Le 5 juin 2025, le Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau ») a publié la version définitive des très attendues lignes directrices sur l’écoblanchiment et les déclarations environnementales (les « lignes directrices »). Ce document s’intitule « Déclarations environnementales et Loi sur la concurrence ».

Ces lignes directrices ont pour but de préciser et de compléter la version préliminaire, qui avait fait l’objet d’une consultation publique le 20 juin 2024. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez notre article précédent intitulé Competition Bureau launches public consultation and publishes digest on greenwashing provisions (Le Bureau de la concurrence lance une consultation publique et publie un recueil des dispositions sur l’écoblanchiment).

Ces lignes directrices ont pour objectif d’aider les entreprises à se conformer aux dispositions actuelles et nouvelles de la Loi sur la concurrence (la « Loi ») en matière de déclarations environnementales.

Dans un contexte où le développement durable continue d’être une préoccupation centrale pour les entreprises et les consommateurs, ces lignes directrices viennent renforcer les mesures prises par le Bureau pour faire respecter la réglementation en matière d’écoblanchiment.

L’écoblanchiment désigne toute déclaration environnementale inexacte et mensongère à l’égard d’un produit ou d’une entreprise. Le Bureau souligne que ces déclarations peuvent être fausses et trompeuses, car, souvent, elles ne sont pas fondées sur une épreuve ou des éléments corroboratifs suffisants et appropriés. L’écoblanchiment fait partie des priorités des autorités et des instances de réglementation du gouvernement fédéral, qui considèrent cette pratique comme une menace pour l’environnement et pour la confiance des consommateurs.

Modifications apportées à la Loi

Les nouvelles lignes directrices font suite à l’adoption, en juin 2024, du projet de loi C-59 et des modifications apportées à la Loi. Les modifications concernant l’écoblanchiment avaient pour objectif de renforcer l’application de la loi en ajoutant de nouvelles dispositions d’imputabilité pour les entreprises qui font des déclarations environnementales en vertu du paragraphe 74.01(1).

  • L’alinéa 74.01(1) b.1) exige que les déclarations relatives aux avantages d’un produit pour la protection de l’environnement soient fondées sur des épreuves suffisantes et appropriées.
  • L’alinéa 74.01(1) b.2) exige que les déclarations concernant les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise pour la protection de l’environnement se fondent sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.

Nous avons consacré un article complet à l’étude des modifications apportées à la Loi dans notre article intitulé Amendments to the Competition Act – Bill C-59 and its impact on “Greenwashing” (Modifications apportées à la Loi sur la concurrence – Effets du projet de loi C-59 en matière d’écoblanchiment).

Définition d’une déclaration environnementale

Après l’adoption du projet de loi C-59 en juillet 2024, le Bureau a publié le volume 7 de son recueil des pratiques commerciales trompeuses (le « recueil ») dans lequel il annonce son intention de mener une consultation publique afin de veiller à ce que les lignes directrices sur la lutte contre l’écoblanchiment soient prévisibles et transparentes.

Du point de vue du Bureau, une déclaration environnementale est « toute indication relative à l’environnement qui a été donnée dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux ».

Les exemples suivants fournis par le Bureau illustrent la vaste portée des déclarations environnementales susceptibles de soulever des préoccupations en matière d’écoblanchiment.

  1. Les déclarations faites au sujet de la composition des produits ou de leur emballage.
  2. Les déclarations concernant le processus de production des produits, y compris des déclarations concernant les ressources, l’énergie ou les matières utilisées dans ce processus.
  3. Les déclarations concernant l’élimination des produits après leur consommation.
  4. Les déclarations comparatives visant à comparer les avantages environnementaux d’un produit ou d’un service à ceux d’un concurrent.
  5. Les déclarations trompeuses en raison de leur caractère vague, notamment les affirmations qu’un produit ou un service est « écologique ».
  6. Les déclarations concernant le futur.

