L’essor des nouvelles technologies bouleverse le secteur des prêts commerciaux au Canada, transformant en profondeur ce volet central du secteur des services financiers au Canada. Les solutions innovantes, telles que l’intelligence artificielle (IA), les services bancaires ouverts et l’intégration numérique transforment les pratiques en matière de prêts au Canada, de l’octroi à la gestion des services qui s’y rattachent.
Si ces progrès offrent aux entreprises de nouveaux leviers pour optimiser leur efficacité et enrichir l’expérience client, ils s’accompagnent également de défis juridiques particuliers. Cet article met en lumière les forces motrices de l’innovation en matière de technologies financières dans les prêts commerciaux au Canada, ainsi que les enjeux juridiques qui en découlent.
IA et évaluation des risques
Dans le domaine des prêts commerciaux, l’IA est de plus en plus utilisée pour optimiser les processus décisionnels et la gestion des risques. Certaines institutions financières commencent à utiliser l’IA pour évaluer la solvabilité des entreprises, prédire les tendances et automatiser les processus de souscription. Certaines sociétés de prêt qui ne sont pas des institutions bancaires comme FundThrough ont commencé à utiliser des algorithmes alimentés par l’IA pour offrir des options de financement sur mesure aux petites et moyennes entreprises[1], alors que les grandes institutions financières peuvent utiliser l’apprentissage automatique pour concevoir des algorithmes de notation de crédit précis.
Toutefois, l’adoption de l’IA dans la gestion des prêts commerciaux soulève d’importantes préoccupations sur le plan juridique, notamment sur les enjeux de transparence, d’imputabilité et d’équité. Les sociétés de prêt au Canada qui utilisent l’IA doivent se demander si leurs systèmes d’IA respectent la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et d’autres lois et règlements provinciaux sur la protection des données afin d’éviter toute violation du droit à la vie privée dans le cadre du processus décisionnel.
Services bancaires ouverts
Les services bancaires ouverts permettent aux entreprises de partager en toute sécurité leurs données financières avec des fournisseurs tiers, une pratique qui gagne en popularité dans le secteur des prêts commerciaux au Canada. L’adoption de services bancaires ouverts par les grandes banques et institutions financières vise à faciliter l’accès aux données et à améliorer l’efficacité des processus d’évaluation des prêts.
Les services bancaires ouverts offrent aux entreprises un meilleur contrôle de leurs données financières et facilitent l’accès au crédit. Toutefois, ils font émerger de nouveaux risques liés à la sécurité des données et aux accès non autorisés. Au Canada, le cadre législatif et réglementaire doit évoluer afin d’assurer une protection rigoureuse des données des consommateurs et des entreprises, tout en préservant un climat propice à l’innovation. Les institutions financières pourraient se tourner davantage vers des professionnels du droit pour obtenir des conseils sur la conformité de leurs pratiques avec la LPRPDE et d’autres lois sur la protection de la vie privée, tout en veillant à limiter leur responsabilité dans la gestion des responsabilités contractuelles avec les fournisseurs tiers.
Intégration numérique
L’intégration numérique révolutionne la manière dont les prêts sont traités au Canada. En effet, les plateformes en ligne permettent aux entreprises de présenter des demandes de financement, d’obtenir des prêts et de procéder à la gestion de leurs comptes. Ces services ont considérablement simplifié la manière dont les entreprises ont accès au capital au Canada. Toutefois, même si l’intégration numérique facilite l’obtention de prêts commerciaux, elle pose également des défis importants sur le plan de la conformité aux lois relatives à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et de la connaissance du consommateur.
Pour se prémunir contre la fraude et le blanchiment d’argent, les institutions financières canadiennes doivent respecter des exigences strictes de vérification de l’identité. Les technologies, notamment les outils de vérification biométrique et de reconnaissance faciale, sont de plus en plus utilisées par les sociétés de prêt pour rationaliser les processus d’intégration, mais elles soulèvent des inquiétudes en matière de protection des données et de la vie privée. Avant d’adopter de nouvelles technologies, les institutions financières et leurs équipes juridiques doivent s’assurer qu’elles ne contreviennent pas à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et que leur utilisation des plateformes numériques ne compromet pas la protection des renseignements personnels.
Cybersécurité et protection des renseignements personnels
Dans un contexte où les prêts commerciaux sont de plus en plus souvent octroyés en ligne, la sécurité des systèmes et la confidentialité des données sont des enjeux de premier plan. En raison de l’importante quantité de données sensibles qui leur sont confiées, les institutions financières sont particulièrement exposées aux menaces croissantes en matière de cybersécurité. Les sociétés de prêt s’exposent ainsi à de lourdes conséquences en cas de brèche dans la sécurité des données.
Les avocats doivent s’assurer que les sociétés de prêt qui font partie de leur clientèle comprennent et respectent les exigences de la LPRPDE ainsi que leurs obligations en vertu de lois, telles que la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée et toute loi comparable en vigueur dans chaque province. L’intégration de solutions technologiques émergentes, comme les chaînes de blocs et les services d’infonuagique, entraîne l’augmentation des demandes de services juridiques, car les institutions financières doivent composer avec les complexités de la sécurisation des transactions numériques tout en répondant aux exigences de conformité imposées par les lois provinciales et fédérales en matière de protection des données. Les institutions doivent aborder de façon proactive les risques juridiques liés à la non-conformité, qu’il s’agisse de pénalités, de poursuites ou d’atteintes à leur réputation.
