Les frais reliés aux transactions commerciales étant en croissance constante, il est intéressant pour tout prêteur de bénéficier des outils les plus efficaces non seulement pour une transaction courante, mais aussi pour tout amendement, renouvellement ou nouveau prêt impliquant le même emprunteur. Au Québec, le recours à un fondé de pouvoir peut, dans certains cas, être un outil offrant au prêteur un évitement de coûts et de délais futurs.

Supposons que nous avons une institution financière « A » avec des filiales « B » et « C », les institutions A, B et C formant ensemble un groupe financier « X ». Advenant qu’un emprunteur accorde aujourd’hui une hypothèque en faveur de A, cette dernière ne peut bénéficier qu’à cette institution A. Par conséquent, si jamais ce même emprunteur rentre en contact dans le futur avec une des filiales B ou C, chacune de ces dernières devra obtenir une nouvelle hypothèque émise à son bénéfice. En d’autres mots, si l’emprunteur obtient un autre prêt d’un autre membre du groupe financier X (tel que B ou C), de nombreux frais transactionnels seront à nouveau encourus. Or, si jamais l’hypothèque initiale accordée à A lui avait été accordée en sa qualité de représentante du groupe X et non purement en sa qualité personnelle, les autres institutions faisant partie du groupe, soient B et C, pourraient en bénéficier dans le futur. Ce même raisonnement s’applique également si le prêt initial avait été accordé à B ou C (en tant que représentant hypothécaire du groupe) plutôt qu’à A.

En cas de recours à cette formule, certaines considérations doivent être prises. Par exemple, le montant de l’hypothèque accordée à A en tant que fondé de pouvoir devrait idéalement être d’un montant assez important afin de couvrir non seulement le prêt avec A, mais aussi tout autre prêt ultérieur accordé par B ou C.

Traditionnellement, lorsqu’il est question de projets d’envergure ou d’investissements nécessitant des montants importants, il est courant de voir le financement se faire par l’intervention de prêts syndiqués. Il s’agit alors généralement de plusieurs prêteurs qui voudront partager le fardeau et les risques. Or, de tels financements impliquent régulièrement que des garanties par sûretés soient mises en place en faveur des prêteurs avant tout décaissement[1].

En effet, la structure syndicale peut être intéressante non seulement quand il existe plusieurs prêteurs cherchant à offrir ensemble un prêt d’un montant considérable, mais aussi quand il est envisageable que d’autres prêteurs se joignent ultérieurement à un prêteur initialement seul. En particulier, un prêteur futur va souvent vouloir bénéficier des sûretés déjà mises en place. Afin d’y arriver, divers mécanismes existent au Canada.

Dans les provinces canadiennes (sauf au Québec) et aux États-Unis, la pratique est d’octroyer ces sûretés en faveur d’un représentant nommé « collateral agent ». Ce dernier détient les sûretés au bénéfice des autres prêteurs qui sont regroupés en syndicat dont la composition peut changer avec le temps[2].

Au Québec, on parlera plutôt de « fondé de pouvoir » chargé de représenter les créanciers auprès du débiteur. En effet, l’article 2692 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») prévoit que l’hypothèque garantissant l’exécution des obligations d’une personne morale, d’une société ou d’un fiduciaire peut être constituée en faveur du fondé de pouvoir de « tous les créanciers actuels ou futurs de ces obligations ». Ce fondé de pouvoir peut être l’un des créanciers, voire le seul. Or, si le fondé de pouvoir agit non seulement pour chaque prêteur impliqué, mais aussi pour tout autre prêteur relié à ce dernier, chaque prêteur relié pourra dans le futur bénéficier de l’hypothèque accordée à ce moment-là. Dans cette éventualité, le prêteur relié pourra donc minimiser les coûts et les délais de sa nouvelle transaction.

Le fondé de pouvoir détient l’hypothèque et exerce les droits qui en découlent. Il s’agit souvent du chef de file du syndicat. De plus, l’article 2692 C.c.Q. permet à un tiers non-créancier d’agir en tant que fondé de pouvoir. D’ailleurs, cet article permet également le remplacement du fondé de pouvoir. Le successeur détient alors les mêmes droits que le fondé de pouvoir initial. Effectivement, les sûretés consenties sont maintenues dorénavant en faveur du successeur[3]. Ceci étant dit, pour que le successeur puisse exercer les droits hypothécaires, un avis de remplacement doit être inscrit à chaque registre dans lequel l’hypothèque était publiée.

Il existe toutefois une différence notable entre le Québec et les territoires de common law lorsqu’il est question de ce type de financement. En vertu de l’article 2692 C.c.Q., la convention hypothécaire doit obligatoirement être constituée par acte notarié en minute, à peine de nullité absolue. Il faut donc que la convention impliquant un fondé de pouvoir soit signée devant un notaire québécois.

En effet, l’hypothèque mobilière sans dépossession accordée en faveur d’un fondé de pouvoir doit être constituée par un acte notarié en minute. Il est fait exception à cela pour l’hypothèque mobilière avec dépossession qui peut tout de même être constituée en faveur d’un fondé de pouvoir par acte sous-seing privé[4]. Il s’agit donc d’un élément à prendre en compte lorsque l’on contracte au Québec.

Si vous avez des questions ou si vous souhaitez obtenir de plus amples informations à ce sujet, n’hésitez pas à contacter un membre du groupe de Services financiers de Miller Thomson.


[1] Jacques Deslauriers et Aurore Benadiba, Les sûretés au Québec, 2e éd, Montréal, Wilson et Lafleur, 2018 para 2137.

[2] Ibid., para 2139.

[3] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991

[4] Jacques Deslauriers et Aurore Benadiba, Les sûretés au Québec, 2e éd, Montréal, Wilson et Lafleur, 2018 para 2153.