournir quoi que ce soit, exigez un paiement comptant ou une avance. Une fois qu’un syndic est nommé, vous pouvez obtenir une confirmation écrite de ce dernier que les sommes qui vous sont dues depuis la date de la mise sous protection seront payées en priorité. Les créances postérieures à une mise sous protection ne bénéficient d’aucune priorité automatique. Il faut donc une entente claire à cet effet et qui soit approuvée par le syndic. Une telle entente peut même parfois inclure les créances nées avant le début des procédures.

2. Examinez vos contrats et garanties

Avez-vous une clause de réserve de propriété ? Une sûreté mobilière enregistrée au RDPRM ? Avez-vous signé des cessions de rang en lien avec ces sûretés ? Avez-vous un engagement personnel d’un dirigeant ? Ces protections peuvent faire une grande différence. En présence de telles garanties, il est possible de faire valoir un droit de reprise ou bien encore d’être traité comme un créancier garanti. Il vous faut donc rassembler vos documents et faire valoir vos droits sans délai.

3. Agissez rapidement pour faire valoir un droit de reprise

Si vous avez des droits particuliers, par exemple dans le cas où vous auriez livré des biens dans les 30 jours précédents la mise sous protection et que ceux-ci n’ont pas été payés, vous devez agir urgemment. En effet, vous pourriez avoir un droit de reprise, à condition de respecter les délais et formalités prévus par la LFI. Plusieurs recours sont strictement encadrés et votre défaut d’agir peut vous faire perdre des droits. Ne tardez pas à consulter un avocat pour connaître l’étendue de vos droits et envoyer un avis formel au syndic.

4. Déposez votre preuve de réclamation

Pour espérer un quelconque paiement de vos créances lorsque le client a entamé un processus d’arrangement, de proposition ou de faillite, vous devez déposer une preuve de réclamation auprès du syndic ou du contrôleur dans les délais requis. Même si le taux de recouvrement prévu est faible, ne pas déposer une telle preuve reviendrait à renoncer à vos droits.

Votre avocat pourra vous aider dans cette démarche, car, dans certains cas, cela déterminera votre rang et votre admissibilité au dividende.

5. Considérez une compensation légale

Si vous êtes vous-même débiteur de votre client insolvable (ex : s’il vous a rendu des services ou livré des produits), vous pourriez utiliser le mécanisme de compensation pour réduire votre exposition financière. Ce droit vous permet, dans certaines conditions, d’annuler des dettes réciproques. Attention toutefois : la compensation ne s’applique pas dans tous les cas, et des règles spécifiques s’appliquent en situation d’insolvabilité. Il est possible de prévoir à l’avance des ententes permettant d’opérer compensation afin de se soustraire aux paramètres normalement applicables.

6. Surveillez les procédures et participez activement

En tant que créancier, vous avez le droit d’être informé, de voter sur les propositions de règlement, et même de vous opposer à certaines décisions. Trop souvent, les créanciers commerciaux ignorent ces processus et perdent toute influence sur l’issue du dossier. Par ailleurs, il est  essentiel d’intervenir très tôt et de faire valoir vos droits le plus rapidement possible, à défaut de quoi vous risquez de vous retrouver devant des faits accomplis.

Assurez-vous d’être inscrit sur la liste des créanciers et lisez attentivement les rapports du syndic ou du contrôleur. Vous pouvez aussi vous regrouper avec d’autres créanciers pour défendre des intérêts communs.

7. Restez à l’affût des transactions préférentielles ou frauduleuses

Certaines transactions réalisées avant les procédures de mise sous protection peuvent être contestées si elles favorisent indûment un créancier ou visent à soustraire des actifs du patrimoine du failli. Si vous apprenez que d’autres créanciers ont été payés récemment, ou que des actifs ont été transférés à des sociétés liées, il peut être possible de faire annuler ces transactions.

Il est aussi important de faire valoir les droits que vous pourriez avoir contre des cautions.

8. Révisez vos pratiques de gestion du crédit

Le fait de vous retrouver impliqué dans une procédure de faillite découlant de l’insolvabilité de l’un de vos clients peut aussi servir d’élément déclencheur pour revoir vos méthodes internes. Voici quelques pistes d’amélioration possibles :

  • Obtenir plus d’informations afin d’évaluer la solvabilité de vos clients avant d’accorder du crédit et  la mise à jour de cette information au fil du temps;
  • Exiger des garanties ou des dépôts pour des commandes importantes ou lorsque certaines situations le requièrent;
  • Mettre en place des politiques de suivi serré des comptes clients;
  • S’assurer que les différentes personnes de votre organisation communiquent efficacement entre elles afin de partager toute information pertinente sur vos clients;
  • Ceci implique également de réévaluer vos méthodes et vos exigences face à ce client en particulier.

Conclusion

L’insolvabilité d’un client peut avoir un effet domino sur votre entreprise. Toutefois, en posant les bons gestes rapidement et en consultant vos conseillers juridiques et financiers, vous pouvez limiter les pertes et mieux vous positionner pour l’avenir.

Ne restez pas passif : l’information, la rapidité d’action et la rigueur sont vos meilleurs alliés dans ce type de situation.

L’équipe de Restructuration et insolvabilité de Miller Thomson est à votre disposition pour vous accompagner dans l’analyse de vos recours et la mise en place de stratégies adaptées à votre réalité d’affaires. N’hésitez pas à communiquer avec nous.