Les fonds de capital-investissement font l’objet d’une surveillance de plus en plus étroite de leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). C’est pourquoi il est de plus en plus important pour ces fonds de tenir compte des critères ESG dans leurs décisions d’investissement ainsi que dans la gestion des sociétés qui composent leur portefeuille. Cet article porte sur la tendance actuelle visant à intégrer la prise en compte des critères ESG dans les opérations de fusion et d’acquisition.

Le fait de mettre l’accent sur les critères ESG peut constituer un avantage concurrentiel pour les sociétés cibles, les fonds de capital-investissement et autres sociétés d’acquisition stratégiques. Ces critères aident les fonds de capital-investissement et les sociétés de leurs portefeuilles à créer de la valeur, à atténuer les risques et à devenir plus résilients. La prise en compte des critères ESG dans les opérations de fusion et d’acquisition est incontestablement(en anglais) en hausse. Négliger les enjeux ESG essentiels pourrait avoir des répercussions négatives sur une entreprise et compromettre sa réussite.

Les fonds de capital-investissement font preuve d’un degré de sélectivité plus élevé à la lumière du contexte en pleine évolution des critères ESG. Selon les résultats de l’étude mondiale de PwC réalisée en 2021 sur les investissements responsables dans le secteur du capital-investissement, 37 % des personnes interrogées ont déclaré avoir refusé des occasions d’investissement en raison de considérations environnementales, sociales et de gouvernance[i].

Pour veiller à ce que les critères ESG soient effectivement pris en compte dans les opérations de fusion et d’acquisition, les fonds de capital-investissement doivent effectuer une vérification diligente axée sur les critères ESG, incorporer les risques ESG dans la convention relative à l’opération et procéder à l’intégration des critères ESG après la clôture de l’opération. Cet article traite de l’importance croissante des critères ESG dans les opérations de fusions et d’acquisitions et propose des conseils sur la manière d’intégrer les critères ESG dans le processus de clôture de l’opération.

Importance des critères ESG

Incidence financière

Le milieu des affaires est en pleine mutation. En effet, le regard des consommateurs, les habitudes de consommation, les exigences des employés, le contexte réglementé et les perspectives du secteur sont tous orientés vers le respect des critères ESG. L’incidence croissante des changements climatiques sur les opérations et la valeur des entreprises ont entraîné des changements importants dans les investissements, car les tendances ESG continuent de gagner du terrain. Les catastrophes naturelles ont causé des pertes estimées à 280 milliards de dollars pour la seule année 2021, ce qui a rendu les risques associés aux critères ESG encore plus tangibles et quantifiables, ce qui a eu une incidence sur les activités de fusion et d’acquisition.[ii] De plus, les entreprises doivent également tenir compte de l’incidence des critères ESG sur le financement, car des cotes médiocres et de mauvais indicateurs de performance en lien avec ces critères peuvent limiter l’accès au capital. Les prêteurs et les investisseurs institutionnels ont clairement indiqué que les entreprises doivent désormais accorder la priorité aux critères ESG, faute de quoi elles risquent de ne plus avoir accès au financement. Les Principes pour l’investissement responsable des Nations unies en sont un exemple. Il s’agit d’un groupe toujours plus grand d’investisseurs signataires qui intègrent les critères ESG dans leur analyse des investissements, faisant ainsi la promotion de l’investissement responsable. Les PRI regroupent environ 3 800 propriétaires d’actifs et gestionnaires d’investissements qui gèrent près de 121 billions de dollars d’actifs[iii].

Conformité aux règlements

Dans tous les territoires de compétence, le cadre réglementé des critères ESG ne cesse d’évoluer. Les organismes de réglementation ainsi que d’autres organismes de surveillance ont déployé des ressources afin d’effectuer le suivi des enjeux ESG et de créer des règles et des lignes directrices. La Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis évalue actuellement les pratiques de divulgation des risques climatiques et a proposé de modifier les règles afin d’obliger les sociétés inscrites à incorporer certains renseignements liés au climat dans leurs déclarations d’inscription et dans leurs rapports périodiques, y compris des informations sur les risques climatiques qui peuvent raisonnablement avoir des répercussions importantes sur les activités, les opérations et la situation financière de l’entreprise, ainsi que certains paramètres climatiques dans les états financiers[iv]. Les fonds de capital-investissement doivent tenir compte des changements imminents dans la réglementation, mais également des lois « non contraignantes » telles que les normes, les recommandations et les codes de bonne pratique. Les critères ESG sont des éléments essentiels à prendre en compte tant pour l’acquéreur que pour la société cible, car les organismes de réglementation continuent à mettre en œuvre de nouvelles règles et de nouveaux règlements en matière d’ESG.