Dans son recueil, le Bureau précise également la méthode d’évaluation des déclarations. Dans ce processus, le Bureau tient compte du sens littéral de la déclaration et de l’« impression générale » qu’elle donne aux consommateurs. L’impression générale est déterminée par l’ensemble de la publicité, y compris les mots, les éléments graphiques et la disposition des indications.

Consultation publique et modifications

Lors de la consultation publique sur les lignes directrices, le Bureau a accordé une attention particulière aux commentaires portant sur les deux nouvelles dispositions de la Loi. Grâce à cette consultation, le Bureau a recueilli près de 400 observations qui ont permis d’apporter plusieurs clarifications importantes, notamment les suivantes :

  • Premièrement, le Bureau de la concurrence interprète de manière plus large la « méthode reconnue à l’échelle internationale » permettant de justifier les déclarations environnementales concernent le rendement, telles que l’emploi des termes « carboneutres » ou « carboneutralité ». La version préliminaire exigeait que ces méthodes soient reconnues dans « au moins deux pays » sans autres précisions. Toutefois, en reconnaissant la possibilité de validation de la part de sources multiples, comme les autorités gouvernementales, les autorités de réglementation et les organismes d’établissement des normes industrielles au Canada, la version définitive simplifie considérablement les mesures que les entreprises établies au Canada doivent mettre en œuvre pour se conformer.
  • Deuxièmement, les lignes directrices précisent que, bien que les communications exigées par la réglementation (p. ex., dans les documents déposés auprès des autorités de réglementation des valeurs mobilières) ne relèvent généralement pas du champ d’application du Bureau, elles peuvent néanmoins faire l’objet d’un examen minutieux si elles sont réutilisées à des fins de promotion ou de commercialisation. Cette nuance ne figurait pas dans la version préliminaire.
  • Troisièmement, la version définitive prévoit une exception applicable aux déclarations fondées sur des faits à portée limitée, par exemple, les déclarations telles que « produit composé à 20 % de matières recyclées », qui ne sont pas considérées comme des déclarations environnementales, concernent le rendement à moins qu’elles renforcent les bienfaits pour l’environnement.

De plus, le Bureau a explicitement confirmé que les lignes directrices s’appliquent aux organismes à but non lucratif et aux organismes de bienfaisance qui participent à des activités de collecte de fonds, ainsi qu’aux entreprises étrangères qui commercialisent leurs produits auprès des consommateurs canadiens, un point qui n’était pas abordé dans la version préliminaire. En dernier lieu, le Bureau a clarifié sa capacité d’intervention dans les recours privés intentés en vertu de la Loi, y compris au stade initial de la demande, alors que les nouveaux droits accordés aux parties privées en cas de pratiques commerciales trompeuses sont entrés en vigueur le 20 juin 2025.

Points saillants des nouvelles lignes directrices

En réponse aux commentaires exprimés par le public, le Bureau a publié un complément d’information afin de préciser certaines modifications qui aideront les entreprises à s’assurer que leurs déclarations environnementales sont conformes à la Loi, notamment :

1. Autorité des lignes directrices

Tout d’abord, il est important de noter que les lignes directrices n’ont pas de valeur contraignante sur le plan juridique. En fait, il appartient au commissaire de la concurrence d’exercer son pouvoir discrétionnaire en matière d’application des dispositions sur l’écoblanchiment. Les lignes directrices ne lient pas non plus le Tribunal de la concurrence. Toutefois, celui-ci peut en tenir compte pour déterminer s’il y a lieu d’accorder une permission pour une demande d’accès privé si celle-ci est également dans l’intérêt public.

2. Comment intenter un recours privé

Les lignes directrices précisent que les dispositions ne s’appliquent qu’aux déclarations faites dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux. Ceci permet d’éviter que certaines d’entre elles – par exemple, les déclarations faites dans des documents d’information continue en vertu de la réglementation sur les valeurs mobilières – ne soient passées au crible de manière excessive[1].

