Un employeur est requis d’établir la province ou le territoire d’emploi de ses employés afin d’effectuer les retenues à la source («RAS») de façon adéquate.  Au cours des dernières années, l’essor marqué du travail à distance à temps plein ou en mode hybride a entrainé des défis pour les employeurs en matière de conformité des RAS et de cotisations d’employeurs. Avec la mobilité croissante des employés, la province d’emploi n’est souvent plus en corrélation directe avec la province de résidence de l’employé, ce qui exige aux employeurs une analyse de la situation factuelle de chaque employé pour déterminer la province d’emploi applicable à chacun.

L’Agence du revenu du Canada («ARC») considère, de façon générale, que la province de l’emploi doit être établie en fonction de l’établissement de l’employeur où l’employé se présente au travail. Dans un contexte de travail à distance à temps plein où certains employés n’ont plus à se déplacer à un établissement de l’employeur, il peut devenir difficile, dans certaines circonstances, de déterminer avec certitude la province d’emploi. L’ARC ne considère généralement pas le bureau à domicile d’un employé comme un établissement de l’employeur. Cette interprétation diffère de celle de Revenu Québec, qui considérait historiquement, pour les fins des RAS et des cotisations d’employeurs, que le bureau à domicile d’un employé pouvait être considéré comme un établissement de l’employeur auquel l’employé se rapporte si (1) l’employeur exerce une entreprise par l’intermédiaire de son employé établi à cet endroit et (2) l’employé en question a l’autorité générale de contracter pour le compte de l’employeur ou il dispose d’une provision de marchandises appartenant à l’employeur lesquelles servent à remplir régulièrement les commandes reçues de l’employé[1].

Ainsi, historiquement, l’ARC avait pour politique que si l’employé ne se déplaçait pas physiquement à aucun établissement de l’employeur alors la province de l’emploi était celle où était situé l’établissement de l’employeur à partir duquel le salaire de l’employé était versé.

Le 1er janvier 2024, l’ARC a publié une nouvelle position administrative[2] pour assister les employeurs à déterminer avec justesse la province d’emploi dans un contexte de travail à distance. Revenu Québec s’est harmonisé à cette politique[3].  Cette nouvelle politique s’applique seulement pour les déductions d’impôt sur le revenu, de RPC/RRQ, AE et du RQAP.

La nouvelle politique administrative de l’ARC s’applique uniquement si, à la fois :

    1. il existe une entente de travail à distance à temps plein entre l’employé et l’employeur; et
    2. que l’employé est raisonnablement considéré comme ayant un lieu de travail désigné de l’employeur.

Entente de travail à distance à temps plein

Une telle entente sera réputée avoir été conclue si l’employeur permet ou demande à l’employé d’exécuter ses tâches entièrement à distance, sans obligation de se présenter physiquement à un établissement de l’employeur. Les fonctions de l’employé doivent être exercées entièrement à un ou plusieurs endroits qui ne sont pas des établissements de l’employeur.

Lieu de travail désigné de l’employeur

Une fois qu’il a été établi qu’il existe une entente de travail à distance à temps plein, il convient ensuite de déterminer si l’employé est raisonnablement considéré comme ayant un lieu de travail désigné. À cette fin, l’employeur doit analyser la situation factuelle de chaque employé à la lumière de tous les indicateurs principaux et secondaires suivants :

  • a) Indicateurs principaux :
    • i. L’endroit où l’employé se présenterait physiquement pour exercer ses fonctions si aucune entente de travail à distance n’avait été conclue avec l’employeur;
    • ii. si immédiatement avant la conclusion de l’entente de travail à distance, l’employé se présentait physiquement à un établissement de l’employeur pour exercer ses fonctions, cet établissement sauf si la situation de l’employé a changé depuis.
  • b) Indicateurs secondaires: si aucune entente de travail à distance avec l’employé n’avait été conclue, l’employé se présenterait physiquement à :
    • i. l’établissement où l’employé assiste ou assisterait à des réunions en personne, peu importe le type de communication;
    • ii. l’établissement où l’employé reçoit ou recevrait des documents ou de l’équipement liés au travail, ou des instructions et de l’aide connexes.
    • iv. l’établissement qui est responsable de l’employé ou le supervise, comme cela est indiqué dans les ententes contractuelles entre l’employeur et l’employé.
    • v. l’établissement dont l’employé relèverait selon la nature des fonctions qu’il exerce.

Ainsi, la province  de l’emploi d’un employé ayant conclu une entente de travail à distance à temps plein avec son employeur sera celle où est situé le lieu de travail désigné.  Si à la suite de cette analyse, l’employé peut raisonnablement être considéré comme ayant plus d’un lieu de travail désigné de l’employeur, l’employeur doit déterminer avec quel établissement l’employé peut raisonnablement être considéré comme ayant des liens plus étroits à la lumière de ces mêmes indicateurs. Si à la suite de cette analyse, l’employé n’est pas considéré comme ayant un lieu de travail désigné, la province d’emploi sera celle où est situé l’établissement de l’employeur  à partir duquel le salaire est versé.

Il est important de noter que les ententes de travail à distance hybride où l’employé peut travailler à distance, mais se présente également à un établissement de l’employeur ne sont pas visées par cette nouvelle politique administrative. Dans un tel cas, la province d’emploi sera celle où est situé l’établissement de l’employeur auquel l’employé passe le plus de temps.  En conclusion,  cette nouvelle politique administrative de l’ARC offre des directives claires aux employeurs pour déterminer la province ou le territoire d’emploi dans le contexte croissant du travail à distance à temps plein. En établissant des critères précis pour déterminer si une entente de travail à distance a été conclue et en identifiant les indicateurs principaux et secondaires pour déterminer le lieu de travail désigné de l’employé, cette politique vise à faciliter la conformité des employeurs aux obligations en matière de RAS et de cotisations d’employeurs. Cette clarification était essentielle pour répondre aux défis posés par l’évolution des modes de travail et assurer une application juste et équitable des lois fiscales et des réglementations relatives à l’emploi.


[1] notamment, Agence du revenu du Québec, 17-037907-001 Retenues à la source – Présence à un établissement de l’employeur, 12 décembre 2017.

[2]Agence du revenu du Canada, https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/entreprises/sujets/retenues-paie/obtenir-renseignements-nouvel-employe/determiner-province-emploi.html,

[3]Agence du revenu du Québec, https://www.revenuquebec.ca/fr/salle-de-presse/nouvelles-fiscales/details/2023-11-14/position-administrative-sur-la-determination-de-la-province-demploi-relativement-aux-retenues-a-la-source-et-aux-cotisations-de-lemployeur-du-quebec/