La crise du logement en Ontario s’intensifie, et les redevances d’aménagement (« RA ») comptent parmi les principaux facteurs qui font grimper les coûts. Ces frais, essentiels au financement d’infrastructures liées à la croissance, représentent un fardeau de plus en plus lourd pour les promoteurs et les acheteurs. Ils ont gonflé considérablement au cours de la dernière décennie, ajoutant parfois plus de 100 000 $ au coût d’une maison unifamiliale. À mesure que la pression s’accentue sur les municipalités pour trouver le juste équilibre entre les besoins en aménagement immobilier[e1] et ceux en logement abordable, ces dernières devront repenser la structure des RA et envisager de nouveaux modèles qui cadrent mieux avec les objectifs de la province en matière d’habitation.
Redevances d’aménagement à la hausse : une tendance insoutenable
Dans la majeure partie de la région du Grand Toronto (« RGT »), les RA ont plus que doublé au cours des dix dernières années. À Toronto par exemple, selon une étude récente du cabinet-conseil Keleher Planning & Economic Consulting[e2] portant sur l’état des RA en Ontario (en anglais seulement), les RA exigées pour les maisons individuelles non attenantes[e3] sont passées d’environ 14 000 $ en 2011 à plus de 97 000 $ en 2023, ce qui représente une augmentation stupéfiante de 592 %.
D’autres municipalités, comme Vaughan, Mississauga et Oshawa, ont enregistré des hausses similaires, pouvant parfois dépasser 200 %. Ces hausses pèsent lourd sur le coût de construction de nouveaux logements, et n’aident en rien quand il s’agit de répondre à la demande croissante du secteur de l’habitation.
Qui plus est, le mode de calcul et d’imposition des RA ne correspond vraisemblablement plus aux conditions économiques du secteur de l’aménagement immobilier ni aux pratiques exemplaires en matière de politique budgétaire.
À l’heure actuelle, les RA sont perçues d’avance, avant même la vente ou l’achat d’un immeuble, soumettant ainsi les promoteurs à d’importantes contraintes budgétaires. C’est le cas surtout pour les grands projets ou lorsque les taux d’intérêt sont élevés. Dans la RGT, les RA sont généralement établies et perçues plusieurs années avant qu’elles ne soient utilisées, si bien que de nombreuses municipalités ont constitué d’importants fonds de réserve.
Selon une étude du Groupe Altus[e4] et BILD[e5] (en anglais seulement), de 2013 à 2019, seize municipalités de la RGT ont perçu en moyenne 1,49 milliard de dollars chaque année grâce aux RA. À la fin de l’année 2019, elles détenaient globalement une somme de 3,25 milliards de dollars dans des réserves de RA inutilisées, dont une somme de plus de 1,5 milliard de dollars destinée à l’infrastructure routière. Cela a suscité des inquiétudes quant aux retards dans l’aménagement de services essentiels à la croissance du secteur de l’habitation.
La prise en compte de la valeur des terrains dans le calcul des RA est également devenue une préoccupation. La flambée des coûts des terrains dans les municipalités à forte croissance a provoqué une certaine volatilité dans l’établissement des redevances et a contribué à créer un cercle vicieux. En effet, l’augmentation des prix fonciers[e6] fait grimper les RA qui, elles, réduisent la viabilité des projets de construction, exacerbant du même coup la pénurie de logements et faisant grimper les prix encore davantage. Parmi les réformes proposées : retirer la valeur des terrains des calculs utilisés pour plafonner le montant des RA et limiter les coûts fonciers recouvrables aux coûts réellement engagés. Ces mesures freineraient la pression à la hausse sur les RA et tiendraient davantage compte de leur fonction infrastructurelle.
Réponse des municipalités face à la hausse des coûts
Soucieuse de s’attaquer à la hausse des coûts, la Ville de Mississauga a pris des mesures visant à réduire les coûts municipaux, notamment les suivantes :
- Une réduction temporaire de 50 % des RA imposées pour les projets résidentiels dont les travaux débuteront avant le 13 novembre 2026. Résultat : une économie de plus de 28 000 $ sur l’achat d’une maison unifamiliale neuve.
- Le report du paiement des redevances jusqu’au moment de la première occupation afin d’alléger le fardeau financier initial, et la suppression des redevances pour les logements de trois chambres construits à des fins locatives dans le but de faire croître l’offre de tels logements.
- Afin d’améliorer encore davantage l’offre de logements et leur accessibilité, la Ville de Mississauga a également incité la région de Peel à adopter des initiatives similaires et à accorder une réduction à long terme de 35 % sur l’impôt foncier des logements construits à des fins locatives.
De son côté, la Ville de Vaughan a également pris des mesures :
- L’adoption d’une politique de réduction et de report des RA, qui est entrée en vigueur le 19 novembre 2024.
- La politique prévoit des réductions considérables des RA, de 88 % à 92 % selon le type de logement, procurant des économies pouvant atteindre jusqu’à 44 273 $ dans le cas des maisons jumelées et des maisons individuelles non attenantes.
- Elle prévoit également la suspension des intérêts perçus au titre des RA pour les projets résidentiels.
Ces changements surviennent à la suite d’une période où Vaughan a appliqué des frais d’aménagement parmi les plus élevés de la région.
Réponse législative
Des propositions législatives récentes pourraient également contribuer à résoudre ce problème. La Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en construisant plus rapidement et plus efficacement(PDF)[e7] entend s’attaquer à la pression croissante sur les coûts de construction domiciliaire. Elle vise à améliorer la faisabilité financière de nouveaux projets immobiliers en reportant le paiement des RA jusqu’au moment de la première occupation, en actualisant et en précisant le cadre des RA, et en rationalisant le processus d’aménagement du territoire et d’approbation.
Enfin, bien que les RA demeurent un excellent outil pour les municipalités, leur structure actuelle, complexe et caractérisée par des coûts initiaux et une distorsion quant au coût des terrains, doit évoluer. Une réforme du système permettrait de continuer à financer des infrastructures essentielles tout en garantissant la faisabilité des projets immobiliers, en particulier dans les zones à forte croissance où le manque de nouveaux logements est le plus criant.
N’hésitez pas à communiquer avec un membre de nos groupes Transactions immobilières et baux et Droit municipal et aménagement du territoire si vous avez des questions au sujet du présent article ou si vous souhaitez obtenir plus d’information.
[e1]https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=AMENAGEMENT+IMMOBILIER&codom2nd_wet=1#resultrecs
[e2]https://kpec.ca/contact Ils utilisent le symbole “+” dans leur logo seulement. Ailleurs, c’est le “&”
[e3]https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=SINGLE-DETACHED+HOUSE&codom2nd_wet=1#resultrecs
[e4]https://www.altusgroup.com/?lang=fr?lang=fr&utm_source=google&utm_medium=organic “Un fournisseur leader de renseignements sur l’immobilier commercial”
[e5]Building Industry and Land Development Association https://www.bildgta.ca/about/who-we-are/ Association qui représente des secteurs de la construction résidentielles, rénovation, aménagement de terrain etc à Toronto.
[e6]https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=land+prices&codom2nd_wet=1#resultrecs
[e7]https://news.ontario.ca/assets/files/20250512/da33caed568904abb028cb32a8dfccdd.pdf