À noter : Le 23 janvier 2025, le ministère des Finances du Canada a publié des précisions supplémentaires, y compris un projet de loi, concernant la prolongation du délai pour les dons de bienfaisance de 2024. Pour plus de détails, veuillez consulter notre article daté du 30 janvier 2025.

Le 6 janvier 2025, Son Excellence la très honorable Mary Simon, gouverneure générale du Canada, a prorogé le Parlement.

La prorogation entraîne la suspension de tous les travaux parlementaires. Le Parlement devait initialement reprendre ses travaux le 27 janvier, mais il ne se réunira pas avant le 24 mars au plus tôt.

La prorogation – et la possibilité d’élections anticipées – suscite de l’incertitude chez les Canadiens.

En particulier, les donateurs et les organismes de bienfaisance se demandent si les Canadiens peuvent réellement se fier à l’annonce faite par Ottawa le 30 décembre, selon laquelle le délai de déclaration des dons de bienfaisance pour 2024 serait prolongé jusqu’à la fin du mois de février 2025.

Par ailleurs, quelles mesures pratiques les donateurs et les organismes de bienfaisance peuvent-ils prendre lorsqu’ils font et reçoivent des dons en janvier ou février dans ce contexte d’incertitude?

Contexte

Le 30 décembre 2024, le gouvernement du Canada a annoncé, par voie de communiqué, qu’il allait prolonger le délai de déclaration des dons de bienfaisance de 2024 jusqu’au 28 février 2025.

Pour ce faire, Ottawa a indiqué qu’il présenterait un projet de loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu « à la rentrée parlementaire au cours de la nouvelle année ».

Le 31 décembre 2024, le gouvernement du Québec a annoncé qu’il emboiterait le pas à Ottawa et prolongerait également le délai de déclaration des dons de bienfaisance de 2024. Comme le Parlement fédéral a été prorogé, il n’est pas certain que Québec prolongera le délai comme il avait prévu faire.

Que vaut une proposition fiscale en l’absence de législation?

Comme le Parlement ne siégera pas avant la fin du mois de mars, les Canadiens n’assisteront probablement pas au dépôt d’un projet de loi avant la fin du délai de déclaration des dons de bienfaisance du 28 février.

Cependant, l’absence d’une loi habilitante ne signifie pas que la proposition restera lettre morte ni que les Canadiens ne doivent pas se fier à la prolongation proposée.

En règle générale, le gouvernement annonce des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu ou à une politique fiscale qui entrent en vigueur à une date déterminée, puis présente au Parlement un projet de loi qui, lorsqu’il est adopté, s’applique rétroactivement à la date d’entrée en vigueur.

À l’heure actuelle, nous ignorons :

  • si, à la reprise des travaux, en mars, le Parlement présentera un projet de loi visant à prolonger le délai de déclaration des dons de bienfaisance de 2024 jusqu’au 28 février 2025;
  • la teneur de cet éventuel projet de loi;[1]
  • si ce projet de loi, à supposer qu’il soit déposé, sera adopté par le Parlement avant la tenue des élections;
  • si le gouvernement survivra à un vote de confiance lors de la reprise des travaux parlementaires; ou
  • si un nouveau gouvernement, le cas échéant, adoptera la loi au cours d’une nouvelle session parlementaire ni la forme que prendra cette loi.

Éléments à prendre en considération par les donateurs

Les donateurs qui souhaitent faire des dons en janvier ou février afin qu’ils soient reconnus pour l’année 2024 n’auront peut-être pas d’autre choix que d’effectuer leurs dons avant la fin du mois de février et d’accepter un certain degré d’incertitude. 

Quelles mesures ces donateurs peuvent-ils prendre face à cette incertitude? Les donateurs qui souhaitent que les dons qu’ils font en janvier ou février soient admissibles à une aide fiscale en 2024 peuvent :

  • Exprimer cette intention par écrit à l’organisme de bienfaisance lorsqu’ils effectuent leurs dons, ainsi qu’à leur conseiller fiscal. Cette façon de procéder devrait faire en sorte que le donateur, l’organisme de bienfaisance et le conseiller fiscal soient tous sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les intentions du donateur. 
  • Demander à l’organisme de bienfaisance de leur remettre un reçu officiel dès la réception d’un don en espèces. Ainsi, le donateur et son conseiller fiscal pourront déduire le don dans la déclaration de revenus de 2024 à produire avant la fin d’avril 2025 dans l’éventualité où la prolongation du délai de déclaration annoncée se concrétise.
  • Fournir les reçus officiels de dons à leurs conseillers fiscaux et les informer de leur intention de demander un allégement fiscal en 2024 à l’égard des dons effectués en janvier ou février. Cette façon de faire évitera les erreurs de communication et garantira que la déclaration de revenus de 2024 du donateur sera remplie conformément à son intention, si la prolongation du délai de déclaration annoncée se concrétise.
  • Veiller à ne pas réutiliser par inadvertance un reçu utilisé en 2025 lors de la production en 2026 de la déclaration de revenus pour l’année d’imposition de 2025. (Cela suppose que la loi autorise le donateur à utiliser le reçu officiel de 2025 pour bénéficier d’une aide fiscale en 2024, ce que le donateur a effectivement fait.)
  • Demander des conseils auprès d’un avocat ou de tout autre professionnel, surtout s’il est prévu de faire des dons importants ou transformationnels en janvier ou février (dans l’intention de bénéficier d’un allégement fiscal en 2024). Plus le don est important, plus le donateur doit faire preuve de prudence.

Cette liste n’est pas exhaustive.

