Les actions accréditives font depuis longtemps partie du paysage fiscal et du secteur des ressources au Canada. Conçu pour stimuler les investissements dans certains secteurs, dont ceux de l’exploitation minière et des énergies renouvelables, le régime fédéral des actions accréditives permet aux entreprises admissibles de transférer certains frais de ressources aux actionnaires-investisseurs, qui peuvent alors déduire ces montants de leur revenu imposable.

Si les actions accréditives peuvent procurer des avantages fiscaux et soutenir des projets d’exploration et d’aménagement à un stade précoce, ils comportent également d’importants aspects juridiques à prendre en considération. Le présent guide explique le mécanisme des programmes d’actions accréditives et précise les principaux critères d’admissibilité.

Tous les renvois à la loi insérés dans le présent article concernent la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »), à moins d’indication contraire.

Qui peut émettre des actions accréditives?

Pour émettre des actions accréditives, la société émettrice doit être une « société exploitant une entreprise principale » (une « SEEP »). Une SEEP est une société dont l’entreprise principale, déterminée par les faits[1], exerce des activités précises dans le secteur des ressources[2]. De plus, une société de portefeuille dont l’actif se compose à 90 % d’actions ou de dettes dans une ou plusieurs SEEP rattachées à la société de portefeuille peut être admissible à titre de SEEP[3].

Quel titre est admissible comme action accréditive?

Une SEEP peut émettre des actions qui seront admissibles comme actions accréditives sous réserve de certaines conditions. Pour être admissible comme action accréditive, l’action doit être :

(i) une action du capital-actions d’une SEEP (ou un droit d’acquérir ce type d’action)[4];

(ii) émise à une personne[5] conformément à une convention écrite conclue entre la personne et la SEEP moyennant une contrepartie qui ne comprend par les biens à échanger ou à transférer par la personne en vertu des articles 51, 85, 85.1, 86 ou 87;

(iii) émise conformément à une convention par laquelle la SEEP s’oblige à engager des frais d’exploration au Canada (« FEC ») ou des frais d’aménagement au Canada (« FAC ») pour un montant au moins égal à la contrepartie reçue pour l’action pendant la période qui commence à la date de conclusion de la convention et qui prend fin 24 mois après la fin du mois au cours duquel la convention est conclue; et

(iv) émise conformément à une convention par laquelle la SEEP s’oblige à renoncer aux frais avant le mois de mars de la première année civile qui commence après la période susmentionnée dans le formulaire prescrit, pour un montant qui ne peut excéder la contrepartie reçue pour l’action.

De plus, une action accréditive ne peut être une « action visée par règlement » ni un « droit visé par règlement ». En règle générale, une action est considérée comme une « action visée par règlement » si ses éléments économiques sont, de quelque manière que ce soit, fixes, remboursés, améliorés par une forme d’aide ou un transfert de biens, ou indemnisés ou garantis[6].

Les règles relatives aux actions accréditives permettent à une SEEP de renoncer à deux catégories de frais : les frais d’exploration au Canada[7] et les frais d’aménagement au Canada[8].

Quel est le mécanisme de renonciation aux frais?

Les investisseurs peuvent participer au programme d’actions accréditives en tant que particulier, ou par l’intermédiaire d’une fiducie, d’une société ou d’une société de personnes. Cependant, seul l’acquéreur original a droit aux déductions fiscales découlant des actions accréditives.

Une SEEP peut renoncer aux frais admissibles qu’il a engagés en faveur du détenteur d’une action accréditive sous réserve de certaines conditions[9] :

  • l’investisseur doit avoir versé une contrepartie en espèces à la société à l’égard de l’émission des actions accréditives;
  • la SEEP émettrice doit engager les FEC ou les FAC pendant la période qui commence à la date de conclusion de la convention et qui prend fin 24 mois après la fin du mois au cours duquel la convention a été conclue (la « période »)[10];
  • avant le mois de mars de la première année civile qui commence après la période, la SEEP renonce, à compter du jour de la renonciation ou d’un jour antérieur, aux frais engagés au plus tard à la date de prise d’effet de la renonciation; et
  • la SEEP se conforme aux exigences de production imposées par la Loi[11].

