Note de la rédaction : Le présent article s’appuie sur le survol que nous avons publié récemment au sujet des modifications proposées aux pouvoirs de vérification, annoncées en août 2025 : (en anglais) Canada’s Digital Services Tax : What the June 2025 reversal means for your business.

La prochaine fois que l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») mènera une vérification de votre entreprise, le processus pourrait ressembler davantage à un contre-interrogatoire. Selon les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), les vérificateurs pourraient désormais avoir le pouvoir d’exiger un témoignage sous serment, ce qui modifiera de façon notable le processus de vérification et les mesures de préparation requises pour les contribuables.

Le présent article souligne les modifications apportées et leur incidence, ainsi que les mesures de protection que vous pouvez prendre lorsque les vérifications revêtiront un aspect plus officiel.

Quels sont les principaux changements ?

L’avant-projet de loi publié en août 2025 par le gouvernement fédéral représente un élargissement des pouvoirs de vérification de l’ARC rarement observé depuis des décennies. Parmi les nombreuses modifications proposées – notamment un nouveau régime d’avis de non-conformité et des règles de suspension élargies pour l’établissement d’une nouvelle cotisation –, la nouvelle capacité de l’ARC à obliger un contribuable et d’autres personnes à fournir des réponses sous serment pourrait s’avérer la modification la plus radicale.

Ce nouveau pouvoir, mentionné à la section 231.41 proposée de la LIR, change radicalement l’aspect que peut prendre une vérification. Jusqu’à maintenant, l’ARC pouvait exiger des entretiens, mais non qu’ils se tiennent sous serment. Dans le cadre du nouveau régime, dès qu’une demande péremptoire valide est présentée en vertu des articles 231.1, 231.2 ou 231.6, l’ARC peut exiger qu’une personne fournisse les réponses sous serment ou affirmation solennelle, ou par affidavit. La portée de ce nouveau pouvoir et les procédures qui s’y rapportent n’ont pas encore été définies.

En quoi le nouveau pouvoir de l’ARC d’exiger des déclarations sous serment changera-t-il les vérifications ?

Ce changement ajoute effectivement un volet interrogatoire préalable de type judiciaire au processus de vérification, qui intervient beaucoup plus tôt dans le processus de litige. En règle générale, les interrogatoires sous serment ont lieu à l’étape de l’« interrogatoire préalable » d’une procédure entamée devant la Cour canadienne de l’impôt, lorsque les deux parties connaissent déjà les questions en litige et ont échangé les documents pertinents. Or, lorsque l’ARC oblige un contribuable à témoigner dans le cadre d’une vérification, il se peut que ce dernier ne soit pas encore au courant des préoccupations exactes de l’ARC ni des documents soumis à l’examen.

Une telle situation présente un risque pour le contribuable, car une demande péremptoire enjoignant au contribuable de fournir des déclarations sous serment pendant le processus de vérification pourrait s’avérer plus préjudiciable qu’à l’étape de l’interrogatoire préalable. Le contribuable pourrait ainsi ne pas comprendre parfaitement les arguments avancés contre lui. Par conséquent, il est judicieux de faire appel aux services d’un avocat en droit fiscal qui comprend parfaitement l’historique de la transaction en cause. Les professionnels qui connaissent bien la structure et l’objectif des transactions antérieures peuvent contribuer à garantir que les déclarations de vérification préliminaires demeurent exactes, cohérentes et conformes aux faits, tout en protégeant le privilège du secret professionnel et le processus.

Les réponses fausses ou trompeuses pourraient également exposer les personnes concernées à des conséquences en vertu du Code criminel. Bref, une demande de réponses sous serment ne constituerait plus une simple formalité procédurale, mais deviendrait une démarche à caractère quasi judiciaire exigeant une préparation rigoureuse et des conseils coordonnés.

En quoi une déclaration préliminaire peut représenter un risque juridique pendant une vérification

Avant qu’une demande officielle de témoigner sous serment ne soit formulée, les déclarations informelles ou incohérentes faites au début d’un processus de vérification peuvent en déterminer le ton. Si les vérificateurs perçoivent de l’incertitude ou constatent un manque de cohérence dans les explications fournies, ils pourraient faire monter le dossier, d’abord en présentant une demande péremptoire, puis en usant de leur pouvoir d’obtenir des réponses sous serment. Le contribuable risque ainsi d’être davantage lié par les réponses qu’il aura fournies au cours de la vérification, sans pouvoir aisément les nuancer à la lumière des faits nouveaux ou des conseils professionnels obtenus ultérieurement.

Par exemple, soucieux de collaborer dès le début de la vérification, le représentant d’une entreprise pourrait donner des explications informelles concernant certaines avances consenties aux actionnaires, qu’il pourrait qualifier de primes. Par la suite, il pourrait recevoir une demande péremptoire en vertu de l’article 231.2 de la LIR, qui indique ultérieurement que les avances devraient être qualifiées de prêts. En fin de compte, l’ARC pourrait exiger des réponses sous serment si elle considère que les réponses fournies sont incohérentes, mais essentielles à la question visée par l’examen. Ce qui n’était au début qu’un échange collaboratif peut rapidement devenir un quasi-interrogatoire.

