De nos jours, les actifs numériques et les technologies de chaîne de blocs transforment le monde de la finance et les banques canadiennes, les sociétés de prêt non institutionnelles et leurs conseillers juridiques ont d’importants défis à relever. Les prêts adossés à des cryptoactifs, la surveillance de la conformité du secteur de la finance numérique et les risques particuliers liés aux plateformes de chaîne de blocs imposent désormais une analyse approfondie des exigences juridiques. Certains de ces points ont été abordés dans un article récent.

Caractérisation juridique des cryptoactifs dans le contexte bancaire

Les lois canadiennes reconnaissent que les cryptomonnaies et les jetons numériques sont une forme de « bien », mais ceux-ci n’ont pas de cours légal au Canada. Pour les banques et les sociétés de prêt, la manière dont ces actifs numériques sont définis a une incidence directe sur leur utilisation à titre de bien grevé, leur gestion dans les transactions garanties ou leur saisie en cas d’insolvabilité. De plus, certains cryptoactifs peuvent être classés dans la catégorie des titres ou des produits dérivés, ce qui entraîne pour eux une surveillance renforcée de la part des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM).

Points juridiques à prendre en considération :

  • Les banques doivent indiquer dans quelle catégorie les actifs numériques se situent : s’agit-il de « titres », de « produits dérivés » ou d’une autre forme de bien?
  • Les conventions de prêt engageant des plateformes de négociation ou des jetons numériques autorisés doivent être conformes aux règlements en vigueur.

Prêts reposant sur une chaîne de blocs : occasions à saisir et obstacles juridiques

Les innovations technologiques présentes dans une chaîne de blocs, entre autres les protocoles de finance décentralisée (FiDé), les cryptoactifs grevés d’un droit de sûreté et les contrats intelligents, bouleversent les plateformes de prêt traditionnelles. Les contrats intelligents (contrats auto-exécutables dont les termes sont codés et stockés sur une chaîne de blocs) permettent d’automatiser le décaissement, les remboursements et la gestion des biens grevés. Toutefois, le caractère exécutoire et la répartition des risques posent de réels défis juridiques aux banques et sociétés de prêt :

  • Force exécutoire : pour qu’un contrat intelligent soit contraignant, les parties doivent pouvoir être déterminées avec certitude et les termes du contrat doivent être suffisamment certains. L’exécution de ces contrats est complexe en cas de litige. Les litiges relatifs aux erreurs de code, à l’interprétation des dispositions et au territoire de compétence font encore débat dans les tribunaux du Canada.
  • Sûretés : les sociétés de prêt doivent s’assurer que les sûretés grevant des actifs numériques soient constituées dans le respect de la loi, qu’elles soient rendues opposables et qu’elles bénéficient d’une priorité de rang. Les cadres juridiques applicables à l’échelon provincial en vertu de la Loi sur les sûretés mobilières (LSM) ne prévoient pas de disposition explicite concernant les cryptoactifs et ne confirment pas leur statut de bien grevé potentiel. Ces actifs sont vraisemblablement classés dans la catégorie des « biens immatériels » prévue dans la LSM et devraient être rendus opposables par enregistrement, car les biens immatériels ne sont pas assujettis à la possession ni à la maîtrise.
  • Vérification diligente : l’évaluation du profil de risque des emprunteurs numériques et de la fiabilité des plateformes FiDé est difficile à établir en raison de l’utilisation de pseudonymes et de l’absence de procédures habituelles de vérification de la solvabilité et de recours.

La prise de cryptomonnaies à titre de biens grevés : enjeux pour les prêts garantis

Les banques et autres sociétés de prêt sont de plus en plus sollicitées pour accepter les cryptomonnaies à titre de biens grevés en garantie de prêts. Bien qu’elle offre aux clients une certaine flexibilité et un accès à des liquidités, cette éventualité fait naître de nouveaux enjeux sur le plan juridique et opérationnel.