Les renonciations sont assujetties à d’autres restrictions et limitations[12]. Le lien entre la SEEP émettrice et le détenteur des actions accréditives est assujetti à des paramètres : une société ne peut pas renoncer à des frais qui ont eux-mêmes fait l’objet d’une renonciation en sa faveur par une autre société à laquelle elle n’est pas liée[13].

Par ailleurs, une renonciation ne peut être faite en faveur d’une personne avec laquelle la SEEP a un « lien non autorisé »[14]. De manière générale, un lien non autorisé existe lorsque la SEEP et l’entité en question ne sont pas suffisamment indépendantes. 

Les restrictions supplémentaires :

(i) visent à assurer que les frais ayant fait l’objet d’une renonciation sont par ailleurs déductibles en vertu de la partie I de la Loi;[15]

(ii) régissent le montant visé par la renonciation[16]; et

(iii) visent à assurer que les frais ne peuvent pas avoir été engagés avant la conclusion de la convention relative aux actions accréditives pertinentes par l’investisseur et la SEEP[17].

À condition que les exigences de production imposées par la Loi aient été remplies, le détenteur des actions accréditives est réputé avoir engagé les frais pour un montant égal au montant auquel on a renoncé à la date de prise d’effet. Cependant, la SEEP émettrice est réputée ne jamais avoir engagé les frais à la date de prise d’effet ni après[18].

Les FEC sont entièrement déductibles pour l’année au cours de laquelle ils ont été engagés; l’investisseur peut déduire un montant ne dépassant pas la contrepartie payée pour acquérir les actions accréditives de ses autres sources de revenus pour l’année de la souscription[19]. Les FAC sont déductibles sur la base d’un solde dégressif sur un certain nombre d’années, et sont généralement limités à 30 % des FAC cumulatifs de l’investisseur par année[20].

À quel moment renoncer : comprendre la « règle du retour en arrière » relative aux actions accréditives

En règle générale, une SEEP peut renoncer uniquement à des frais engagés après la souscription, et dans la mesure où les frais ont réellement été engagés. Cependant, la « règle du retour en arrière » permet à un investisseur de déduire entièrement les frais dans l’année de la souscription des actions accréditives si une partie ou la totalité des frais sont engagés au cours de l’année civile suivante, à condition que les critères prévus par règlement soient remplis[21].

Où se procurer d’autres avantages : crédits d’impôt provincial

Bien que le programme d’actions accréditives ait été mis en place par le gouvernement fédéral, certaines provinces accordent des crédits qui peuvent bonifier les avantages fiscaux des actions accréditives :

  • La Colombie-Britannique offre un crédit d’impôt pour les détenteurs d’actions accréditives de sociétés minières, qui permet aux particuliers admissibles qui investissent dans des actions accréditives de demander un crédit non remboursable correspondant à 20 % de leurs dépenses minières déterminées engagées en Colombie-Britannique.[22]
  • Le Manitoba accorde un crédit de 30 % aux particuliers qui investissent dans des actions accréditives de sociétés d’exploration minière admissibles si les frais ont été engagés dans le cadre d’activités exercées au Manitoba[23].
  • L’Ontario accorde aux particuliers un crédit d’impôt d’un montant correspondant à 5 % des frais d’exploration admissibles engagés en Ontario par une société qui possède un établissement stable en Ontario.

Conclusion

Les actions accréditives constituent un instrument de placement efficace qui combine le potentiel de croissance des capitaux propres avec d’importants avantages fiscaux. Il est cependant crucial de faire preuve de diligence raisonnable. Les investisseurs doivent tenir compte des critères d’admissibilité applicables aux déductions et aux crédits. Nous aborderons d’autres aspects dans un prochain article, notamment l’applicabilité de l’impôt minimum de remplacement, les crédits pour l’exploration minérale et les dons de bienfaisance.

