Le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF ») s’est joint aux efforts mondiaux d’encadrement des nouveaux risques guettant les institutions financières, notamment en raison des changements climatiques, en publiant une version à l’étude de la Ligne directrice B-15 : Gestion des risques climatiques (la « version provisoire ») le 26 mai 2022[1]. Le 7 mars 2023, il en a publié la version finale (la « ligne directrice »)[2], qui s’applique à toutes les institutions financières fédérales (« IFF »), soit plus de 350 banques et compagnies d’assurance.

Comme dans sa version provisoire, la ligne directrice souligne l’importance de renforcer la résilience des banques et des assureurs face aux risques climatiques. Ces institutions devront ainsi a) comprendre et atténuer les répercussions possibles des risques climatiques, b) mettre en place les pratiques de gouvernance et de gestion des risques qui s’imposent, et c) demeurer résilientes sur les plans financier et opérationnel malgré des scénarios de risques climatiques graves, mais vraisemblables[3].

La ligne directrice répertorie les catégories suivantes de risques liés au climat pour les IFF :

  • Les risques physiques sont les risques financiers découlant de phénomènes environnementaux comme les inondations, les feux de forêt et les glissements de terrain, parmi d’autres conséquences des changements climatiques graduels à long terme. Ils peuvent être aigus (ouragans, typhons, inondations, feux de forêt, etc.) ou chroniques (élévation du niveau de la mer, stress dû à la chaleur, à la sécheresse ou aux précipitations, etc.).

Les risques de transition sont les risques financiers associés à la transition vers une économie à faibles émissions de gaz à effet de serre (« GES »). Ils découlent de lois, de règlements et de politiques gouvernementales actuels et futurs visant à réduire les émissions de GES.

  • Les risques de responsabilité se rapportent à la responsabilité juridique engagée lorsqu’un dédommagement est demandé pour une perte subie en raison de risques physiques ou de transition, par exemple au titre d’une police d’assurance responsabilité, ou encore dans des actions intentées directement contre des institutions financières qui n’auraient pas bien géré les risques climatiques ou qui auraient exagéré, sans preuve, leurs ambitions environnementales.

La ligne directrice porte sur deux thèmes principaux : les procédures de gouvernance et de gestion des risques, et les obligations d’information.

Chapitre 1. Attentes en matière de gouvernance et de gestion des risques

Le chapitre 1 de la ligne directrice énonce les attentes du BSIF quant à la gouvernance et à la gestion par les IFF des risques climatiques. Il précise que chaque IFF doit, entre autres choses :

  1. Tenir compte des répercussions des changements climatiques et de la transition vers une économie à faibles émissions de GES dans son modèle et sa stratégie d’affaires, notamment par la création et la mise en œuvre d’un plan de transition climatique qui oriente la gestion des risques physiques croissants et établit des paramètres et des cibles internes (par exemple en ce qui concerne la réduction des émissions de GES);
  2. Intégrer les risques climatiques (physiques et de transition) à son cadre de gestion de la propension à prendre des risques, à son cadre de contrôle interne, à son cadre de gestion du risque d’entreprise et à ses politiques et pratiques pertinentes;
  3. Mettre en œuvre des outils servant à mesurer les risques climatiques et développer des capacités pour agréger les données afin de cerner les expositions de cette nature et d’en rendre compte à l’interne (repérer les éléments qui en présentent le plus dans les portefeuilles de prêts et de placements);
  4. Établir un processus et développer une expertise pour une analyse de scénarios climatiques qui utilise un ou plusieurs scénarios climatiques pour prédire une situation future hypothétique dans le monde et évaluer l’incidence des risques climatiques sur l’activité de l’IFF, dans son cadre de simulation de crise;
  5. Maintenir des réserves de fonds propres et de liquidités suffisantes pour couvrir son exposition aux risques climatiques, en intégrant ces risques à son processus interne d’évaluation de l’adéquation des fonds propres et à son processus d’évaluation interne des risques et de la solvabilité.

La ligne directrice indique que le BSIF élaborera un exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques que les IFF pourront utiliser pour déterminer leur exposition globale aux risques physiques et de transition. Les IFF devront mettre en œuvre ces scénarios et informer le BSIF de leurs observations[4]. Notons que les modèles d’analyse de scénarios climatiques utilisés aujourd’hui sont généralement basés sur un ou plusieurs des scénarios élaborés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (« GIEC »), l’Agence internationale de l’énergie (« AIE ») ou le Réseau pour le verdissement du système financier (« NGFS »).

