La population active du Canada vieillit. La retraite n’étant plus obligatoire, les employés travaillent souvent bien au-delà de 65 ans et mettent à profit une expérience et un talent inestimables. Cependant, dans le cadre de nombreux régimes d’avantages sociaux conçus à une autre époque, certaines garanties, telles que l’assurance vie, l’assurance invalidité de longue durée (« ILD ») et l’assurance maladie, sont réduites ou prennent fin automatiquement lorsque l’employé atteint un certain âge. Cette incohérence pourrait entraîner d’importants risques juridiques et opérationnels pour les employeurs.
Le cadre des avantages sociaux de votre organisation constitue-t-il un handicap ou un atout qui contribue à attirer et à retenir les employés de ce segment essentiel de talents? Le présent article vous renseignera sur tout ce que vous devez savoir à ce sujet.
Pourquoi les distinctions fondées sur l’âge applicables aux avantages sociaux font-elles l’objet d’un examen minutieux?
Les lois canadiennes sur les droits de la personne interdisent généralement la discrimination fondée sur l’âge, mais certaines exceptions s’appliquent généralement aux régimes d’avantages sociaux. Ceci dit, ces exceptions sont désormais contestées plus souvent en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).
À la première étape d’une analyse en fonction de la Charte, la question est de savoir si une distinction fondée sur l’âge (p. ex. la fin de l’admissibilité à l’assurance ILD à l’âge de 65 ans) constitue une violation des droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte. Pour qu’il y ait contravention, une simple distinction fondée sur l’âge (manifestement présente dans notre exemple) ne suffit pas. La distinction doit également véhiculer des préjugés ou des stéréotypes.
Même si une distinction est jugée discriminatoire en vertu de l’article 15 de la Charte, les tribunaux ou arbitres doivent ensuite passer à la deuxième étape prévue à l’article 1 et déterminer s’il s’agit d’une distinction « dont la justification peut se démontrer » dans des limites raisonnables dans le cadre d’une société libre et démocratique. Dans ce contexte, l’analyse en plusieurs volets porte généralement sur les facteurs suivants :
a : la question de savoir s’il existe un lien rationnel entre la distinction et l’objectif;
b : la question de savoir si la distinction en cause porte très peu préjudice au droit garanti par la Charte; et
c : la question de savoir s’il existe un rapport de proportionnalité entre l’objectif et ses effets.
Même si chaque situation est unique, il est risqué de s’en remettre à des pratiques dépassées en matière de régimes d’avantages sociaux.
Ce que les clients doivent retenir : Les réductions automatiques fondées sur l’âge constituent une stratégie à haut risque. La justification en droit de ces distinctions doit être solide et bien établie.
Dans quelles circonstances la fin de l’admissibilité à la garantie fondée sur l’âge est-elle justifiée?
Des décisions arbitrales et judiciaires rendues récemment ont mis en lumière les facteurs clés qui déterminent si la fin de l’admissibilité à la garantie sera confirmée :
- Invalidité de longue durée : La fin de l’admissibilité à l’âge de 65 ans est souvent confirmée. Cette décision s’explique par le fait que l’assurance ILD est conçue pour remplacer le revenu d’emploi jusqu’au départ à la retraite, et que l’âge de 65 ans est considéré comme un « indicateur raisonnable » de l’âge normal de la retraite. Il est important de noter qu’il a été amplement démontré qu’il est pratiquement impossible de souscrire une assurance ILD pour les employés de plus de 65 ans sur le marché actuel de l’assurance.Cependant, le marché évolue lentement et au moins un assureur offre désormais un produit d’assurance ILD de deux ans destiné aux travailleurs qui ont entre 65 et 70 ans.
- Assurance vie et maladie complémentaire : La fin de l’admissibilité à ces garanties est beaucoup plus difficile à justifier. Contrairement à l’assurance ILD, ces garanties ne sont généralement pas liées au revenu de retraite et il est possible de les souscrire à l’intention de travailleurs âgés sans subir d’augmentation considérable du coût. Si la fin de l’admissibilité est stipulée uniquement dans la police d’assurance et non dans la convention collective ou le contrat de travail qui prévoit par ailleurs les avantages sociaux, la contestation a beaucoup plus de chances d’aboutir aux résultats escomptés. Les tribunaux prennent également en considération la « répartition des ressources par groupe » afin de déterminer si la distinction est un moyen raisonnable de concilier les intérêts de tous les groupes d’employés.
Ce que les clients doivent retenir : La solidité de votre position juridique dépend :
(a) du type de garantie;
(b) de la mesure dans laquelle la distinction fondée sur l’âge est justifiée par des facteurs du marché; et
(c) de sa conformité avec les ententes contractuelles applicables conclues avec les personnes concernées.
La fin de l’admissibilité à l’assurance ILD est généralement plus facile à défendre que la fin de l’admissibilité à l’assurance vie ou à l’assurance maladie.
Comment les employeurs peuvent-ils se préparer pour l’avenir?
La transformation démographique ne faiblit pas. Pour atténuer les risques et devenir un employeur de choix prisé par les travailleurs d’expérience, un examen proactif s’impose.
- Examinez vos régimes : Retracez toutes les distinctions fondées sur l’âge qui se trouvent dans vos régimes d’avantages sociaux, polices d’assurance collective et documents sommaires.
- Révisez les documents constitutifs : Assurez-vous que toutes les distinctions fondées sur l’âge sont expressément et clairement mentionnées dans la convention collective ou les contrats de travail individuels, pas seulement dans la police d’assurance.Ce facteur est déterminant dans l’analyse juridique de la « proportionnalité ».
- Évaluez les facteurs du marché : Pour chaque garantie, renseignez-vous sur le coût et la disponibilité de l’assurance destinée aux employés de plus de 65 ans. Cet élément de preuve joue un rôle crucial dans la défense opposée dans le cadre d’une contestation judiciaire.
- Dites-vous qu’il s’agit d’une occasion à saisir : Considérez l’exercice comme un enjeu stratégique de gestion des talents. Adapter vos avantages sociaux selon les besoins d’une main-d’œuvre vieillissante peut se révéler un outil efficace pour fidéliser vos employés et favoriser la transmission des connaissances.
N’attendez pas de faire l’objet d’une plainte pour violation des droits de la personne. Il importe de procéder à un examen stratégique de votre régime d’avantages sociaux pour gérer les risques juridiques et tirer pleinement parti du potentiel de votre main-d’œuvre multigénérationnelle.
Répondre aux besoins d’une main-d’œuvre vieillissante nécessite une approche moderne à l’égard des avantages sociaux en phase avec les obligations légales et la stratégie de gestion des talents. La planification proactive est votre meilleur moyen de défense en cas de contestation judiciaire et une occasion unique de bâtir une organisation résiliente. Pour discuter de la révision de votre régime d’avantages sociaux, obtenir des conseils sur la gestion de ces enjeux complexes ou entamer une conversation instructive, communiquez avec notre groupe Droit du travail et droit de l’emploi.