Écosystèmes de réglementation
Nous constatons que les écosystèmes de réglementation créent un terrain fertile à l’innovation dans le secteur des prêts commerciaux. À titre d’exemple, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont toutes deux lancé des initiatives qui permettent aux entreprises de technologie financière de tester de nouveaux produits et services dans un environnement contrôlé. Ces initiatives sont l’occasion pour les entreprises du secteur des prêts commerciaux d’expérimenter de nouvelles technologies, comme les plateformes de prêt alimentées par l’IA ou les modèles de prêts numériques, tout en s’assurant que ces initiatives respectent les normes imposées par les règlements.
Surveillance réglementaire
Bien qu’innovantes, les technologies financières ne sont pas sans soulever des préoccupations d’ordre juridique, notamment sur les plans de la responsabilité, de la protection des consommateurs et de la surveillance réglementaire. En effet, les sociétés de prêts commerciaux doivent s’assurer que l’utilisation de ces outils demeure conforme aux lois en matière de valeurs mobilières et de protection des consommateurs (notamment la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur la protection du consommateur de la province concernée ou toutes lois équivalentes).
De plus, les entreprises dont les activités touchent aux opérations de change, à la délivrance ou au remboursement de mandats ou d’instruments similaires, à la négociation de monnaies virtuelles et aux plateformes de sociofinancement sont assujetties aux mesures mises en œuvre par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) en vertu de la LRPCFAT.
Par ailleurs, en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAPD), la Banque du Canada s’est vu confier le mandat de superviser le secteur des paiements de détail au Canada, notamment en encadrant les fournisseurs de services de paiement, en exigeant leur immatriculation auprès de la Banque du Canada, en veillant à la surveillance et à la déclaration des risques et en disposant de moyens d’intervention en cas de non-conformité. Les entreprises de technologie financière qui répondent à la définition de fournisseurs de services de paiement en vertu de la LAPD sont tenues d’obtenir une immatriculation auprès de la Banque du Canada depuis le 1er novembre 2024.
Défis juridiques transfrontaliers
Les projets d’innovation dans le domaine des technologies financières ne sont pas exclusifs au Canada, ce qui oblige les entreprises canadiennes à composer avec la complexité d’un contexte transfrontalier, notamment lorsqu’il est question de cryptomonnaie et de financement international. Les sociétés de prêt qui s’engagent dans le financement d’opérations de commerce international ou qui utilisent des systèmes de paiement en cryptomonnaie doivent comprendre l’articulation entre les lois canadiennes et les règlements internationaux. Par exemple, les plateformes d’échange de cryptomonnaies comme Coinbase et Binance permettent aux entreprises de procéder à des collectes de fonds au moyen de cryptomonnaies, mais ces opérations sont assujetties aux cadres réglementaires propres à chaque pays.
Les sociétés qui accordent des prêts aux entreprises pourraient avoir besoin de conseils juridiques sur la façon de se conformer aux lois internationales, entre autres au Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne pour la protection des données, ou aux règlements de la Securities and Exchange Commission des États-Unis concernant les cryptomonnaies. Les avocats peuvent également être appelés à accompagner les entreprises dans la gestion des risques découlant des prêts transfrontaliers, en particulier en raison des disparités dans l’application des règles financières d’un territoire de compétence à un autre.
Points essentiels à retenir
- Les technologies financières transforment la façon dont les prêts commerciaux sont octroyés au Canada (et dans le monde), grâce à des processus simplifiés, à une meilleure évaluation des risques et à un accès plus rapide aux capitaux.
- L’IA stimule l’innovation, mais soulève également d’importantes questions d’ordre juridique sur le plan de la transparence, de l’équité et du respect des lois en matière de protection de la vie privée, entre autres de la LPRPDE.
- Les services bancaires ouverts améliorent le partage des données entre les sociétés de prêt et les entreprises, mais entraînent également des enjeux juridiques complexes sur le plan du consentement, de la sécurité des données et de la responsabilité des tiers.
- L’intégration numérique peut simplifier l’octroi des prêts, mais elle exige un respect rigoureux des règles en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et de connaissance du consommateur, surtout du fait que les technologies biométriques sont de plus en plus répandues.
- La cybersécurité est désormais au cœur de la gestion des risques juridiques, les sociétés de prêt doivent protéger de manière proactive les données confidentielles liées aux activités commerciales et se conformer aux lois fédérales et provinciales en matière de protection de la vie privée.
- Les écosystèmes réglementaires agissent en faveur de l’innovation responsable, mais les institutions participantes doivent être conformes aux lois sur les valeurs mobilières et la protection des consommateurs.
- Les prêts transfrontaliers et les cryptomonnaies augmentent la complexité sur le plan juridique, et appellent à une application prudente des règlements étrangers, entre autres le RGPD.
À mesure que les technologies financières évoluent, le paysage juridique entourant les prêts commerciaux au Canada devient de plus en plus complexe. Les avocats spécialisés dans les prêts commerciaux doivent saisir de manière proactive les enjeux liés aux nouvelles technologies et leurs effets sur le respect des cadres réglementaires. La collaboration entre professionnels du droit, sociétés de prêt et organismes de réglementation est essentielle pour favoriser la mise en place d’un cadre réglementaire propice à l’innovation tout en assurant la protection des entreprises et des consommateurs.
Vous souhaitez y voir plus clair sur la façon dont les technologies financières émergentes s’inscrivent dans le cadre juridique au Canada? Les membres de l’équipe Institutions financières de Miller Thomson sont à votre disposition pour veiller à votre conformité, limiter vos risques et vous accompagner dans vos projets d’innovation.
[1]FundThrough, Questions fréquentes (consultation le 11 avril 2025), en ligne : <https://www.fundthrough.com/how-funding-works/>.