La récente grève des débardeurs en Colombie-Britannique (la « grève ») soulève d’importants enjeux juridiques pour les transporteurs, courtiers de fret, expéditeurs et autres parties qui dépendent étroitement du fonctionnement des ports au Canada.

Contexte

En juillet 2023, le Syndicat international du débardage et de l’entreposage (le « syndicat ») a entamé une grève après l’échec des discussions entre le médiateur fédéral et l’employeur, la British Columbia Maritime Employers Association. Selon le syndicat, le refus de l’employeur de négocier certains enjeux cruciaux, à savoir les questions de sous-traitance, d’automatisation des activités portuaires et des salaires, a rendu la grève nécessaire. Après des négociations infructueuses, plus de 7 400 débardeurs ont débrayé le 1er juillet 2023, suscitant des inquiétudes à l’échelle nationale quant aux répercussions de la grève sur les chefs d’entreprises au Canada et sur l’économie nationale en général.

La grève a touché plus de 7 000 débardeurs et plus de 30 ports de la Colombie-Britannique, y compris le port de Vancouver, qui relie le Canada à des centaines de marchés dans le monde. Une grande variété de marchandises et de denrées de base, notamment des conteneurs de produits en vrac, des matériaux de construction, des appareils électroniques et électroménagers, transitent chaque jour par le port de Vancouver et contribuent au PIB du Canada à hauteur d’environ 11,9 milliards de dollars[1]. Les experts prévoient que la grève entraînera des augmentations de prix dans de nombreux secteurs et estiment l’impact économique à plus de 250 millions de dollars[2].

Le 5 août 2023, les membres du syndicat ont approuvé à la majorité un accord de principe qui a officiellement mis fin à la grève. Même si la grève est terminée, elle aura des conséquences économiques à long terme, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.

Réflexions pratiques

Un grand nombre de transporteurs, de courtiers de fret et d’expéditeurs n’ont pas pu respecter leurs obligations contractuelles en raison des retards considérables que la grève a entraînés dans les secteurs de l’importation et de l’exportation de marchandises à partir des ports de la Colombie-Britannique. Une vague de réclamations pour rupture de contrat contre les entités dont les activités commerciales ont été paralysées par la grève est à prévoir. Des réclamations pour dommages matériels pourraient également être imminentes si certaines marchandises ont péri ou ont été endommagées pendant qu’elles attendaient d’être déchargées. Les conséquences juridiques à long terme du débrayage devraient inciter les entreprises à prendre des mesures préventives pour protéger leurs intérêts en cas de grève future.

Toute personne touchée par l’interruption des activités portuaires attribuable à la grève devrait examiner ses accords contractuels afin de vérifier s’ils contiennent des clauses concernant la non-exécution du contrat. Par exemple, les contrats peuvent contenir des clauses de force majeure qui libèrent une partie de ses obligations lorsqu’un événement indépendant de la volonté de l’une ou l’autre des parties (notamment la grève) rend l’exécution de ce contrat impossible. La formulation d’une clause de force majeure doit être examinée avec soin, car elle peut permettre aux parties de privilégier certaines obligations par rapport à d’autres, de dégager les parties de certaines obligations ou de résilier le contrat dans son intégralité.

Si un contrat ne contient pas de disposition qui libère la partie en défaut en cas de non-exécution du contrat, la doctrine de l’impossibilité d’exécution peut s’appliquer pour dispenser les deux parties de l’exécution lorsqu’il est devenu légalement ou physiquement impossible d’en respecter les modalités originales. Toutefois, autant les clauses de force majeure que la doctrine de l’impossibilité d’exécution exigent de la partie qui demande la dispense qu’elle prouve que l’exécution du contrat a été rendue impossible, et non pas simplement problématique ou onéreuse. Dans le contexte d’une grève, une partie doit démontrer que la grève a rendu impossible l’exécution des obligations contractuelles. L’application d’une clause de force majeure ou de la doctrine de l’impossibilité d’exécution dépendra également des critères factuels en cause.

Si vous avez des questions de nature juridique susceptibles de découler de la grève, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de l’équipe Transports et Logistique de Miller Thomson.

L’auteure tient à remercier Lara Jung, étudiante de Miller Thomson au cours de l’été 2023 pour sa participation à la rédaction de cet article.


[1] Port de Vancouver, « À propos », en ligne : <www.portvancouver.com/about-us/>.

[2] CBC News, « What you need to know about the B.C. port strike » (7 juillet 2023), en ligne : <www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/what-you-need-to-know-bc-port-strike-1.6898101>.