Chapitre 2. Communication d’informations financières en lien avec les changements climatiques

Le chapitre 2 de la ligne directrice contient un certain nombre de principes qui indiquent comment répondre aux exigences du BSIF concernant la communication des risques financiers liés aux changements climatiques. En accord avec le cadre élaboré par le Conseil de stabilité financière sous l’égide du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (le « GTIFCC »), ces principes ont pour but d’encourager les institutions à rehausser le niveau de leurs procédures de gouvernance et de gestion des risques relativement aux changements climatiques. Ils obligent les IFF à communiquer des renseignements pertinents (comme l’incidence que les risques et possibilités climatiques pourraient avoir sur les marchés, les activités et l’information financière de l’IFF et, le cas échéant, des précisions sur l’importance de cette incidence potentielle), et prescrivent les modalités de communication suivantes :

  1. Renseignements pertinents – Fournir des renseignements qui sont importants pour les autres intervenants, comme les investisseurs, les analystes et le grand public.
  2. Renseignements précis et complets – Fournir des renseignements propres à l’incidence potentielle des risques climatiques et des possibilités connexes sur ses marchés, ses activités, sa stratégie d’entreprise ou de placement et ses flux de trésorerie futurs.
  3. Renseignements clairs, équilibrés et compréhensibles – Fournir des informations suffisamment détaillées pour permettre aux utilisateurs d’évaluer leur exposition, et non des informations génériques ou « passe-partout » qui n’ajoutent pas de valeur à la compréhension des différents aspects par les utilisateurs.
  4. Renseignements fiables, vérifiables et objectifs – Fournir des renseignements fiables de haute qualité, exempts de préjugés, prospectifs et conformes à ce que l’IFF utilise pour sa prise de décisions de placement et ses stratégies de gestion des risques.
  5. Fournir des renseignements appropriés en fonction de sa taille, de sa nature et de sa complexité.
  6. Fournir des renseignements de façon uniforme au fil du temps.

La ligne directrice mentionne plusieurs détails techniques concernant la communication d’informations et établit les attentes minimales[5]. L’information doit être claire, équilibrée, compréhensible, fiable et vérifiable, et répondre aux besoins de différents utilisateurs. À l’heure actuelle, elle n’a pas à faire l’objet d’une assurance externe indépendante, mais le BSIF fait comprendre aux IFF que ce sera un jour le cas. Pour aider les consommateurs à bien comprendre les incidences des risques climatiques sur leurs activités, et pour faciliter la comparaison entre différentes périodes, les IFF doivent communiquer l’information de façon uniforme au fil du temps.

L’un des paramètres ayant suscité le plus de commentaires pendant la consultation sur la version provisoire est l’obligation de communiquer les émissions de GES du champ d’application 3. La ligne directrice indique très clairement que les IFF doivent, pour la période (en termes absolus), déclarer ces émissions, les risques qui s’y rattachent et la norme de déclaration utilisée pour les calculer. L’IFF qui n’a pas utilisé la norme Corporate Value Chain (Scope 3) Accounting and Reporting Standard doit expliquer en quoi celle qu’elle a utilisée y est comparable. La même exigence s’applique si une autre norme que celle du PCAF est utilisée pour les émissions de GES du champ d’application 3 qui sont financées, facilitées et assurées[6]. Il ne fait aucun doute que les banques compteront sur leurs clients pour obtenir les données nécessaires au calcul de leurs émissions de GES du champ d’application 3, puisque, dans une chaîne de valeurs, les émissions du champ 1 d’une personne sont les émissions de champ 3 d’une autre.

D’ici la fin de l’exercice 2024, les six plus grandes banques, appelées « banques d’importance systémique intérieure » (BISi), et les groupes d’assurance actifs sur la scène internationale qui ont leur siège au Canada doivent commencer à faire leurs déclarations : ils doivent rendre publique l’information financière liée aux changements climatiques au plus tard 180 jours après la fin de l’exercice. Les autres IFF et assureurs disposent quant à eux d’un délai d’un an.

Les normes du GTIFCC servent de cadre général pour la ligne directrice. Toutefois, l’International Sustainability Standards Board (ISSB) a proposé un régime d’information sur la durabilité, dont la norme IFRS S2 sur l’information liée aux changements climatiques, largement inspirée du cadre du GTIFCC, doit être finalisée cette année. Plus tôt cette année, l’ISSB a annoncé que la norme IFRS S2 entrera en vigueur pour les exercices ou périodes de rapport commençant le 1er janvier 2024 ou après. Les IFF doivent donc se tenir au fait des initiatives de l’ISSB, qui pourraient très bien établir le nouveau standard pour les régimes d’information liée au climat.

Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Responsabilité sociale d’entreprise et marché du carbone de Miller Thomson.

MC Marque de commerce Miller Thomson SENCRL


[1] P. J. Kroft et G. Hamedani, Tour d’horizon : version à l’étude de la ligne directrice B-15 du BSIF sur la gestion des risques climatiques (30 août 2022).

[2] Bureau du surintendant des institutions financières (7 mars 2023), Le BSIF publie une ligne directrice sur la gestion des risques climatiques.

[3] Ibid. Voir la section A3. Résultats attendus.

[4] Ibid. Voir le chapitre 1, partie III. Analyse de scénarios climatiques et simulations de crise.

[5] Ibid. Voir l’Annexe 2-2 – Attentes minimales obligatoires en matière de communication d’informations financières en lien avec les changements climatiques.

[6] Ibid. Voir à l’Annexe 2-2, catégorie Indicateurs et objectifs, élément b)(ii).