Notre groupe Fiscalité des entreprises pourra discuter avec vous de la structure, des questions de conformité et des répercussions stratégiques des ententes relatives aux actions accréditives.


[1] Voir American Metal Co of Canada Ltd v MNR, [1952] CCI 302, par. 17.

[2] Paragraphe 66(15).

[3] L’ARC considère qu’un commandité constitué en société peut être admissible à titre de société exploitant une entreprise principale du fait des activités exercées par l’intermédiaire de la société de personnes lorsque certaines conditions sont remplies. Voir également l’Avis de l’ARC (interprétation technique externe), 2004-0105951E5 – Principal-business corporation, 1er février 2005. Voir également le folio de l’impôt sur le revenu S3-F8-C1 : Société exploitant une entreprise principale dans le secteur des ressources naturelles, 1er février 2017.

[4] Le concept du droit d’acquérir une action compris dans la définition du terme « action accréditive » a été inclus dans cette définition dès son introduction en 1986 – voir les notes techniques de l’avis de motion des voies et moyens concernant l’impôt sur le revenu, octobre 1986, p. 16. En ligne : <https://publications.gc.ca/collections/collection_2016/fin/F34-27-1986-fra.pdf>

Voir également l’Avis de l’ARC (interprétation technique externe), 2014-0534941E5 – Flow-through share, par. 66(15), 5 septembre 2014, dans lequel l’ARC confirme qu’un droit d’acquérir une action d’une SEEP sera considéré comme une action accréditive même si les actions sous-jacentes à acquérir ne sont pas elles-mêmes admissibles comme actions accréditives.

[5] Le terme « personne » est réputé comprendre une société de personnes au sens du paragraphe 66(16).

[6] Règlements 6202 et 6201.1. Le règlement 6202 ne s’applique pas aux nouvelles actions.

[7] Paragraphe 66(12.6) – (12.61).

[8] Paragraphe 66(12.62).

[9] Il est possible de renoncer aux FEC en vertu du paragraphe 66(12.6) et aux FAC en vertu du paragraphe 66(12.62).

[10] Certains frais reclassés comme FAC ne peuvent faire l’objet d’une renonciation en vertu des paragraphes 66(12.6) et 66.1(9).

[11] Paragraphes 66(12.68) et 66(12.7).

[12] Paragraphes 66(12.67) à 66(12.71).

[13] Paragraphe 66(12.67).

[14] Paragraphes 66(12.67) et 66(12.71).

[15] Paragraphe 66(12.71).

[16] Paragraphe 66(12.6).

[17] Paragraphe 66(19). Voir les notes techniques, 66(19).

[18] L’effet de la renonciation est précisé aux paragraphes 66(12.61) et 66(12.63). Les exigences de production sont précisées aux paragraphes 66(12.68) et 66(12.7).

[19] Paragraphe 66(12.63). En vertu du paragraphe 66.3(3), le coût d’une action accréditive payée par l’investisseur est réputé correspondre à zéro.

[20] Paragraphe 66.2(2).

[21] Paragraphe 66(12.66); une SEEP qui renonce à des frais en vertu de la règle du retour en arrière est assujettie à l’impôt sur les FEC et les FAC prévu à la partie XII.6. L’impôt est calculé mensuellement à compter du mois de février de l’année suivant la date de prise d’effet de la renonciation (soit le 31 décembre de l’année précédente). L’impôt décroît à mesure que les frais sont engagés par la SEEP. L’impôt prévu à la partie XII.6 est déductible par la SEEP en vertu des sous-alinéas 18(1)(t(i) et 20(1)(nn).

[22] Income Tax Act de la Colombie-Britannique, paragraphe 4.721(1).

[23] Loi de l’impôt sur le revenu (Manitoba), paragraphe 11.7(1).