Le marché de l’immobilier commercial au Canada se porte bien. Nous observons des tendances prometteuses dans les secteurs des immeubles industriels, des propriétés à usages multiples et des habitations multifamiliales, ainsi qu’un certain rebond du marché des investisseurs individuels. Par conséquent, les prêts hypothécaires commerciaux sont encore un marché attrayant pour les sociétés de prêt, y compris pour les institutions financières étrangères et les sociétés privées de prêts hypothécaires commerciaux.
Toutefois, les sociétés étrangères qui souhaitent accorder des prêts hypothécaires commerciaux garantis par des biens immobiliers situés au Canada doivent respecter un cadre complexe des lois et de règlements aux échelons fédéral et provinciaux.
Les exigences réglementaires qui s’appliquent dépendent, notamment :
- de la catégorie dans laquelle se situe la société de prêt (p. ex., institution financière ou société privée);
- des provinces ou territoires dans lesquels la société de prêt souhaite exercer ses activités;
- du type d’activités dans lesquelles la société de prêt souhaite s’engager.
Cet article donne un aperçu des lois fédérales et provinciales (common law) que les sociétés de prêts étrangères doivent respecter lorsqu’elles exercent des activités sur le marché des prêts hypothécaires commerciaux au Canada. Cet article n’aborde pas les particularités propres au Québec, la seule province de droit civil du Canada. Ce point fera l’objet d’une publication ultérieure.
Exigences fédérales en matière de permis et d’autorisation pour les sociétés de prêts hypothécaires commerciaux
Institutions financières
Certaines catégories de société de prêts sont réglementées et doivent obtenir les autorisations fédérales, qu’elles octroient ou non des prêts garantis par des hypothèques, notamment :
- les banques;
- les coopératives de crédit (Canada);
- les sociétés de fiducie et de prêt (Canada).
Les banques et les coopératives de crédit fédérales sont régies par la Loi sur les banques (Canada), tandis que les sociétés de fiducie et de prêt fédérales sont régies par la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt (Canada). Toutes les institutions financières fédérales sont supervisées par le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF »). Aucune de ces entités ne peut exercer des activités au Canada sans avoir obtenu les autorisations nécessaires, à l’exception de quelques situations particulières.
La procédure de constitution d’une institution financière au Canada, à savoir une banque constituée en société au Canada, une succursale d’une banque étrangère constituée en société au Canada, une coopérative de crédit fédérale ou une société de fiducie ou de prêt fédérale, peut être longue, et le demandeur doit obtenir deux autorisations cruciales :
- Une ordonnance du ministre des Finances délivrant les lettres patentes de constitution en institution financière;
- Une ordonnance du BSIF l’autorisant à commencer à exercer des activités au Canada.
Banque étrangère
Une banque étrangère, ou toute autre entité liée à cette banque étrangère, qui souhaite octroyer des prêts au Canada, dispose d’autres options en vertu de la Loi sur les banques, même si le processus de demande est également très long et que les activités autorisées sont plus limitées :
- Établir une succursale de banque étrangère. Une banque étrangère doit i) demander au ministre des Finances l’autorisation d’établir une succursale de banque étrangère au Canada pour y exercer des activités (c’est-à-dire demander à devenir une banque de l’Annexe III en vertu de la Loi sur les banques), et ii) demander à l’OFSI l’autorisation de commencer à exercer des activités au Canada;
- Constituer une filiale canadienne d’une banque étrangère. Comme indiqué ci-dessus, une banque étrangère peut i) sur présentation d’une demande au ministre des Finances, constituer une filiale canadienne de cette banque étrangère (c’est-à-dire constituer une banque de l’Annexe II en vertu de la Loi sur les banques) et ii) sur demande à l’OFSI, obtenir une ordonnance autorisant cette filiale à commencer à exercer des activités au Canada.
- Établir un bureau de représentation au Canada et s’abstenir d’« exercer des activités commerciales » au Canada. Une banque étrangère peut demander à l’OFSI l’immatriculation d’un bureau de représentation. Une fois l’immatriculation obtenue, elle doit soigneusement structurer ses activités de manière à exercer uniquement les activités relevant des paramètres étroitement prescrits et à ne pas « exercer des activités commerciales » au Canada. Souscrire un prêt hypothécaire sur un bien immobilier situé au Canada constituerait probablement une « activité commerciale » au Canada.
