Le télétravail n’est désormais plus un concept étranger. L’IA prend de l’expansion. Les transactions commerciales se concluent sur un cellulaire plus tôt que dans une salle de conseil. Le monde des affaires doit s’adapter aux demandes de commodité et de mobilité de plus en plus fréquentes dans les transactions commerciales; le recours accru à la signature numérique depuis la pandémie de COVID-19 en est un bon exemple. Certains législateurs ont réagi rapidement, d’autres pas, ce qui a entraîné de l’ambiguïté et des incohérences potentielles dans l’approche adoptée. Ce qui ne fait aucun doute, cependant, c’est que ce sujet figure parmi les principales préoccupations des avocats spécialisés en crédit, car les acteurs concernés cherchent à trouver l’équilibre entre le désir d’accessibilité et de facilité et la nécessité pour les créanciers de maintenir les protections que leur accorde la loi.
Structure législative
Grâce aux outils comme Docusign, une transaction comportant de nombreux documents peut être conclue d’un seul clic – en tout temps, n’importe où. Cette technologie permet de gagner du temps et d’éviter les maux de tête, et ce, sans la lourdeur du processus de coordination des signataires des diverses parties. Par ailleurs, dans certains territoires de compétence du Canada, la loi sur les sociétés permet la signature électronique des certificats d’actions/d’unités (« certificats de valeurs mobilières »), à moins, bien entendu, que les documents constitutifs des sociétés visées ne l’interdisent[1]. Il n’est donc pas surprenant que les sociétés soient de plus en plus nombreuses à émettre des certificats de valeurs mobilières signés par voie électronique. Cependant, le hic, selon nous, c’est que l’économie de temps réalisée au départ grâce à la signature électronique pourrait jouer contre vous si vous souhaitez ultérieurement obtenir un prêt garanti.
Comme sûreté d’un prêt commercial, un créancier garanti peut exiger la mise en gage de valeurs mobilières parmi l’ensemble des éléments donnés en garantie. Pour assurer le plus possible la priorité et la perfection de ces valeurs mobilières données en garantie, les diverses lois provinciales sur le transfert des valeurs mobilières énoncent les mesures que peut prendre le créancier garanti pour parfaire la sûreté par le contrôle sur ces certificats de valeurs mobilières. La possession matérielle des certificats de valeurs mobilières (et un endossement valide) est souvent le moyen le plus simple que peut prendre un créancier garanti pour parfaire son intérêt dans les valeurs mobilières données en garantie[2]. Ce qui n’est pas clair, c’est la question de savoir si la possession d’un certificat de valeur mobilière signé par voie électronique (conformément à la loi sur les sociétés applicable) respecte la première exigence – la possession matérielle. Si une valeur mobilière avec certificat s’entend simplement d’une valeur mobilière représentée par un certificat, et si le certificat signé par voie électronique est valide en vertu de la loi sur les sociétés pertinente, le fait de prendre possession d’une version imprimée de ce certificat permet-il de remplir cette exigence? Voilà une proposition intéressante que nous avons commencé à observer dans les transactions de prêt, surtout lorsque le facteur temps entre en ligne de compte et que le signataire visé peut difficilement se déplacer pour signer les documents.
Où est le problème?
Mis à part l’éventuel problème plus général lié au recours à l’interprétation de la loi pour une partie de ce qui précède (plutôt qu’à une autorisation expressément prévue par celle-ci), l’objectif sous-jacent à la volonté d’obtenir la possession matérielle du certificat est de pouvoir démontrer que vous en avez le contrôle. La possibilité qu’une personne (disons un fraudeur) puisse imprimer d’autres certificats de valeurs mobilières signés par voie électronique n’est pas écartée du simple fait que le certificat est signé au stylo; en effet, une personne pourrait également imprimer et signer d’autres certificats de valeurs mobilières avec un stylo. Le risque existe dans les deux ans, et il s’agit davantage d’une question de fraude que de perfection. Cela dit, il est possible d’atténuer le risque de fraude en optant pour la signature au stylo, puisqu’il est fort possible que le fraudeur soit le signataire plutôt que la personne qui a accès au document PDF signé et à l’imprimante.
Quelle tendance observe-t-on sur le marché?
Le marché hésite à considérer les certificats de valeurs mobilières signés par voie électronique comme satisfaisants aux fins de l’exigence de possession matérielle relative à la « perfection par le contrôle ». L’argument d’interprétation de la loi est-il solide? Il semble que oui. Verrons-nous le marché changer de cap et accepter les certificats signés par voie électronique comme sûreté d’un prêt garanti sans orientation législative expresse? Il semble que non.
Pour l’heure, pendant que les discussions se poursuivent et que les législateurs se prononcent, les entreprises devraient réfléchir à leurs besoins de financement éventuels et, si possible, signer leurs certificats de valeurs mobilières au stylo. Les transactions de prêt sont souvent liées à un projet ou une acquisition dans le cadre desquels le facteur temps revêt une importance capitale. Pour éviter les démarches administratives de dernière minute (comme l’annulation d’un certificat de valeur mobilière et l’émission d’un nouveau certificat au stylo, ou toute autre solution créative chronophage), il vaut mieux conserver une longueur d’avance.
Vous avez des questions sur la perfection d’une sûreté à l’ère numérique? Notre équipe Institutions financières est là pour vous aider. Communiquez avec nous pour favoriser la clarté et la conformité.
[1] La Business Corporations Act (Saskatchewan) et la Loi sur les sociétés par actions (Québec) permettent expressément la signature électronique des certificats de valeurs mobilières [Business Corporations Regulations, 2022, Sask Reg 91/2022, art. 11-9 et The Electronic Information and Documents Act, 2000; Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, chapitre S-31.1, art. 62]. La Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) et la Business Corporations Act (Alberta), par exemple, exigent que la signature des certificats de valeurs mobilières soit « reproduite mécaniquement, notamment sous forme d’imprimé », ce qui, dans la pratique, a été interprété comme une autorisation de signature électronique accordée par la loi. La Business Corporations Act (Colombie-Britannique) ne permet pas la signature électronique de certificats de valeurs mobilières; elle stipule qu’« un certificat d’actions doit être signé à la main » [Business Corporation Act (Colombie-Britannique), SBC 2002, chap. 57, art. 110(1)].
[2] Par exemple, la Loi sur les sûretés mobilières (Ontario) et l’ordonnance rendue par le ministre en vertu de celle-ci prévoient qu’un créancier garanti a le contrôle d’une valeur mobilière avec certificat si le créancier garanti en a la maîtrise de la manière indiquée à l’article 23 de la Loi de 2006 sur le transfert des valeurs mobilières (Ontario) (la « LTVM ») [LTVM, art. 68(1)(a)]. L’article 23(2) de la LTVM prévoit que l’« acquéreur a la maîtrise d’une valeur mobilière avec certificat nominative si elle lui est livrée et que le certificat est : a) soit endossé à son nom ou en blanc au moyen d’un endossement valide; b) soit inscrit à son nom au moment de l’émission initiale ou de l’inscription du transfert par l’émetteur ».