Journal Constructo – 20 mai 2021

Introduction

Il est bien connu que les conditions permettant un recours contre la caution pour gages, matériaux et services doivent être strictement respectées pour qu’un sous-traitant ou un fournisseur puisse obtenir le paiement de son dû par la caution, en cas de défaut par l’entrepreneur général.

Récemment, dans l’affaire Néolect inc. c. Échelon Assurance [1], la Cour supérieure a eu à déterminer si l’on devait tenir compte des essais réalisés par un entrepreneur électrique lors d’un projet pour les fins d’établir le point de départ et l’échéance du délai pour la transmission de l’avis de réclamation obligatoire en vertu du cautionnement. Par ailleurs, le débat a également porté sur la question de savoir si la perte causée par le vol de matériau pouvait être indemnisée en vertu dudit cautionnement.

Les faits

Dans le cadre du projet de réfection des terrains de tennis du parc LaSalle situé dans l’arrondissement de Lachine (le « Projet ») à Montréal, l’entrepreneur général Urbex Construction inc. (« Urbex ») confie en sous-traitance les travaux d’électricité à l’entrepreneur Néolect inc. (« Néolect »).

Au terme de ses travaux, Néolect réclame le paiement d’une somme de 104 764,23 $, ce qui représentait le total de son solde contractuel auquel s’ajoutait le prix du matériau volé lors du Projet. En raison de la faillite d’Urbex, Néolect s’adresse à l’entreprise ayant émis le cautionnement pour gages, biens et services pour obtenir paiement, soit Échelon Assurance (« Échelon »).

La défense que présente Échelon face à cette réclamation repose sur deux arguments principaux. D’une part, elle soutient que les conditions requises pour donner ouverture à un recours en vertu du cautionnement n’ont pas été respectées puisque la demande de paiement de Néolect n’a pas été transmise à l’intérieur du délai de 120 jours décrit au cautionnement. D’autre part, Échelon considère que les coûts du matériau volé ne sont pas couverts par le cautionnement émis.

La décision

Afin de déterminer si la demande de paiement a été adressée dans les délais prescrits, le tribunal est appelé à déterminer la date de fin des travaux de Néolect en vertu des modalités du contrat de cautionnement. En réalité, le débat entre les parties tourne autour des essais photométriques réalisés par Néolect. Si ces essais sont considérés comme étant les derniers travaux effectués, la réclamation sera recevable. À l’inverse, s’ils ne sont pas considérés comme des travaux au sens du contrat de cautionnement, la réclamation devra être rejetée.

Dans le cadre de son analyse, le tribunal cherche tout d’abord à savoir si les essais photométriques et les essais de résistance diélectrique réalisés par Neolect peuvent être considérés comme des travaux pour les fins du cautionnement. À ce titre, le tribunal rejette les prétentions d’Échelon voulant que ces travaux s’assimilent à des travaux d’entretien et retient plutôt que ces essais font partie des travaux devant être considérés pour les fins de détermination du point de départ de la période de 120 jours puisqu’ils étaient prévus au contrat. Il ne s’agissait pas de simples travaux visant à corriger des malfaçons ou à honorer une garantie. En outre, le tribunal écarte l’argument d’Échelon selon lequel ces essais sont de valeur minime de sorte qu’ils ne peuvent repousser la date de fin des travaux. Pour la cour, ces travaux font partie intégrante du contrat de Néolect et rien ne démontre que cette dernière en a retardé l’exécution.

Ensuite, le tribunal s’attarde à la portion de la réclamation de Néolect concernant le matériau volé. Bien que les parties se renvoient l’une à l’autre la responsabilité d’assumer la perte résultant du vol, la Cour considère que la réponse à cette question se trouve dans le contrat de cautionnement puisque seuls les biens et services fournis ou préparés pour l’exécution du contrat ou pour la réalisation des obligations incombant à l’entrepreneur en vertu de la loi sont couverts. Pour la Cour, l’indemnisation recherchée par Néolect n’a pas à être assumée par Échelon puisqu’une telle obligation ne fait pas partie de celles qui incombaient à l’entrepreneur cautionné en vertu de la loi. Ces obligations doivent être restreintes à celles qui se rattachent à la fourniture de la main-d’œuvre, de biens ou de services.

Le tribunal va donc accueillir la réclamation de Néolect en ce qui concerne son solde contractuel, mais il va rejeter la réclamation pour l’indemnité recherchée pour le matériau volé.

Conclusion

Cette décision est intéressante puisqu’elle rappelle l’importance d’analyser la documentation contractuelle afin de déterminer si des activités réalisées par un sous-traitant peuvent être considérées aux fins de détermination du point de départ du délai d’avis qui s’applique aux termes du cautionnement. Elle permet également de rappeler qu’un entrepreneur ne peut faire appel au cautionnement pour gages, matériaux et services afin d’être indemnisé lors d’un bris ou d’une perte d’équipement, et ce, même si l’entrepreneur général en est responsable.

Cet article est paru dans l’édition du 20 mai 2021 du journal Constructo.


[1] Néolect inc. c. Échelon Assurance, 2021 QCCS 1581 (CanLII). À noter qu’au moment d’écrire ce article, le délai d’appel n’était pas encore expiré.