Exigences pour les commanditaires

Il est fréquent que les commanditaires demandent aux fonds de capital-investissement de passer en revue les opportunités d’investissement à travers le prisme des critères ESG et de veiller à ce que toutes les sociétés de leurs portefeuilles soient évaluées à l’aide des indicateurs ESG. Une récente enquête menée par Bain & Company et l’Institutional Limited Partners Association révèle qu’au cours des trois prochaines années, 80 % des commanditaires interrogés ont l’intention de redoubler d’efforts pour demander à leurs commandités d’intégrer dans leurs rapports des informations sur les critères ESG[v]. Il est courant que les commanditaires et d’autres parties prenantes, notamment les institutions de prêt, demandent aux fonds de capital-investissement de fournir des rapports à vocation non réglementaire sur les critères ESG. Par conséquent, les fonds de capital-investissement doivent s’assurer d’établir et de mettre en œuvre un cadre ESG efficace pour orienter les décisions d’investissement. Une fois l’acquisition terminée, ils doivent également mettre en place des politiques et des procédures ESG efficaces, comprenant la définition d’indicateurs et d’objectifs ESG pour chaque société de leurs portefeuilles. Ainsi, les fonds de capital-investissement peuvent non seulement éviter toute responsabilité potentielle liée aux enjeux ESG, mais également attirer de nouveaux investisseurs, car les sociétés de leurs portefeuilles qui sont en mesure de démontrer qu’elles doivent continuellement traiter des enjeux ESG ont la possibilité de créer de la valeur.

Risques d’atteinte à la réputation

Les actionnaires et les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux ESG. En orientant leurs stratégies d’investissement vers des sociétés qui publient des informations détaillées et fondées sur les critères ESG, les actionnaires et les investisseurs du monde entier jouent un rôle essentiel de catalyseur dans l’augmentation des obligations d’information sur les enjeux ESG. Comme il y a un certain chevauchement entre les critères ESG et les valeurs fondamentales des sociétés, le fait d’omettre les enjeux ESG peut avoir des répercussions défavorables disproportionnées sur la réputation (en anglais) de la société. Lors de l’étude d’une opération, les fonds de capital-investissement doivent comprendre tous les enjeux ESG liés à la transaction, évaluer les mesures d’atténuation des risques d’atteinte à la réputation et veiller à la mise en place de processus pour surveiller la méthode de déclaration de la société.

Critères ESG

Vérification diligente des enjeux ESG

Les fonds de capital-investissement doivent envisager d’étendre le champ d’application de leur vérification diligence afin d’y incorporer des enquêtes ciblées sur les critères ESG. La vérification diligente des enjeux ESG est différente pour chaque opération et dépend de la nature et du type d’activité de la société cible et des territoires de compétence concernés. La vérification diligente doit aller au-delà du simple examen du rendement organisationnel et tenir compte des répercussions et des dépendances à grande échelle sur l’ensemble de la chaîne de valeur mondiale.

Le processus de vérification diligente doit intégrer les critères ESG à chaque étape de l’opération et le fonds de capital-investissement doit être informé de toute incidence potentielle de la fusion ou de l’acquisition sur sa stratégie de pérennité et sur la valeur à long terme de l’entité fusionnée. Les indicateurs d’alerte (drapeaux rouges) peuvent comprendre l’évaluation de la pertinence future de la société cible et des actifs pertinents, ainsi que le passage en revue des médias pour comprendre les principaux risques liés aux critères ESG. La vérification diligence permet de détecter toute violation des droits de la personne ainsi que la corruption, la dégradation de l’environnement, les atteintes à la vie privée, les violations de données, le harcèlement, les comportements répréhensibles sur le lieu de travail, les problèmes de diversité au travail, l’inégalité entre les sexes, les émissions de gaz à effet de serre et les cas antérieurs de non‑conformité, ainsi que les notations liées aux critères ESG de la société cible, l’utilisation de normes ESG et le degré d’engagement de la société cible dans la collectivité. Cette vérification permettra de relever les passifs potentiels ou les préoccupations d’ordre culturel susceptibles de donner lieu à un examen plus approfondi. D’autres considérations de vérification diligente peuvent également permettre de faire ressortir les risques physiques et de transition associés aux changements climatiques. Comme la vérification diligente en matière d’ESG couvre un champ d’application très large, les fonds de capital-investissement devraient envisager de faire appel à des experts dans divers domaines pour examiner avec d’autres leurs conclusions respectives à ce sujet afin d’obtenir une vue globale et interdisciplinaire des risques ESG.