C’est pourquoi il peut être primordial de faire appel rapidement (voire tardivement, mais avant l’escalade du dossier) à un conseiller juridique. Ce dernier pourra aider le contribuable à formuler les réponses, invoquer le privilège du secret professionnel et lui déconseiller de faire des déclarations susceptibles de restreindre involontairement ses options par la suite pendant le processus de vérification.

Préparation des contribuables en fonction des pouvoirs de vérification élargis de l’ARC

Lors d’une vérification, les contribuables et les conseillers devraient faire ce qui suit :

1. Recourir sans tarder aux services d’un avocat

Même une participation limitée de l’avocat, par exemple pour réviser les ébauches ou assister aux appels de vérification, permet de préserver le privilège du secret professionnel et de prévenir les déclarations incohérentes.

2. Protéger le privilège et les documents

Conservez les avis juridiques séparément des dossiers de comptabilité et apposez sur les documents concernés une mention explicite indiquant qu’ils sont protégés. Lorsque des déclarations ou des documents doivent être fournis, les dossiers mélangés présentent des risques.

3. Comprendre la séquence des événements déclencheurs

Le pouvoir d’exiger des réponses sous serment s’exerce uniquement après la présentation d’une demande péremptoire valide en vertu des articles 231.1, 231.2 ou 231.6. Le fait de reconnaître cette séquence permet une surveillance juridique en temps opportun.

L’issue d’une vérification est plus favorable lorsque les professionnels qui ont structuré la transaction visée possèdent également les compétences nécessaires pour participer à la vérification s’y rapportant, car ils peuvent ainsi assurer la cohérence des explications relatives à l’intention, à l’évaluation et aux documents.

4. Aligner les connaissances sur la vérification et la transaction

L’issue d’une vérification est plus favorable lorsque les professionnels qui ont structuré la transaction visée possèdent également les compétences nécessaires pour participer à la vérification s’y rapportant, car ils peuvent ainsi assurer la cohérence des explications relatives à l’intention, à l’évaluation et aux documents.

5. Éviter les mesures de conformité par réaction

Collaborez avec les vérificateurs, mais réfléchissez avant de fournir des explications qui pourraient compromettre votre position juridique ou déformer vos intentions.

À quoi peuvent désormais s’attendre les entreprises par suite des modifications proposées par l’ARC au processus de vérification ?

En ce qui concerne les entreprises privées et les entreprises de moyenne envergure, le processus de vérification s’apparentera davantage à une procédure et entraînera plus de conséquences. Avec ce nouveau pouvoir d’exiger des réponses sous serment, ce qui était auparavant une simple collecte de renseignements a désormais une valeur probante. Les faux pas commis au début, les réponses imprécises, les intentions non documentées ou la renonciation au privilège du secret professionnel peuvent avoir des effets durables.

Ces mesures demeurent pour l’instant un avant-projet de loi. Le ministère des Finances a publié les propositions le 15 août 2025, et le processus de consultation prendra fin en septembre. Le texte pourrait certes être modifié, mais l’intention est claire : l’application de la loi se veut plus ferme, et les contribuables doivent se préparer à composer avec un processus de vérification plus officiel. À ce stade-ci, le détail des mesures procédurales reste très flou, mais même le cadre préliminaire comporte un risque important et nécessite une préparation minutieuse.

Conclusion

La capacité de l’ARC à exiger des preuves sous serment pourrait constituer la plus importante réforme en matière de vérification depuis une génération. Elle transforme en effet une partie de la vérification en un contre-interrogatoire sans les mesures de protection que procure une salle d’audience. Cette réalité souligne l’importance de bénéficier rapidement des conseils intégrés d’un avocat, non seulement pour gérer les risques, mais aussi pour préserver l’intégrité de la version du contribuable et faire en sorte que l’intention sous-jacente à la transaction soit présentée de manière précise et défendable.

Questions courantes au sujet des nouveaux pouvoirs de vérification de l’ARC

L’ARC peut-elle vraiment exiger un témoignage sous serment ?

C’est possible. Les propositions demeurent pour l’instant un avant-projet de loi. Cependant, si l’avant-projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, dès qu’une demande péremptoire valide de vérification sera présentée, l’ARC pourra exiger qu’une personne fournisse les réponses sous serment ou affirmation solennelle, ou par affidavit.

Cela signifie-t-il que les vérifications ressembleront à des procédures judiciaires ?

C’est possible. Les nouveaux pouvoirs ajoutent un élément quasi judiciaire aux vérifications, assimilable à l’interrogatoire préalable qui se déroule devant un tribunal. Voilà pourquoi il est extrêmement important d’obtenir des conseils juridiques dès le début du processus.

Que doivent faire les entreprises maintenant ?

Commencer à bien étayer leurs transactions par des documents, faire appel rapidement à un conseiller juridique et veiller à ce que les communications avec les vérificateurs ne limitent pas involontairement leur position juridique.

Si vous avez reçu une demande de vérification ou vous vous attendez à en recevoir une, c’est le moment de revoir vos processus. Le groupe Droit fiscal de Miller Thomson peut vous aider à évaluer vos risques, à préserver le privilège du secret professionnel et à vous préparer en vue d’une approche plus officielle de la part de l’ARC. Communiquez avec nous pour discuter de votre stratégie de préparation à la vérification et franchir la prochaine étape de votre conformité.