Lorsque dynamique familiale et administration de succession s’entrechoquent, les conséquences peuvent être complexes, tant sur le plan émotionnel que juridique. Dans l’affaire Virdi Estate (Re), 2025 BCSC 689, la Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est récemment penchée sur la question de savoir si un fils pouvait agir en tant qu’exécuteur testamentaire tout en faisant valoir une importante créance financière à l’encontre de la succession de son défunt père.
Cette décision nous éclaire sur la manière dont les tribunaux examinent les conflits d’intérêts dans les litiges successoraux – et offre de précieux enseignements aux planificateurs successoraux, avocats plaidants et conseillers financiers. L’affaire constitue également une mise en garde sur l’importance de choisir des exécuteurs testamentaires réellement impartiaux, en particulier lorsque des membres de la famille sont également des créanciers potentiels.
Le litige
Le testateur décédé en juillet 2023 a laissé derrière lui un testament signé en 1995 désignant l’un de ses quatre enfants comme exécuteur testamentaire suppléant (l’« exécuteur testamentaire »). La succession, estimée à environ 1,56 million de dollars, comprenait une maison familiale et des actifs financiers. Après le décès du testateur, l’exécuteur testamentaire a présenté un testament plus récent, datant de 2019, en vertu duquel il serait l’unique bénéficiaire. Ses frères et sœurs ont contesté la validité du document au motif qu’il aurait été frauduleux, ce qui a amené l’exécuteur testamentaire à faire homologuer le testament signé en 1995.
Le litige n’a toutefois pas pris fin à ce moment-là. L’exécuteur testamentaire a présenté un billet à ordre daté de 1993 selon lequel leur père lui devait la somme de 110 000 $ majorée des intérêts. Deux des frères et sœurs, SL et PV, ont contesté la légitimité du billet, se disant préoccupés par la date de sa rédaction, la police de caractères utilisée, la crédibilité des témoins et l’aversion bien connue de leur père pour les dettes. Ils prétendaient que le billet avait été fabriqué pour donner droit à une part plus importante de la succession. SL a ensuite demandé que l’exécuteur testamentaire soit remplacé au motif que sa créance financière donnait lieu à un conflit d’intérêts le rendant inadmissible à occuper cette fonction. La Cour lui a donné raison.
Le cadre juridique régissant le remplacement d’un exécuteur testamentaire
En vertu des articles 158 et 159 de la Wills, Estates and Succession Act et de l’article 31 de la Trustee Act, la Cour a le pouvoir de destituer un exécuteur testamentaire et de nommer un remplaçant. Les tribunaux invoquent également leur compétence inhérente pour veiller à ce que les successions soient administrées équitablement et dans l’intérêt supérieur de tous les bénéficiaires. Les principes clés suivants guident le pouvoir discrétionnaire du tribunal :
- Le choix de l’exécuteur testamentaire par le testateur est respecté, mais n’est pas absolu;
- Il doit être clairement établi que la désignation de l’exécuteur testamentaire compromet la bonne administration de la succession;
- Le bien-être des bénéficiaires est la principale préoccupation du tribunal;
- Les conflits d’intérêts qui mettent en péril la succession ou suscitent une méfiance légitime parmi les bénéficiaires peuvent justifier la destitution.
Dans sa décision, la Cour a fait référence à l’affaire Bringeland Estate (Re), 2024 BCSC 1546 et mentionné des facteurs non exhaustifs permettant d’évaluer si un conflit d’intérêts entraîne une inadmissibilité. Ces facteurs comprennent notamment la transparence de la créance alléguée par l’exécuteur testamentaire, le montant et la date de la créance, l’opposition des autres bénéficiaires et la question de savoir si la créance nuit à l’administration de la succession.
Raison ayant incité le tribunal à remplacer l’exécuteur testamentaire
La juge Norell a conclu que la demande de l’exécuteur testamentaire donnait lieu à un conflit d’intérêts direct et irréconciliable. En maintenant sa demande, il agirait en fait à la fois comme demandeur et comme défendeur – il présenterait la demande à l’encontre de la succession en son nom personnel tout en représentant la succession en tant qu’exécuteur testamentaire. Bien que l’exécuteur testamentaire ait proposé de retenir un montant pour garantir le montant contesté, la Cour a jugé cette mesure inappropriée. Il s’agissait d’abord et avant tout d’un problème d’impartialité, non de sécurité. Comme les actions de l’exécuteur testamentaire avaient déjà suscité une grande méfiance et risquaient de retarder ou de perturber l’administration de la succession, la Cour l’a remplacé par SL dans ses fonctions de représentant successoral et fiduciaire.
La Cour a également rejeté les arguments selon lesquels SL était également en conflit d’intérêts en raison d’une demande antérieure qu’elle avait déposée (puis abandonnée) à l’encontre de la succession. Cette demande est restée sans suite et toute responsabilité en résultant était à la fois minime et incertaine en regard du montant élevé de la créance toujours réclamée par l’exécuteur testamentaire.
Points à retenir
L’affaire Virdi Estate (Re) souligne l’importance de la neutralité et de la confiance dans l’administration d’une succession. Si la loi tend à respecter la volonté du testateur quant à la désignation de son exécuteur testamentaire, ce respect ne saurait primer sur l’importance d’une gestion saine et impartiale de la succession. Les exécuteurs testamentaires qui font valoir des droits personnels à l’encontre de la succession doivent être prêts à se retirer pour préserver l’intégrité de la procédure. Cette décision est un rappel utile : dans le domaine des successions, l’apparence d’équité est tout aussi cruciale que l’équité en soi. Les conseillers juridiques et les familles doivent réellement se demander si l’exécuteur testamentaire qu’ils se proposent de choisir peut être impliqué dans un conflit d’intérêts susceptible de l’empêcher de remplir ses fonctions.
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