Introduction

Dans le jugement Babalé c. Construction Mikael Proulx inc.[1], la Cour supérieure rappelle qu’il est important pour les entrepreneurs de ne pas résilier leur contrat à contretemps, et ce, même en présence d’un motif sérieux.

Faits

Un incendie survenu le 10 juin 2019 endommage fortement la propriété de M. Babalé et de Mme Tchakounté (les « Propriétaires »). Ces derniers font appel à leur assureur qui inspecte ladite propriété et mandate ensuite un entrepreneur afin de déterminer la valeur des travaux correctifs nécessaires. Dans le devis préparé par cet entrepreneur, une somme de 151?195,37 $ est prévue pour la réalisation de l’ensemble des travaux.

Toutefois, les Propriétaires décident de mandater leur propre entrepreneur, soit Construction Mikael Proulx inc. (« CMPI »). Celui-ci accepte, après négociations, d’effectuer les travaux pour la même somme que celle se trouvant à la soumission de l’entrepreneur de l’assureur.

Or, la relation entre les parties est tendue dès le début des travaux, soit au mois d’octobre 2019. Selon CMPI, les Propriétaires en voulaient « toujours plus » sans pour autant accepter de majorer le prix des travaux et ils s’immisçaient dans le déroulement de ceux-ci.

Malgré les difficultés entre les parties, elles ont tout de même conclu un autre contrat pour des travaux additionnels pour la somme de 18?910,43 $. Après quelque temps, CMPI constate que les Propriétaires n’ont pas l’intention d’honorer le contrat intervenu pour les travaux supplémentaires. En effet, ceux-ci n’avaient pas obtenu le prêt qu’ils espéraient de la banque pour le paiement desdits travaux additionnels.

À partir de ce moment, les relations deviennent plus difficiles et CMPI décide finalement de résilier le contrat intervenu entre les parties.

La Cour doit donc répondre à la question suivante : l’entrepreneur pouvait-il résilier son contrat dans ces circonstances?

Décision

Tout d’abord, le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») prévoit des règles précises pour la résiliation d’un contrat d’entreprise ou de services.

L’article 2125 C.c.Q. permet au client de résilier unilatéralement le contrat à sa convenance, et ce, même en l’absence d’une faute de son cocontractant. Le client bénéficie donc d’un droit à la résiliation unilatérale sans motif.

À l’inverse, l’article 2126 C.c.Q. assujettit le droit à la résiliation unilatérale par l’entrepreneur à certaines conditions.

En effet, sous réserve des modalités prévues au contrat, l’entrepreneur ne peut résilier unilatéralement le contrat que lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

  • La résiliation est justifiée par un motif sérieux;
  • La résiliation n’est pas faite à contretemps.

Quant à la première condition, soit la présence d’un motif sérieux, la Cour conclut que CMPI était justifié de résilier son contrat en raison du non-paiement des extras, de l’immixtion des Propriétaires dans l’exécution des travaux et des relations tendues entre les parties.

À noter toutefois que le non-paiement des extras ne constitue pas, généralement, un motif permettant à l’entrepreneur de résilier son contrat.

CMPI avait donc un motif sérieux pour résilier son contrat, mais cela ne suffit pas. Le juge énonce que l’entrepreneur a commis une faute en résiliant son contrat à contretemps. En effet, celui-ci a abandonné le chantier durant la période des fêtes alors que les travaux n’étaient pas assez avancés pour que les Propriétaires puissent y vivre avec leurs enfants.

Compte tenu de la résiliation du contrat à contretemps, les Propriétaires ont eu droit aux dommages causés par cette résiliation qualifiée de fautive par la Cour.

La Cour octroie aux Propriétaires les dommages suivants :

  • Le loyer encouru (2?474 $);
  • Troubles et inconvénients (3?500 $);
  • La restitution des avances payées.

L’entrepreneur a également eu droit à une somme de 16?495,96 $, soit la valeur des travaux exécutés au moment de la résiliation.

Conclusion

Ce jugement est pertinent en ce qu’il rappelle le principe selon lequel un entrepreneur, malgré des raisons valables pour résilier son contrat, peut se voir refuser son droit à ladite résiliation si celle-ci a été faite à un moment inopportun pour le client.

En effet, l’entrepreneur doit tenir compte de l’intérêt de son client, et ce, même lorsqu’un motif sérieux justifie la résiliation du contrat.

Cet article est paru dans l’édition du 18 mai 2023 du journal Constructo.


[1] Babalé c. Construction Mikael Proulx inc., 2022 QCCS 3798 (CanLII).