Le Bureau précise la manière de prouver une déclaration environnementale en vertu des alinéas 74.01(1) b.1) ou 74.01(1) b.2), les parties ayant la responsabilité de démontrer au tribunal les éléments pertinents de leur déclaration.

Le Bureau peut contester une déclaration environnementale en vertu des alinéas 74.01(1) b.1) ou 74.01(1) b.2) si :

  1. La déclaration a été faite au public par l’entreprise;
  2. La déclaration concernait les avantages environnementaux d’une entreprise ou d’un produit;
  3. La déclaration a été faite dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux.

Si ces conditions sont remplies, il incombe à l’entreprise de démontrer que la déclaration environnementale concernant le produit se fonde sur une épreuve suffisante et appropriée en vertu de l’alinéa 74.01(1) b.1), ou qu’elle repose sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale en vertu de l’alinéa 74.01(1) b.2).

Les droits de recours privés fondés sur des déclarations d’écoblanchiment en vertu de la Loi sont entrés en vigueur le 20 juin 2025. Les lignes directrices mettent de l’avant la perspective du Bureau, mais pas celle des parties privées. Le respect de la Loi n’empêcherait pas nécessairement une partie privée d’intenter un recours pour cause d’écoblanchiment. Le 20 juin 2025, le Bureau a publié une version révisée du « Bulletin sur l’accès privé au Tribunal de la concurrence » clarifiant sa position à l’égard de l’accès privé au Tribunal et détaillant les situations dans lesquelles des mesures susceptibles d’affecter les recours sont possibles.

3. Précision de la terminologie

Les lignes directrices apportent des précisions sur les termes employés dans la Loi afin d’aider les entreprises à se conformer.

Le Bureau précise qu’en vertu de la Loi, le terme « entreprise » désigne les personnes physiques, les personnes morales et autres structures commerciales. La Loi peut exiger que les déclarations soient « fondées sur une épreuve suffisante et appropriée », ce qui signifie que les preuves doivent être pertinentes, qu’elles doivent avoir un lien avec la déclaration et avoir été vérifiées avec soin. Une entreprise pourrait être tenue de faire vérifier ses déclarations par un tiers. De plus, ces preuves doivent être établies avant que la déclaration soit faite.

Certaines déclarations doivent être validées au moyen de méthodes « acceptées à l’échelle internationale » dans le respect des conditions si certaines entités, comme les organismes de normalisation, les autorités de réglementation ou les autorités sectorielles d’au moins deux pays, les jugent valides. Les lignes directrices exigent le respect des méthodes, et non des normes. En règle générale, l’adoption des méthodes utilisées par les gouvernements est susceptible de répondre à la norme.

[1] À la question 8 de la Foire aux questions des lignes directrices, le Bureau de la concurrence fait la déclaration suivante au sujet des déclarations environnementales faites dans le cadre de documents d’information continue déposés auprès des autorités de réglementation des valeurs mobilières : « Au Canada, les provinces et territoires sont chargés de la réglementation des valeurs mobilières. Ces règlements peuvent inclure des cadres évolutifs pour la communication volontaire et obligatoire de certains renseignements environnementaux aux investisseurs actuels et potentiels en valeurs mobilières. Le Bureau ne se préoccupe pas des indications utilisées dans ce contexte. Cependant, si l’entreprise réutilise l’une des déclarations environnementales dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux en dehors de la vente de valeurs mobilières, le Bureau appliquera la Loi de manière appropriée. »

Préoccupations concernant le risque d’écosilence

L’un des effets indésirables du renforcement des politiques d’écoblanchiment est le risque d’écosilence. On entend par « écosilence » les entreprises qui décident de ne pas communiquer ni publier les mesures environnementales qu’elles mettent en œuvre de manière légitime et de bonne foi par crainte d’être accusées d’écoblanchiment ou de faire l’objet de plaintes concernant leurs efforts pour protéger l’environnement. L’écosilence peut nuire aux efforts environnementaux, car il peut dissuader les entreprises de communiquer en toute transparence les projets novateurs qu’elles entreprennent dans le domaine du développement durable. Il conviendra d’observer si les nouvelles lignes directrices entraîneront involontairement l’émergence de comportements d’écosilence.