Une vérification diligente axée sur les critères ESG aidera les acquéreurs à recenser les risques ESG susceptibles d’avoir une incidence sur le prix de la société cible et sur la structure globale de l’opération. Une fois qu’elles auront pleinement conscience des passifs potentiels et des risques liés à une opération, les entreprises peuvent atténuer les risques ESG en prévoyant des dispositions à cet égard dans la convention relative à l’opération.

Convention relative à l’opération

Les conventions relatives à la transaction de fusion ou d’acquisition, notamment les conventions d’achat d’actions et les conventions d’achat d’actifs, traduisent déjà l’importance croissante des critères ESG. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, la majorité des accords de fusion et d’acquisition ont ajouté des dispositions relatives à la COVID-19 dans les clauses relatives aux conséquences défavorables importantes et dans les clauses d’exploitation provisoires. La pandémie de COVID-19 a mis à l’épreuve la résilience des sociétés à l’échelle mondiale et a montré aux investisseurs que les enjeux ESG sont désormais plus importants que jamais.

La vérification diligente des critères ESG permettra au fonds de capital-investissement de mieux comprendre les risques et les obstacles potentiels liés aux activités et au secteur de la société cible. Le fonds de capital-investissement peut alors chercher à traiter les risques ESG dans la convention relative à l’opération au moyen d’indemnités spécifiques, de déclarations et de garanties axées sur les critères ESG, ou au moyen de diverses conditions préalables à la clôture ou d’engagements ultérieurs à la clôture de l’opération par les vendeurs. La convention relative à l’opération comporte généralement les déclarations et garanties habituelles relatives aux divers aspects des activités de la société et au contexte réglementé dans lequel la société exerce ses activités. Les déclarations et garanties habituelles peuvent aborder plusieurs critères ESG. Toutefois, elles doivent être examinées et révisées à la lumière des règlements spécifiques ou des codes de conduite qui s’appliquent aux activités de la société ainsi qu’à tous les critères ESG. Les fonds de capital-investissement devraient donc envisager et chercher à négocier l’incorporation des déclarations ESG applicables, par exemple des déclarations relatives au mouvement « Moi aussi » et exiger des sociétés cibles qu’elles divulguent toute allégation de comportement répréhensible, le respect de codes de conduite ou les principes spécifiques auxquels la société cible a volontairement adhéré, ou le respect des recommandations des codes de conduite applicables ou des directives émises par les organismes de surveillance.

Les fonds de capital-investissement doivent examiner l’importance des risques ESG recensés lors de la vérification diligente ainsi que la manière dont ces enjeux peuvent être traités. La convention d’achat doit être adaptée aux besoins de chaque opération. Selon l’enjeu relevé, les vendeurs peuvent être en mesure de répondre aux préoccupations avant la clôture de l’opération, ce qui pourrait comprendre l’ajout de dispositions comme des clauses spéciales avant la clôture de l’opération exigeant un rapport détaillé et la divulgation de tout nouvel enjeu ESG susceptible de se présenter.

Si l’enjeu ne peut être résolu avant la clôture de l’opération, par exemple en cas de non-conformité aux règlements relatifs aux critères ESG, l’acquéreur pourrait négocier une réduction du prix d’acquisition en tenant compte du risque pris en charge. De plus, l’acquéreur peut envisager le versement d’un montant d’indemnisation pour couvrir le risque lié aux enjeux ESG connus et retenir une partie du prix d’acquisition comme montant de compensation duquel sera soustrait le montant de toute perte attribuable aux enjeux relevés. Les parties peuvent également envisager de restructurer l’opération à des fins de réduction des risques.

