Les obligations fiscales prévues à la partie VI.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont souvent décrites comme « un risque caché pour les moins vigilants », car elles peuvent s’appliquer de manière inattendue à un taux d’imposition élevé. Cet impôt de 25 % vise les sociétés qui versent des dividendes, et non les bénéficiaires, et son calcul repose sur le montant des dividendes plutôt que sur le revenu imposable pour l’exercice. 

Une convention entre actionnaires mal structurée pourrait être source de risques importants pour les entreprises. Une bonne compréhension des dispositions de la Loi concernant les « actions privilégiées imposables » leur permettra d’éviter de s’exposer par inadvertance à ce risque fiscal.

Quelles sont les dispositions prévues dans la partie VI.1 de la Loi et pourquoi sont-elles importantes?

La partie VI.1 de la Loi s’applique aux dividendes versés sur des « actions privilégiées imposables », un terme dont la portée est souvent sous-estimée. Ce terme peut avoir un sens plus large que celui retenu traditionnellement par le droit des sociétés pour ce type d’actions. 

Les actions privilégiées imposables dépendent de la relation entre l’actionnaire concerné et la société ou des caractéristiques propres aux actions, sous réserve de certaines exemptions. Un allègement est possible grâce à un mécanisme de déduction, dont l’efficacité dépend de la marge de manœuvre fiscale de la société qui verse les dividendes et de son taux d’imposition réel. Compte tenu de la complexité de ce mécanisme fiscal, les entreprises gagneraient à éviter, dans la mesure du possible, cette imposition.

Est-il possible de transformer les actions ordinaires classiques en « actions privilégiées imposables » dans une convention entre actionnaires?

La définition du terme « action privilégiée imposable » ne se limite pas aux seules mentions figurant dans les statuts de la société. En effet, les dispositions des conventions entre actionnaires – unanimes ou pas – ont également leur importance. En fait, toute convention concernant ces actions, dont l’une des parties est la société ou une personne ayant un lien de dépendance avec elle, a son importance dans l’analyse.

Un problème pourrait surgir si la convention contient une clause d’achat-vente. L’imposition au titre de la partie VI.1 de la Loi peut survenir si cette clause précise le montant qu’un actionnaire peut recevoir lors de l’acquisition de l’action (sauf si celle-ci se produit à la suite du décès de l’actionnaire) sous forme de montant fixe ou de montant assujetti à un plancher ou à un plafond. De prime abord, ces conditions se retrouvent dans de nombreuses clauses d’achat-vente. Faut-il en conclure que toutes ces clauses posent problème?

Heureusement, la Loi prévoit une exclusion spécifique selon laquelle, en cas d’accord, toute disposition prévoyant l’acquisition d’une action à un prix au moins égal à sa juste valeur marchande sera ignorée. Cette disposition ne couvre pas toutes les subtilités techniques relatives au moment considéré et à la valorisation. Il convient toutefois de retenir qu’une convention rédigée avec soin peut permettre d’éviter des conséquences fiscales défavorables.

Que retenir de la décision 2023-0970691R 3 de l’Agence du revenu du Canada?

Dans sa récente décision, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a examiné une convention entre actionnaires dans laquelle il était question d’actions ordinaires. La relation entre les actionnaires n’était pas clairement définie. Entre autres, cette convention accordait à certains actionnaires le droit de demander que la société rachète leurs actions (des actions ordinaires de catégorie B) à une date déterminée ou advenant le non-respect des dispositions de la convention. Le versement d’un montant supplémentaire était prévu en cas de survenance de certains événements dans les douze mois suivant la disposition; ce montant était établi selon la valeur de la transaction. Autrement dit, les actionnaires dont les actions ordinaires de catégorie B faisaient l’objet d’un rachat pourraient recevoir une compensation supplémentaire si la valeur de la transaction qui s’ensuivrait était plus élevée. 

L’ARC a statué que cette clause particulière ne permettait pas de transformer des actions ordinaires de catégorie B en « actions privilégiées imposables ». Cette décision ne repose pas sur la disposition d’exclusion spécifique, ce qui suggère que le paiement du montant supplémentaire n’a pas assujetti le prix de rachat à un montant minimum ou, selon la définition, à un plancher. Il est possible que la nature incertaine entourant le versement d’un montant supplémentaire ait influencé l’ARC dans sa décision.

Prochaines étapes pour les entreprises et les conseillers?

La notion d’« action privilégiée imposable » est vaste et elle peut avoir des conséquences importantes. Les actions ordinaires peuvent aussi comporter des risques si les conventions entre actionnaires ne sont pas rédigées méticuleusement. Que ce soit pour réviser les dispositions de vos conventions entre actionnaires ou organiser la structure de votre entreprise, notre équipe Droit fiscal vous aide à comprendre les nuances de la partie VI.1 de la Loi et à éviter des risques financiers coûteux.

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