Éléments à prendre en considération par les organismes de bienfaisance

Dons transmis par courrier

En raison de la grève des services postaux, il y a de fortes chances que les organismes de bienfaisance reçoivent par courrier des chèques datés en 2024, mais dont l’estampille postale sur l’enveloppe indique une date en 2025.

Dans un tel cas, la date du reçu officiel est celle de l’estampille postale, non celle du chèque. En effet, lorsqu’un organisme de bienfaisance reçoit un don par courrier, l’ARC considère que la date de l’estampille postale sur l’enveloppe constitue la date du don.[2] L’ARC recommande aux organismes de bienfaisance de conserver les enveloppes estampillées dans leurs registres comptables.

Antidatation interdite

À l’exception de certains dons reçus par courrier (voir ci-dessus), un organisme de bienfaisance qui reçoit un don en janvier ou février 2025 ne doit pas remettre de reçu daté en 2024, même si le donateur a l’intention d’utiliser le reçu à des fins fiscales en 2024, et ce, tant que l’incertitude quant au délai de déclaration des dons n’aura pas été levée. À titre de rappel, la politique de l’ARC prévoit que les organismes de bienfaisance ne peuvent pas remettre un reçu dont la date est antérieure à celle du transfert du don.

Dons en espèces

En règle générale :

Étant donné la prolongation proposée du délai de déclaration des dons, les organismes de bienfaisance devraient cependant revoir ces pratiques ꟷ et déterminer de quelle façon et à quel moment ils doivent remettre des reçus officiels pour les dons en espèces reçus en janvier ou février 2025, si le projet de loi visant la prolongation du délai de déclaration des dons de bienfaisance est effectivement adopté.

Par exemple, si un organisme de bienfaisance reçoit un don en espèces le 31 janvier 2025, il pourrait remettre au donateur un reçu officiel distinct pour le don du 31 janvier (plutôt qu’un seul reçu pour tous les dons en espèces effectués en 2025). L’organisme de bienfaisance peut remettre le reçu dès le 31 janvier 2025 (sans attendre plus longtemps). Le reçu pourrait également indiquer le jour, le mois et l’année où l’organisme de bienfaisance a reçu le don en espèces, soit le 31 janvier 2025 (et non seulement l’année).

Cette façon de procéder ferait en sorte que les donateurs auront la possibilité de demander les crédits d’impôt applicables aux dons effectués en janvier ou février 2025 pour l’année 2024, qu’ils aient ou non l’intention de le faire, si le projet de loi visant la prolongation du délai de déclaration des dons de bienfaisance est effectivement adopté. Elle empêcherait par ailleurs les organismes de bienfaisance d’être inondés de demandes de reçus de la part de donateurs à l’approche de la date limite de production des déclarations de revenus, fin avril 2025.

De nombreux organismes de bienfaisance de grande taille et bien pourvus en ressources remettent déjà automatiquement un reçu officiel au donateur peu de temps après que celui-ci a effectué son don. Cependant, certains autres n’en ont pas la capacité. À la suite de l’annonce faite par le gouvernement le 30 décembre, il semble que certains organismes de bienfaisance estiment qu’il incombe aux donateurs qui souhaitent recevoir un reçu officiel pour les dons effectués en janvier ou février d’en faire la demande. La décision d’un organisme de bienfaisance d’adopter cette façon de procéder ou toute autre façon de procéder constitue fondamentalement une décision opérationnelle.

À notre avis, à moins que cela ne soit indûment compliqué, coûteux ou contraignant, tous les organismes de bienfaisance devraient envisager de remettre aux donateurs des reçus officiels distincts pour les dons en espèces reçus en janvier et février 2025, et ce, dès que le don est reçu – pour toutes les raisons exposées ci-dessus. Nous sommes conscients que les organismes de bienfaisance ne disposent pas tous des ressources ou des capacités nécessaires pour adopter cette pratique.

Communications à l’intention des donateurs

Étant donné l’incertitude entourant la prolongation du délai de déclaration, les organismes de bienfaisance pourraient mettre à jour leurs politiques et émettre un avertissement à l’intention des donateurs.

L’avertissement pourrait servir à fournir l’information ci-dessous aux donateurs :

  1. L’organisme de bienfaisance continuera à remettre les reçus de la façon habituelle, et ceux-ci porteront la date à laquelle le don a été transféré à l’organisme de bienfaisance, conformément à la politique de l’ARC; et
  2. Il incombe au donateur de déterminer, en consultation avec ses conseillers professionnels, si un don reçu en janvier ou février 2025 donne droit à un allégement fiscal pour l’année 2024.

Les politiques et les avertissements peuvent contribuer à gérer les attentes des donateurs et à protéger l’organisme de bienfaisance contre d’éventuels litiges ou problèmes. Un avocat peut vous donner des conseils sur la teneur des messages à privilégier.

Vous avez des questions sur le présent article? Vous avez une question portant expressément sur les dons et les reçus? Un membre du groupe Organismes de bienfaisance et à but non lucratif de Miller Thomson pourra vous aider.


[1] Remarque : Après l’annonce du 30 décembre, mais avant la publication du présent article, un porte-parole du ministère des Finances a indiqué au Globe and Mail que les personnes faisant des dons en janvier et février de cette année pourraient déduire ces dons dans leur déclaration de revenus de 2024 ou 2025 (ou de l’une des cinq années d’imposition suivantes). Bien que les précisions fournies par le ministère des Finances soient utiles, nous ignorons toujours quelle sera la teneur du projet de loi, le cas échéant.

[2] Les dons par courrier constituent une exception à la règle générale selon laquelle la date du don correspond à la date où le don est effectivement reçu par l’organisme de bienfaisance.

[3] Dans le cas des dons en nature et des dons autres qu’en espèces, l’organisme de bienfaisance doit remettre un reçu distinct pour chaque don.