Pendant la majeure partie de la dernière décennie, les employeurs canadiens ont eu recours à une formule officieuse : faire venir un travailleur qualifié, lui offrir un emploi stable et espérer qu’il obtiendra sa résidence permanente. Cette formule fonctionnait… jusqu’à maintenant.
Depuis septembre 2024, le gouvernement canadien a mis en œuvre des changements radicaux qui ont considérablement compliqué l’accès à la résidence permanente pour les étudiants internationaux et les travailleurs qualifiés. De nombreux travailleurs étrangers se retrouvent aujourd’hui dans l’incertitude et les employeurs qui continuent de compter sur des hypothèses dépassées devront se rendre à l’évidence en 2025.
Qu’est-ce qui a changé?
En l’espace de neuf mois seulement, plusieurs changements majeurs apportés à la politique d’immigration ont perturbé la filière habituelle de la résidence permanente :
- Refus de traitement des demandes d’évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour les postes à bas salaire;
- Rétablissement des conditions d’admissibilité aux permis de travail ouverts aux conjoints en vigueur avant la pandémie de COVID-19;
- Renforcement des critères d’admissibilité au permis de travail postdiplôme (PTPD);
- Réduction du nombre d’heures de travail hors campus pour les étudiants étrangers;
- Réduction globale du nombre d’admissions à la résidence permanente;
- Élimination des points liés à un « emploi réservé » pour le bassin Entrée express; et
- Interdiction d’effectuer des « allers-retours à la frontière » aux points d’entrée.
Quelle incidence ces changements ont-ils sur votre personnel?
Étudiants étrangers
Qu’en est-il de l’étudiant étranger que vous avez embauché? Il ne peut plus travailler à temps plein pendant les sessions d’études régulières. Depuis novembre 2022, les titulaires de permis d’études étaient autorisés à travailler plus de 20 heures par semaine, si bien que, pendant quelques années, les employeurs pouvaient embaucher des titulaires de permis d’études à temps plein. Cependant, depuis l’automne 2024, les titulaires de permis d’études sont autorisés à travailler seulement 24 heures par semaine pendant les sessions d’études, et à temps plein pendant les congés réguliers (c’est-à-dire les congés des Fêtes de fin d’année et l’été). Les employeurs doivent garder à l’esprit que, pour pouvoir continuer à travailler, les titulaires de permis d’études doivent également être inscrits à temps plein dans un établissement d’enseignement. Outre la modification du nombre d’heures de travail autorisées, la délivrance d’un PTPD n’est plus garantie après l’obtention du diplôme – l’admissibilité est désormais limitée à certains programmes et établissements.
Conjoints de travailleurs étrangers
Depuis quelques années, les conjoints de travailleurs étrangers pouvaient recevoir un permis de travail ouvert assorti de peu de restrictions. Les choses ont changé. Désormais, pour que le conjoint puisse obtenir un permis de travail ouvert, le travailleur principal doit occuper un emploi hautement spécialisé (catégories FEER 0 à 2 ou certains emplois de la catégorie FEER 3 selon la Classification nationale des professions). Le cadre politique en vigueur avant la pandémie de COVID-19 a donc été rétabli.
Travailleurs titulaires d’un permis de travail lié à un employeur donné exempté de l’EIMT ou soumis à l’EIMT
Même si vous avez obtenu une EIMT ou un permis de travail lié à un employeur donné exempté de l’EIMT pour aider un travailleur à obtenir la résidence permanente, ses chances pourraient être considérablement réduites. Depuis le 25 mars 2025, il n’est plus possible d’obtenir des points liés à un emploi réservé pour le bassin Entrée express. Cela représente une baisse de 50 à 200 points (selon la catégorie FEER à laquelle l’emploi appartient) – écart qui, dans bien des cas, prive le candidat de la chance de recevoir une invitation.
De plus, le gouvernement fédéral a annoncé une réduction de plus de 20 % du nombre de demandes de résidence permanente qui seront approuvées annuellement au cours des trois prochaines années. Cette mesure aura des répercussions sur le système fédéral de gestion des demandes Entrée express et les programmes des candidats des provinces (PCP).