Principales préoccupations :

  • Maîtrise de l’actif : pour rendre opposable une sûreté sur un actif numérique, il pourrait être nécessaire d’avoir la « maîtrise » des clés privées ou de conclure des accords avec les dépositaires, ce qui marque une différence par rapport aux mécanismes traditionnels de garantie.
  • Séparation des actifs et conservation : le recours à un dépositaire tiers doit être examiné avec soin pour veiller à ce que les droits de sûreté de la société de prêt demeurent exécutoires en cas d’insolvabilité du dépositaire.
  • Lieu où se trouvent les actifs et conflit de lois : les actifs numériques peuvent résider sur des chaînes de blocs décentralisées qui ne sont pas liées à un seul territoire de compétence et les sociétés de prêt doivent déterminer quelle loi régit l’opposabilité de leurs sûretés et leur priorité de rang.
  • Incertitudes concernant la réglementation : les règlements changent constamment (voir plus bas). Les organismes de réglementation classent actuellement les actifs numériques dans la catégorie des actifs présentant un risque élevé. Pour les sociétés de prêt, cette disposition a des répercussions sur les exigences de capital.

L’évolution de la réglementation affecte les services bancaires et les prêts

Les organismes de réglementation réagissent à ces innovations en adaptant leurs lignes directrices et en proposant des réformes :

  • Les ACVM exigent l’enregistrement et la surveillance constante des plateformes de négociation et de garde des cryptomonnaies, et imposent des obligations particulières en matière de protection des actifs des clients et de réduction des risques.
  • Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié de nouvelles lignes directrices qui entreront en vigueur en 2026. Celles-ci remplaceront les mesures provisoires actuellement en vigueur et permettront de resserrer les règles portant sur le capital et les liquidités visant les institutions exposées à des risques en lien avec les cryptomonnaies.
  • Toutes les institutions financières qui accordent des prêts garantis par des actifs numériques sous la supervision du CANAFE doivent respecter les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client.
  • L’évolution de la réglementation à l’échelle internationale, entre autres la modification du Code commercial uniforme des États-Unis, contribue à orienter le débat au Canada sur la modernisation des lois en matière de sûretés mobilières et sur la prise d’actifs numériques à titre de biens grevés.

Conseils pratiques pour les banques et les sociétés de prêt

Les banques et les sociétés de prêt qui se tournent vers la finance numérique doivent tenir compte des points suivants :

  • Travailler en collaboration avec un conseiller juridique afin d’évaluer le statut juridique des actifs numériques utilisés comme biens grevés ou comme paiement.
  • Adopter des protocoles rigoureux pour la garde, la maîtrise et la réalisation des cryptomonnaies à titre de biens grevés.
  • Suivre de près les réformes législatives qui évoluent constamment ainsi que l’interprétation des règlements concernant la FiDé, les cryptoactifs et les prêts adossés à une chaîne de blocs.
  • Mettre régulièrement à jour les procédures internes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et la connaissance du client afin de cerner les risques liés aux actifs numériques et les exigences de la réglementation.

Les banques canadiennes

Au Canada, il n’est pas interdit aux banques à charte d’accepter des cryptomonnaies comme biens grevés, mais, à l’heure actuelle, aucune d’elles n’offre de prêts garantis par des cryptomonnaies. Les emprunteurs doivent avoir recours à une société de prêt spécialisée dans les cryptomonnaies ou à des plateformes FiDé lorsqu’ils souhaitent utiliser des cryptoactifs pour libérer des liquidités.

Conclusion

Au Canada, les banques et les sociétés de prêt sont entrées dans une nouvelle ère, marquée par de nouvelles occasions à saisir et par les risques liés aux actifs numériques et à la finance décentralisée. Dans ce contexte de transformation des régimes législatifs et réglementaires, le travail en étroite collaboration avec des professionnels du droit et de la conformité sera essentiel pour naviguer dans cet environnement complexe, adopter une gestion prudente des risques et respecter les obligations réglementaires.

Pour obtenir des conseils adaptés à vos besoins, nous vous invitons à communiquer avec un ou un membre de notre groupe Services financiers. Notre équipe vous accompagne dans l’évaluation de vos risques et vous aide à adapter vos procédures et à suivre l’évolution de la réglementation.