Sociétés privées de prêts hypothécaires commerciaux
Les sociétés privées de prêts commerciaux ne sont pas spécifiquement réglementées à l’échelon fédéral. Toutefois, certains règlements provinciaux s’appliquent aux sociétés privées de prêts commerciaux qui accordent des prêts garantis par des hypothèques sur des biens immobiliers situés au Canada.
Exigences provinciales en matière de permis et d’autorisations
Aucun règlement provincial ne régit spécifiquement les institutions bancaires. Toutefois, d’autres catégories de sociétés de prêt peuvent être assujetties à une réglementation provinciale, notamment :
- les coopératives de crédit;
- les sociétés de fiducie et de prêt;
- les sociétés privées de prêt (en particulier celles qui accordent des prêts garantis par des hypothèques commerciales).
Coopératives de crédit
Contrairement aux banques, les coopératives de crédit peuvent être constituées à l’échelon provincial ou territorial en vertu de la loi applicable aux coopératives de crédit dans la province concernée. Toutefois, pour les sociétés étrangères qui accordent des prêts hypothécaires commerciaux, la constitution d’une coopérative de crédit provinciale ou territoriale n’est pas toujours possible, car certaines provinces limitent l’admissibilité aux résidents du Canada et, dans certains cas, aux résidents de la province. Les autorités provinciales de réglementation des services financiers supervisent les coopératives de crédit constituées ou maintenues en activité dans leur territoire de compétence.
Sociétés de fiducie et de prêt
Certaines provinces autorisent les sociétés de fiducie et de prêt à être constituées en vertu d’une loi provinciale équivalente à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt (Canada). Certaines provinces autorisent également une autre catégorie de société de prêts, appelée « société de financement » (notamment la Saskatchewan), qui n’a pas d’équivalent à l’échelon fédéral. Qu’une société de fiducie ou de prêt soit constituée aux échelons fédéral ou provinciaux, elle doit également détenir un permis ou être immatriculée auprès des autorités provinciales de réglementation des services financiers pour pouvoir exercer ses activités dans les territoires de compétence concernés. Les sociétés de financement doivent détenir un permis en Saskatchewan.
Remarque : Les banques (selon la définition de ce terme dans la Loi sur les banques ou selon celles auxquelles cette loi s’applique) et les coopératives de crédit bénéficient généralement d’une exemption des exigences provinciales en matière de permis pour les sociétés de fiducie et de prêt.
Sociétés privées de prêts hypothécaires commerciaux
Les sociétés privées de prêts commerciaux ne sont pas spécifiquement réglementées à l’échelon provincial, à moins qu’elles n’accordent des prêts garantis par une hypothèque commerciale sur un bien immobilier situé au Canada ou qu’elles n’effectuent d’autres opérations en lien avec les hypothèques. Dans certaines provinces, les sociétés privées de prêts hypothécaires commerciaux sont assujetties aux exigences provinciales en matière de permis ou d’immatriculation des courtiers hypothécaires, des administrateurs d’hypothèques ou des sociétés de prêts hypothécaires, selon le cas.
Réglementation propre aux prêts commerciaux garantis par des hypothèques sur des biens immobiliers situés au Canada
Les lois varient selon la province ou le territoire. Dans certaines provinces, le fait d’accorder un prêt garanti par une hypothèque est suffisant pour que les courtiers hypothécaires, les sociétés de courtage hypothécaire ou les sociétés de prêts hypothécaires aient l’obligation d’obtenir un permis ou une immatriculation. Dans d’autres, seules les sociétés exerçant des activités en lien avec des hypothèques pour le compte de tiers sont tenues d’obtenir un permis.