Les PCP comptent désormais un moins grand nombre de candidats dont ils peuvent approuver la demande, et Entrée express enverra moins d’invitations au cours des années à venir, ce qui rendra encore plus difficile un processus déjà très compétitif.
D’autres obstacles à l’EIMT
Les demandes d’EIMT pour les postes à bas salaire sont des demandes d’EIMT soumises pour les emplois dont le taux de salaire est inférieur au seuil salarial provincial ou territorial. Les demandes d’EIMT soumises pour les postes à bas salaire font désormais l’objet d’un « refus de traitement » si l’emploi est situé dans une région métropolitaine de recensement dont le taux de chômage est égal ou supérieur à 6 %, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Québec a par ailleurs indiqué qu’elle ne traiterait plus AUCUNE demande d’EIMT pour les postes à bas salaire situés dans les régions de Montréal et de Laval jusqu’au 30 novembre 2025.
Par conséquent, même si vous avez obtenu une EIMT pour un poste l’année dernière, il se peut que vous ne puissiez pas en obtenir une autre de sitôt.
Finis les allers-retours à la frontière
La pratique des « allers-retours à la frontière » – consistant à sortir du territoire canadien et à repasser la frontière dans le but d’obtenir un nouveau permis de travail, autrefois largement répandue, – est officiellement interdite. L’Agence des services frontaliers du Canada n’autorise plus cette pratique, et les personnes qui tentent d’y recourir sont renvoyées. Les travailleurs doivent désormais déposer leur demande en ligne et savoir que les délais de traitement au Canada sont actuellement de cinq à six mois.
Bien que le délai de traitement des demandes soumises au Canada soit long, si une personne demande un nouveau permis de travail avant l’expiration de son permis de travail actuel, elle pourra continuer à travailler selon les conditions énoncées dans le permis de travail expiré en attendant la réception de son nouveau permis de travail; c’est ce que l’on appelle la « conservation du statut ». Après avoir déposé sa demande de permis de travail, elle recevra une lettre d’IRCC confirmant qu’elle peut continuer à travailler jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à sa demande de permis de travail. La conservation du statut demeure valide jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à la demande, à condition que la personne reste au Canada.
Compte tenu de cette nouvelle réalité, les travailleurs étrangers au Canada ne pourront vraisemblablement pas obtenir la résidence permanente sans le soutien structuré et proactif de leurs employeurs. Les employeurs ne peuvent plus supposer que leur travailleur étranger « a simplement besoin de quelques mois supplémentaires » sans risquer de le perdre.
Que peuvent faire les employeurs?
- Planifiez correctement la façon d’employer des travailleurs étrangers à long terme ꟷ l’obtention de la résidence permanente peut nécessiter plusieurs renouvellements du permis de travail, et donc plusieurs EIMT.
- Soutenez vos travailleurs en leur procurant des conseils professionnels en matière d’immigration, soit en embauchant une personne en interne pour remplir cette fonction soit en leur recommandant un conseiller juridique de confiance.
- Fournissez-leur des documents utiles : lettres d’offre, descriptions de poste détaillées et notes justifiant le salaire accordé en fonction des normes du marché.
- Élaborez sans tarder les stratégies d’obtention de la résidence permanente à l’égard des employés de grande valeur, en consultation avec un avocat spécialisé en droit de l’immigration.
- Tenez-vous au courant du contexte canadien de l’immigration en constante évolution.
Le Canada ne ferme pas ses frontières, mais il se montre nettement plus rigoureux dans le choix des personnes autorisées à demeurer sur son territoire. Les employeurs qui comprennent ces changements et s’y adaptent sauront conserver leurs talents. Les autres risquent de perdre des travailleurs qu’il pourrait être difficile de remplacer.
Besoin d’aide?
Pour discuter de vos travailleurs étrangers en poste actuellement et des répercussions que ces changements pourraient avoir sur votre entreprise, communiquez avec un membre de l’équipe Immigration de Miller Thomson