Lorsque l’aptitude d’une personne à prendre des décisions est mise en doute – que cela touche ses biens, sa santé ou ses dispositions testamentaires – le débat s’oriente rapidement vers la notion de capacité. Bien souvent, cette notion est employée de manière très générale pour décrire l’aptitude d’une personne à décider pour elle-même.
Toutefois, le terme « capacité » n’est pas universel. En Ontario, les lois reconnaissent diverses formes de « capacité » chacune applicable à certains types de décisions et régie par des critères juridiques distincts. La capacité d’une personne peut varier : elle peut être suffisante pour certaines décisions, mais pas pour d’autres.
Lorsque quelqu’un évoque le terme « capacité », il est important de déterminer précisément de quelle(s) forme(s) il s’agit. Toute personne qui participe à la planification d’une succession, à la gestion d’un patrimoine ou à la prestation de soins doit connaître ces distinctions. Toute interprétation erronée de la notion de « capacité » peut conduire à l’invalidité de testaments, à des transactions non autorisées ou à des litiges coûteux. Nous avons présenté ci-après cinq formes de capacité juridique reconnues en Ontario, ainsi qu’une explication de leur évaluation et des aspects cruciaux auxquels les professionnels du secteur juridique et du milieu des affaires doivent être attentifs dans des situations réelles.
1. La capacité de gérer ses finances
L’une des formes d’aptitude est la capacité de gérer ses biens, c’est-à-dire l’aptitude d’une personne à prendre des décisions éclairées concernant ses comptes bancaires, ses biens immobiliers, ses revenus, ses dépenses, etc.
En Ontario, le critère permettant d’évaluer la capacité de gestion de ses biens est défini dans la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui (la « Loi ») selon laquelle une personne possède cette forme de capacité tant qu’elle est capable « de comprendre les renseignements qui sont pertinents à la prise d’une décision concernant la gestion de ses biens […] [et] d’évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou d’une absence de décision ».
En d’autres termes, pour avoir la capacité de gérer ses finances, une personne doit être capable de comprendre les facteurs pertinents à sa prise de décisions financières et de comprendre les possibles répercussions de ces décisions.
2. La capacité de prendre soin de sa personne
Une autre forme d’aptitude est la capacité de prendre soin d’elle-même, c’est-à-dire savoir si la personne est capable de prendre des décisions concernant ses propres soins de santé, mais également des décisions fondamentales concernant son apparence, son hygiène, son alimentation, son habillement, etc.
Selon la Loi, pour avoir la capacité de prendre soin d’elle-même, une personne doit être capable « de comprendre les renseignements qui sont pertinents à la prise d’une décision concernant ses propres soins de santé, son alimentation, son hébergement, son habillement, son hygiène ou sa sécurité […] [et] d’évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou d’une absence de décision ».
Il est important d’insister ici sur la capacité d’une personne à comprendre les renseignements pertinents à sa prise de décision et les conséquences susceptibles de découler de celle-ci. Toutefois, les décisions concernant un traitement médical sont intrinsèquement personnelles. Une personne est bien sûr libre d’avoir ses propres valeurs et convictions concernant son traitement, et sa décision n’a pas d’incidence sur sa capacité. Le critère d’évaluation porte sur sa compréhension des renseignements pertinents et des possibles répercussions de sa décision.
3. La capacité d’accorder une procuration
Si une personne n’a pas la capacité de gérer ses biens ou de prendre soin de sa personne, elle a besoin de quelqu’un pour prendre ces décisions à sa place :
Procuration relative aux biens
- Une personne peut notamment rédiger un document appelé « procuration perpétuelle relative aux biens », dans lequel elle accorde à une autre personne le pouvoir de prendre des décisions financières en son nom, et ce pouvoir sera maintenu même après que le mandant aura perdu sa capacité de gestion des biens.
Procuration relative au soin de la personne
- Une personne peut également accorder une « procuration relative au soin de la personne » afin de nommer une autre personne pour prendre des décisions relatives au soin de la personne en son nom après avoir perdu la capacité de le faire.
Il est important de rappeler que la capacité d’accorder une procuration pour les biens ne requiert pas le même degré de capacité que celui lié à la gestion des biens. En d’autres termes, une personne peut perdre la capacité de gestion de ses biens tout en conservant la capacité de déterminer à qui elle souhaite confier cette responsabilité.
Les critères liés à la capacité de donner une procuration perpétuelle relative aux biens sont définis dans la Loi. En résumé, la personne doit, notamment :
- savoir quel genre de biens elle possède et en connaître la valeur approximative;
- être consciente de ses obligations envers les personnes à sa charge;
- être consciente de la nature et des effets d’une procuration et savoir qu’elle peut la révoquer;
- savoir que la personne nommée comme procureur doit rendre compte des mesures qu’il prend;
- être consciente de la possibilité que le procureur puisse commettre des erreurs de gestion ou abuser des pouvoirs qui lui sont accordés.
Il est également possible qu’une personne ait la capacité d’accorder une procuration pour prendre soin de sa personne, même si elle n’a pas la capacité de prendre elle-même soin de sa personne.