Mesures ultérieures à la clôture de la transaction

Après la clôture de l’opération, l’acquéreur doit mettre en place des procédures pour assurer un examen continu des critères ESG liés à l’exploitation de la société de son portefeuille. Ces procédures visent notamment à traiter et à gérer les enjeux recensés lors de l’acquisition, mais également d’effectuer une surveillance continue des critères ESG à long terme de la société. Le fonds de capital-investissement doit confirmer que la société du portefeuille dispose d’une équipe de direction qualifiée et d’un conseil d’administration efficace ayant les connaissances et l’expérience nécessaires pour assurer une surveillance efficace de la société du portefeuille, y compris des enjeux ESG.

Mesures relatives au conseil d’administration

Les fonds de capital-investissement doivent s’assurer que le conseil d’administration de la société du portefeuille a mis en place les politiques et procédures lui permettant de comprendre l’incidence que les enjeux ESG peuvent avoir sur la société. Lors de l’élaboration des politiques et procédures de gestion des risques ESG, la société du portefeuille et le conseil d’administration doivent mettre en place une structure de gouvernance appropriée et attribuer les rôles et les responsabilités des administrateurs et des divers comités du conseil. L’attribution des rôles spécifiques vise à s’assurer que chaque partie soit informée des responsabilités de chacun des membres du conseil.

Un cadre solide de gestion des risques ESG au sein d’une société est essentiel à la culture globale et à la réussite de la société du portefeuille. Les politiques et procédures en matière d’ESG varient d’une société à l’autre selon le secteur d’activité et le type d’activités, mais en règle générale, un système de gestion des risques ESG doit permettre :

  1. de repérer rapidement les risques ESG importants;
  2. de mettre en œuvre des stratégies appropriées de gestion des risques ESG arrimés aux stratégies commerciales et au profil des risques ESG de la société;
  3. d’intégrer les risques ESG et la gestion des risques dans la stratégie de la société et dans la prise de décisions;
  4. documenter correctement les renseignements nécessaires sur les risques ESG et les communiquer aux parties concernées, notamment aux employés, aux actionnaires et aux cadres supérieurs.

Pour gérer correctement un risque ESG, il faut d’abord le repérer; pour cela, la société doit mettre en place des procédures de rapport afin de recueillir des données de qualité. Pour maintenir la cohérence entre les divers ensembles de données, les sociétés doivent mettre en place, dans la mesure du possible, une procédure normalisée et créer des centres d’archives ou des centres de référence pour l’enregistrement des données ESG. Idéalement, la société devrait mettre en place des processus automatiques d’enregistrement des données, si possible, au lieu de procéder à l’ajout manuel des données, ce qui permettrait de réduire la marge d’erreur dans les données.

Conclusion

À mesure que les sociétés, les investisseurs et les commanditaires prennent conscience des facteurs sociaux et environnementaux, il sera important d’évaluer les opportunités d’investissement à travers le prisme des critères ESG. Dans un avenir prévisible, évaluer les fusions et acquisitions en tenant compte des critères ESG sera une étape importante pour générer de la croissance et offrir aux sociétés un avantage concurrentiel. Cette étape sera également cruciale pour établir le lien de confiance avec les parties prenantes. Les fonds de capital-investissement doivent nécessairement prendre des mesures décisives pour réduire les risques et générer de la valeur à long terme. Les fonds de capital-investissement qui prennent des initiatives et comprennent les enjeux ESG liés aux opérations de fusion et d’acquisition seront mieux placés pour atteindre une croissance durable et s’adapter aux attentes constantes et croissantes.

Si vous avez des questions ou des préoccupations, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de l’équipe Responsabilité sociale d’entreprise (ESG) et marché du carbone de Miller Thomson.

MD Marque déposée de Miller Thomson


[i] Global Private Equity Responsible Investment Survey (2021), PwC. (en anglais)

[ii] Hurricanes, cold waves, tornadoes: Weather disasters in USA dominate natural disaster losses in 2021 (2022), Munich Re. (en anglais)

[iii] About the PRI (À propos des PIR) (consulté le 22 mai 2023), Principes d’investissement responsable. (en anglais)

[iv] The Enhancement and Standardization of Climate-Related Disclosures for Investors, publications nos 33-11042 et 34-94478 (2022), US Securities and Exchange Commission. (en anglais)

[v] Limited Partners and Private Equity Firms Embrace ESG (Les commanditaires et les sociétés de capital-investissement mettent l’accent sur les critères ESG) (2022), Bain & Company. (en anglais)