Différence par rapport à d’autres pays

En persistant dans ses efforts pour lutter contre l’écoblanchiment, le Bureau se distingue des pratiques observées ailleurs dans le monde, surtout par rapport aux mesures prises dans l’Union européenne (l’« UE »). En effet, en mars 2023, la Commission européenne (la « CE ») a annoncé une proposition de directive concernant les déclarations environnementales (la « Directive sur les allégations écologiques ») qui exigerait que les déclarations environnementales communiquées volontairement dans un contexte de relations entre entreprises et consommateurs puissent être validées par le respect de certaines exigences minimales[2]. Cette mesure semble avoir été influencée par le rapport d’analyse d’impact publié par la CE en 2020, selon lequel 53 % des déclarations environnementales examinées dans l’UE étaient vagues, trompeuses ou non fondées[3].

Toutefois, le 20 juin 2025, la CE a annoncé son intention de retirer la proposition de directive sur les allégations écologiques, précisant un peu plus tard que cela n’avait pas été fait officiellement[4]. L’avenir de cette directive est incertain et les entreprises et les consommateurs se demandent si sa mise en œuvre sera retardée ou si elle sera remaniée ou abandonnée. Peu avant l’annonce du retrait de la proposition, le Parti populaire européen – la formation politique dominante au sein du Parlement européen – aurait exprimé des préoccupations à l’égard de cette directive. En effet, le Parti populaire européen craignait que les exigences ne soient trop coûteuses, complexes ou contraignantes pour les entreprises[5]. De nombreux commentaires recueillis lors de la consultation publique sur les lignes directrices abondaient dans le même sens.

Si vous avez des questions à propos d’allégations d’écoblanchiment ou de pratiques commerciales trompeuses, communiquez avec un membre de l’équipe Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) et marché du carbone ou de l’équipe Droit de la concurrence/antitrust et de l’investissement étranger.


[1] À la question 8 de la Foire aux questions des lignes directrices, le Bureau de la concurrence fait la déclaration suivante au sujet des déclarations environnementales faites dans le cadre de documents d’information continue déposés auprès des autorités de réglementation des valeurs mobilières : « Au Canada, les provinces et territoires sont chargés de la réglementation des valeurs mobilières. Ces règlements peuvent inclure des cadres évolutifs pour la communication volontaire et obligatoire de certains renseignements environnementaux aux investisseurs actuels et potentiels en valeurs mobilières. Le Bureau ne se préoccupe pas des indications utilisées dans ce contexte. Cependant, si l’entreprise réutilise l’une des déclarations environnementales dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux en dehors de la vente de valeurs mobilières, le Bureau appliquera la Loi de manière appropriée. »

[2] Guillaume Ragonnaud et David Ashton, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites (directive sur les allégations écologiques), EPRS, Parlement européen, octobre 2024.

[3] Commission Staff Working Document Impact Assessment Report Accompanying the document Proposal for a Directive Of The European Parliament and of the Council amending Directives 2005/29/EC and 2011/83/EU as regards empowering consumers for the green transition through better protection against unfair practices and better information, COM (2022) 143 final (30 mars 2025); (en anglais seulement).

[4] Lathan & Watkins LLP, « European Commission Announces Intention to Withdraw EU Green Claims Directive Proposal, Although the Status Remains Unclear » (24 juin 2024), en ligne; (en anglais seulement).

[5] Mason Hayes & Curran LLP, « Greenwashing: Update on the Green Claims Directive » (10 juillet 2025), en ligne; (en anglais uniquement).