Ces dernières années, de nombreuses organisations à but non lucratif établies aux États-Unis ont manifesté l’intérêt de s’implanter au Canada.
Toutefois, cette ambition s’accompagne souvent d’un défi : l’organisation à but non lucratif américaine (l’« OBNL américaine ») souhaite généralement exercer le contrôle de la succursale canadienne (l’« OBNL canadienne »).
Dans le présent article, nous présentons quelques possibilités de structure de la société canadienne de manière à permettre à la société américaine de maintenir un contrôle conforme aux exigences prévues dans la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif (la « Loi »). De plus, nous analysons l’influence que ces structures peuvent avoir sur l’obtention du statut d’organisme de bienfaisance et sur la conduite des activités au Canada.
Pourquoi est-il important de bien choisir la structure d’adhésion?
Lors de la structuration d’une organisation à but non lucratif au Canada, il est important de bien analyser la composition de ses membres.
Au Canada, les organisations à but non lucratif sont généralement dirigées par des administrateurs et des membres. Les membres d’une OBNL jouent un rôle comparable à celui des actionnaires dans une société à but lucratif.
En vertu de la Loi, les membres (ou une catégorie particulière de membres) contrôlent la société en exerçant leur droit d’élire, de nommer ou de révoquer les administrateurs de la société, et de soumettre au vote certaines questions fondamentales relatives à la gouvernance et à la structure de la société.
Pour les organisations à but non lucratif qui sont ou demandent à être inscrits à titre d’organismes de bienfaisance, la composition des membres joue sur la désignation par l’Agence du revenu du Canada (ARC). En effet, les organismes de bienfaisance peuvent être désignés comme suit :
- organisme de bienfaisance;
- fondation publique;
- fondation privée;
Pour déterminer la désignation d’un organisme de bienfaisance, l’ARC tient compte de plusieurs facteurs, notamment :
- qui contrôle l’organisme de bienfaisance;
- qui finance l’organisme de bienfaisance;
- si les administrateurs et les dirigeants n’ont aucun lien de dépendance entre eux.
Si l’OBNL américaine exerce un contrôle important sur l’OBNL canadienne, il est plus probable que l’ARC attribue à l’OBNL canadienne la désignation de fondation privée plutôt que de fondation publique ou d’organisme de bienfaisance. Ce point important doit être pris en considération, car les fondations privées doivent respecter des restrictions opérationnelles supplémentaires qui ne s’appliquent pas aux organismes de bienfaisance ni aux fondations publiques. Par exemple, les fondations privées n’ont pas le droit d’exercer des activités commerciales, même si celles-ci sont liées à leurs activités.
Une OBNL canadienne dispose de trois structures d’adhésion possibles – chacune étant assortie de niveaux de contrôle et de flexibilité différents – afin de permettre à l’OBNL américaine d’exercer un contrôle sur elle :
a) l’adhésion unique;
b) l’adhésion limitée;
c) l’adhésion à plusieurs catégories.
Trois structures d’adhésion
A. Adhésion unique
Une structure d’adhésion unique est l’option la plus simple pour les OBNL américaines qui souhaitent conserver le contrôle d’une OBNL canadienne.
Dans une structure d’adhésion unique, l’OBNL canadienne n’a qu’un seul membre, c’est-à-dire l’OBNL américaine. En tant que membre unique, l’OBNL américaine a le contrôle total de l’OBNL canadienne et dispose de toute la latitude pour nommer et révoquer les administrateurs de cette dernière. L’OBNL américaine dispose également d’un droit de veto sur les changements fondamentaux apportés à l’OBNL canadienne (notamment la modification de ses objectifs et documents constitutifs), puisque la Loi prévoit que ces changements fondamentaux doivent être approuvés par les membres.
Si l’OBNL américaine est également la principale source de financement de l’OBNL canadienne, cette structure pourrait faire de l’OBNL canadienne une « organisation n’ayant pas recours à la sollicitation », ce qui signifie qu’elle bénéficierait d’obligations de conformité assouplies en vertu de la Loi. D’autre part, l’ARC accorde la désignation de fondation privée à tout organisme de bienfaisance qui tire plus de 50 % de ses revenus d’un membre majoritaire. Pour cette dernière raison, l’OBNL canadienne pourrait envisager d’autres structures d’adhésion.
B. Adhésion limitée
Dans une structure d’adhésion limitée, un groupe défini de personnes agit en qualité de membres de l’OBNL canadienne.
Par exemple, l’adhésion à l’OBNL canadienne pourrait être limitée aux personnes qui occupent de temps à autre le poste d’administrateur de l’OBNL américaine. Les administrateurs de l’OBNL américaine ont le contrôle total sur la sélection et la révocation des administrateurs de l’OBNL canadienne et peuvent exercer un droit de veto sur les changements fondamentaux apportés à l’OBNL canadienne.
Comme le conseil d’administration de l’OBNL canadienne est responsable de la supervision stratégique et de la gestion de l’OBNL canadienne, les administrateurs de l’OBNL américaine (grâce à leur adhésion à l’OBNL canadienne) peuvent exercer un contrôle sur le conseil d’administration de l’OBNL canadienne et veiller à ce que la mission de cette dernière continue d’être en concordance avec ses objectifs premiers. De cette manière, l’OBNL américaine détient le contrôle absolu sur l’OBNL canadienne.
Toutefois, si l’OBNL canadienne souhaite être inscrite comme organisme de bienfaisance, la structure à adhésion limitée pourrait amener à remettre certains éléments en question. En effet, un organisme de bienfaisance enregistré au Canada est responsable de la gouvernance et du contrôle de ses ressources. Si l’autorité en matière de gouvernance est attribuée aux résidents américains, cela pourrait remettre en question cet état de fait.
C. Adhésion à plusieurs catégories
Dans une structure d’adhésion à plusieurs catégories, deux types de membres coexistent, partagent certains droits, mais se différencient par d’autres au sein de l’OBNL canadienne :
- Une catégorie de membres, composée exclusivement de l’OBNL américaine, peut exercer un droit de veto sur les changements fondamentaux apportés à L’OBNL canadienne;
- La deuxième catégorie de membres pourrait être composée de personnes responsables de la supervision stratégique et de la gestion de l’OBNL canadienne, ce qui pourrait comprendre également les administrateurs de l’OBNL canadienne.
Une structure d’adhésion à plusieurs catégories est préférable si l’OBNL canadienne souhaite demander le statut d’organisme de bienfaisance et éviter d’être considérée comme une fondation privée. L’ARC s’attend à ce que les décisions d’un organisme de bienfaisance canadien soient prises au Canada de manière indépendante. Lorsqu’elle est bien conçue, la structure à plusieurs catégories de membres permet à l’OBNL canadienne de respecter cette exigence.
Conclusion
Toute organisation à but non lucratif américaine qui envisage de s’implanter au Canada doit choisir avec soin une structure conforme à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif afin d’assurer la cohérence et l’harmonisation de ses objectifs ainsi que la pérennité de ses orientations stratégiques et de sa gouvernance. Ce choix pourrait également avoir une incidence sur la désignation des organisations qui souhaitent demander le statut d’organisme de bienfaisance.
Le rôle des membres du groupe Organismes de bienfaisance et à but non lucratif de Miller Thomson consiste à accompagner les organisations à but non lucratif américaines qui envisagent de s’établir au Canada ou d’obtenir le statut d’organismes de bienfaisance et à les aider à choisir la structure de gouvernance qui leur convient.