Selon la Loi, le critère permettant de déterminer si une personne est capable de donner une procuration relative au soin de la personne consiste à déterminer si une personne « est en mesure de comprendre si le procureur s’intéresse réellement à son bien-être et […] se rend compte qu’elle peut avoir besoin que le procureur prenne des décisions pour elle ».
4. La capacité de faire un testament
En dernier lieu, l’autre forme d’aptitude appelée la « capacité de faire un testament » renvoie à la capacité de rédiger un testament.
Les critères liés à la capacité de faire un testament sont totalement différents de ceux attribués aux autres capacités évoquées ci-dessus. Ils s’appuient sur une décision marquante des tribunaux britanniques dans l’affaire Banks c. Goodfellow (NTD – Citation leads to a article that is not quite the true citation – implies ruling has changed – please review), qui a été reconnue et intégrée au droit canadien par la Cour suprême du Canada.
Selon cette décision, pour avoir la capacité de faire un testament, une personne doit :
- comprendre la nature et les effets d’un testament;
- être consciente de l’étendue des biens dont elle dispose dans son testament;
- évaluer la nature des réclamations qui pourraient être formulées par les personnes susceptibles, en général, de faire partie des bénéficiaires de la succession (p. ex., le conjoint, la conjointe, les enfants, etc.);
- ne pas souffrir de troubles délirants ou mentaux susceptibles d’avoir une incidence sur la manière dont elle dispose de ses biens dans son testament.
5. Évaluation des capacités en pratique
Il n’est pas toujours facile d’évaluer si une personne respecte les exigences juridiques propres aux différentes formes de capacité. La réalité comporte souvent une part d’incertitude, car certaines personnes peuvent connaître de « bonnes journées » ou de « mauvaises journées », ce qui peut les faire basculer entre capacité et incapacité.
En Ontario, la Loi prévoit des « évaluateurs de capacité » qualifiés pour faire des évaluations de capacité. Ils peuvent effectuer une évaluation formelle de la capacité et fournir par écrit un avis sur la capacité d’une personne à prendre des décisions concernant ses biens, à prendre soin de sa personne ou à accorder ou révoquer une procuration pour ses biens ou pour prendre soin de sa personne. Toutefois, l’évaluateur de capacité désigné en vertu de la Loi ne fournira pas d’évaluation formelle de la capacité de faire un testament.
Si l’avis des professionnels de la santé peut constituer un élément de preuve utile pour évaluer si une personne possède une certaine forme de capacité, il est toutefois important de rappeler que la capacité est, en fait, un concept juridique et non une question médicale.
Lorsque la capacité devient l’enjeu d’un litige
Les contestations en matière de capacité s’avèrent souvent délicates et fortement chargées d’émotion, en particulier lorsque des proches ou des professionnels ne partagent pas le même point de vue. Ces litiges peuvent perturber l’administration d’une succession, entraîner la suspension de l’accès aux comptes ou invalider des documents essentiels.
Les enjeux de capacité peuvent rapidement s’envenimer et de simples décisions quotidiennes en matière de soins à une personne peuvent se transformer en litiges successoraux dans lesquels des millions de dollars peuvent être en jeu. Si vous avez des doutes quant à la capacité de décision d’un proche ou d’un client, ou si vous avez connaissance d’un litige concernant un testament ou une procuration, n’attendez pas que le conflit s’aggrave. Communiquez avec un membre du groupe Successions et fiducies de Miller Thomson pour obtenir des conseils stratégiques concernant l’évaluation des capacités, les litiges relatifs aux procurations et la planification successorale.
La capacité de gérer ses biens, de prendre soin de sa personne, d’accorder une procuration (pour la gestion des biens ou pour prendre soin de sa personne) et de rédiger un testament (capacité de faire un testament).
En Ontario, cinq formes de capacité juridique peuvent avoir une incidence sur la planification successorale et l’administration des successions :
1. Capacité de gestion de ses biens : capacité de comprendre et d’évaluer les décisions financières.
2. Capacité de prendre soin de sa personne : capacité de prendre des décisions concernant sa santé, son alimentation, son habillement, son hébergement, etc.
3. Capacité d’accorder une procuration pour la gestion des biens : capacité de choisir une personne de confiance pour prendre des décisions financières.
4. Capacité d’accorder une procuration pour prendre soin de sa personne : capacité de choisir une personne de confiance pour prendre soin de sa personne.
5. Capacité de faire un testament : capacité de rédaction ou de mise à jour d’un testament et de s’assurer de sa validité.
Les évaluateurs de capacité désignés en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui peuvent évaluer la plupart des formes de capacité, sauf la capacité de faire un testament.
Si l’avis des professionnels de la santé peut constituer un élément de preuve utile pour évaluer si une personne possède une certaine forme de capacité, il est toutefois important de rappeler que la capacité est, en fait, un concept juridique et non une question médicale.
Oui, c’est possible. Les seuils à atteindre pour accorder une procuration pour la gestion des biens ou pour prendre soin de sa personne sont respectivement inférieurs à ceux pour prendre des décisions de gestion des biens ou pour prendre soin de sa personne.