Le tableau suivant résume les exigences provinciales et territoriales en matière de permis et d’immatriculation pour les sociétés de prêts hypothécaires commerciaux qui effectuent des opérations de prêt en leur nom propre :
Territoires de compétence | Exigence de permis ou d’immatriculation pour accorder un prêt garanti par une hypothèque en son nom propre? |
---|---|
Alberta | Non. |
Colombie-Britannique | Oui. Un permis de courtier hypothécaire doit être obtenu auprès de la BC Financial Services Authority, à moins d’une exemption. |
Manitoba | Non. |
Nouveau-Brunswick | Non. |
Terre-Neuve-et-Labrador | Non. Toutefois, tout « créancier hypothécaire non résident », c’est-à-dire toute société dont le siège social n’est pas situé à Terre-Neuve-et-Labrador, doit avoir dans cette province un mandataire autorisé à signer les mainlevées hypothécaires en son nom et doit procéder à l’inscription de la procuration au bureau d’enregistrement des actes (Registry of Deeds). |
Nouvelle-Écosse | Oui. Un permis de société de prêt hypothécaire doit être obtenu auprès de la section des permis pour les entreprises (Business Licensing Section) de Service Nova Scotia, à moins d’une exemption. |
Ontario | Oui. Un permis de société de courtage d’hypothèques doit être obtenu auprès de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers, à moins d’une exemption. |
Île-du-Prince-Édouard | Non. |
Saskatchewan | Non. |
Territoires du Nord-Ouest | Non. |
Nunavut | Non. |
Yukon | Non. |
Les personnes qui exercent des activités réglementées pour le compte d’une autre personne (notamment en tant qu’agent, employé ou autre) seront assujetties à des exigences de permis ou d’immatriculation.
Lorsque certaines exemptions limitées s’appliquent, ces exigences sont généralement réservées aux banques, aux coopératives de crédit et, dans certains cas, aux banques étrangères autorisées, aux sociétés de fiducie ou de prêt, ou aux sociétés de financement.
Autres exigences réglementaires
Acquisition de biens immobiliers situés au Canada par voie de forclusion
D’autres exigences s’appliquent lorsqu’une société de prêts commerciaux étrangère fait l’acquisition d’un bien immobilier au Canada par voie de forclusion. En effet, certaines provinces ont adopté des lois limitant l’acquisition et la propriété par des sociétés étrangères de certains types de terrains (notamment des terrains agricoles et, dans certains cas, des terrains à vocation récréative ou riverains), ce qui peut avoir une incidence sur les sociétés étrangères de prêt qui essaient de souscrire un prêt hypothécaire ou de constituer une garantie sur des biens immobiliers situés au Canada. Les provinces qui appliquent ces restrictions sont, notamment :
- l’Alberta;
- la Saskatchewan;
- le Manitoba;
- l’Île-du-Prince-Édouard.
Lorsque des exemptions limitées s’appliquent, elles touchent généralement les banques canadiennes (c’est-à-dire les banques de l’Annexe I de la Loi sur les banques) et les filiales de banques étrangères constituées au Canada (c’est-à-dire les banques de l’Annexe II).
Dispositions générales
D’autres exigences réglementaires en matière d’autorisation, de permis ou d’immatriculation s’appliqueront si la société de prêt accepte des dépôts, agit en qualité de fiduciaire, exerce les activités d’une société de fiducie, offre des prêts à coût élevé ou des prêts sur salaire, ou exerce toute autre activité au Canada autre que le prêt de sommes d’argent garanti par une hypothèque sur un bien immobilier situé au Canada, ou si elle exerce des activités au Québec. Dans tous les cas, les lois et les règlements relatifs à la protection des consommateurs et au recyclage des produits de la criminalité s’appliquent également, mais ce sujet n’est pas abordé dans cet article.
Conclusion
Le contexte réglementaire au Canada concernant les sociétés de prêts hypothécaires commerciaux est complexe et varie selon les territoires de compétence. Les sociétés de prêts étrangères qui souhaitent entrer sur le marché des prêts commerciaux doivent comprendre le cadre juridique pour pouvoir offrir des services financiers au Canada, mais également pour pouvoir constituer des garanties sur des hypothèques de biens immobiliers au Canada et les faire respecter. Reconnue pour leur expérience et leurs compétences, les membres de l’équipe Services financiers de Miller Thomson sont des partenaires stratégiques qui vous aideront à mieux comprendre les enjeux propres à ce contexte.