Dans l’esprit des parties, une entente de règlement met un point final au litige. Or, comme l’a récemment rappelé la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Chan c. Chan, 2025 BCCA 262, l’absence de dispositions explicites dans une entente de règlement peut s’avérer périlleuse.

En effet, la Cour a estimé que, lorsqu’un règlement vise à mettre fin à un litige dans son intégralité, une libération réciproque des obligations peut être implicite, même si les parties ne l’ont pas formulé par écrit. Cette décision illustre une règle simple, mais fondamentale en matière de rédaction contractuelle : si vous souhaitez conserver certains recours ou limiter la portée de la libération des obligations, il est important de le préciser expressément dans l’entente, faute de quoi la loi peut présumer que vous entendez renoncer à toutes les obligations découlant du litige et ne plus avoir de lien avec celles-ci.

Circonstances du litige dans l’affaire Chan c. Chan

L’affaire découle d’un litige familial concernant un bien immobilier situé à Richmond, en Colombie-Britannique. Une mère et son fils ont demandé, en vertu de la Partition of Property Act, la vente d’un bien immobilier détenu en copropriété et le partage du produit de la vente avec leur fille, qui détenait l’autre moitié. Avant que l’affaire ne soit portée devant les tribunaux, ils ont conclu une entente prévoyant que la fille rachèterait les parts de la mère et du fils pour 420 000 $.

L’entente de règlement, rédigée de manière succincte, ne mentionnait aucune clause de libération des obligations. Cette absence de dispositions s’est rapidement transformée en source de tension à l’approche du règlement définitif du litige. La fille s’attendait à une libération unilatérale, c’est-à-dire qu’elle effectuerait le paiement et que l’autre partie renoncerait à tout recours contre elle. De son côté, le fils, agissant en qualité d’exécuteur testamentaire de leur mère décédée, réclamait une libération réciproque afin que les deux parties puissent tourner la page sur ce différend sans équivoque ni résidu d’obligations. Faute d’entente, chacune des parties a accusé l’autre d’avoir nié l’entente initiale.

Circonstances donnant lieu à une libération réciproque implicite dans une entente de règlement

La Cour suprême et la Cour d’appel sont toutes deux d’avis qu’une entente de règlement comporte une obligation implicite de libération réciproque de l’ensemble des points soulevés dans la procédure.

La Cour a réaffirmé le principe selon lequel, lorsqu’un règlement vise à mettre définitivement fin à un litige, la promesse de conclure la libération réciproque des obligations est généralement implicite. Cette conclusion va de soi compte tenu de la finalité même de l’entente de règlement, c’est-à-dire la clôture définitive du litige.

En analysant les communications entre les parties et la portée de la requête, la Cour a conclu qu’elles avaient toutes deux l’intention de régler l’ensemble des points soulevés dans la procédure, y compris les recours concernant le loyer professionnel et les frais. Dans cette affaire, la libération implicite des obligations couvrait donc l’ensemble des différends, mais pas la poursuite distincte de nature fiduciaire intentée par la fille après le règlement.

La Cour rappelle ainsi que la portée d’une libération implicite des obligations se limite au litige couvert par l’entente de règlement et ne s’applique pas aux recours distincts ou futurs entre les mêmes parties.

Une partie a-t-elle nié l’entente de règlement?

Le juge de première instance avait estimé que le refus de la fille de fournir une libération réciproque des obligations équivalait à la négation de l’entente de règlement. La Cour d’appel n’était pas du même avis.

La Cour a précisé que la négation d’une entente suppose une intention claire et non équivoque de se soustraire aux engagements contractuels qu’elle contient. En l’espèce, chacune des parties a tenté d’imposer des conditions excédant le contenu implicite de l’entente. En effet, la fille réclamait une libération unilatérale des obligations, tandis que le fils insistait sur des obligations supplémentaires liées à la libération réciproque des obligations. Puisqu’aucune des parties n’était disposée à respecter les véritables dispositions de l’entente, aucune ne pouvait reprocher à l’autre d’avoir nié l’entente. Par conséquent, l’entente de règlement demeurait contraignante.

Comment éviter qu’une entente de règlement devienne source de conflit

Pour les chefs d’entreprise, la décision dans l’affaire Chan c. Chan démontre qu’une entente de règlement mal rédigée peut rapidement devenir source d’ambiguïté ou ouvrir la porte à des divergences d’interprétation. Les tribunaux peuvent suppléer aux lacunes d’une entente de règlement pour la rendre exécutoire et ces dispositions implicites peuvent aller au-delà de l’intention initiale des parties.

La recherche de finalité commande une rigueur rédactionnelle irréprochable. Une entente de règlement ne devrait comporter aucune ambiguïté, que ce soit sur la portée de la libération des obligations, les délais d’exécution ou la forme des documents à conclure.

Six leçons à retenir de l’affaire Chan c. Chan en matière de rédaction

Cette décision de la Cour d’appel rappelle quelques bonnes pratiques que toute entreprise devrait prendre en considération avant de conclure les modalités de toute résolution :

  1. Rédiger de manière explicite toutes les clauses importantes. Les ententes de règlement doivent préciser expressément toutes les clauses importantes, notamment la nécessité d’une libération des obligations et l’étendue de celle-ci. Éviter de laisser place à l’interprétation des points critiques ou à des négociations ultérieures.
  2. Définir clairement l’étendue des libérations. Si une libération fait partie d’une entente de règlement, définir exactement les réclamations, les recours et les points qu’elle couvre. Préciser tout recours à maintenir en vigueur.
  3. Préciser s’il s’agit d’une libération réciproque ou unilatérale. Si une libération est nécessaire, indiquer clairement si elle doit être réciproque ou unilatérale. Dans l’affaire Chan, la Cour d’appel a confirmé qu’une libération réciproque des obligations était implicite, même si l’une des parties avait demandé une libération unilatérale. Toute ambiguïté sur ce point peut entraîner des délais coûteux et des litiges ultérieurs.
  4. Définir clairement les obligations et les conditions d’exécution. Si l’intention est que la libération des obligations soit exécutée avant toute autre obligation, par exemple, le versement des montants ou le transfert d’une propriété, préciser de manière explicite la séquence dans l’entente de règlement.
  5. Garder en tête que la négation d’une entente est particulièrement difficile à atteindre. Tout désaccord concernant des documents après la conclusion d’une entente de règlement donne rarement lieu à la négation. Toute partie qui allègue la négation doit démontrer que l’autre partie refuse clairement d’être liée par l’entente. Comme le démontre l’arrêt Chan c. Chan, lorsque les deux parties insistent sur des dispositions nouvelles ou plus étendues, aucune d’entre elles ne peut avoir gain de cause en prétendant que l’autre a nié l’entente de règlement.
  6. Rédiger les documents complémentaires dès les premières étapes du processus. Si des documents spécifiques (décharges, formulaires de transfert ou engagements) sont nécessaires pour conclure l’entente de règlement, les joindre en annexe ou décrire clairement le processus et les délais pour finaliser le règlement. Cette approche proactive permet de réduire toute incertitude et d’éviter des litiges ultérieurs pour des questions de forme ou le fonds.

Si vous avez des questions sur la manière dont les principes énoncés dans l’arrêt Chan c. Chan peuvent avoir une incidence sur votre entreprise ou sur vos pratiques, ou si vous avez besoin d’aide pour résoudre un litige, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de l’équipe Litige commercial de Miller Thomson.