La Colombie-Britannique est en train de rattraper le reste du Canada, et tous les projets de construction de la province en sentiront les effets. Le 7 octobre 2025, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déposé le projet de loi 20 – Construction Prompt Payment Act (le « projet de loi ») – qui prévoit plusieurs modifications à la Builders Lien Act (la « Loi »), et constitue un tournant important dans la façon dont les différends relatifs aux paiements seront désormais résolus dans l’industrie de la construction. S’il est adopté, le projet de loi viendra transformer les pratiques de paiement et les processus de règlement des différends, et toutes les parties prenantes doivent en être conscientes.

Qu’est-ce que la Construction Prompt Payment Act de la Colombie-Britannique (projet de loi 20)?

À l’instar d’autres provinces canadiennes – notamment l’Ontario et l’Alberta –, la Colombie-Britannique entend se doter d’une loi sur les paiements rapides. L’objectif est simple : faire en sorte que les entreprises soient payées rapidement pour les travaux qu’elles effectuent et les matériaux qu’elles fournissent dans le cadre de projets de construction, et mettre sur pied un mécanisme permettant de régler les différends relatifs aux paiements avant qu’ils ne fassent dérailler les projets.

Quelles seront les principales modifications apportées à la Builders’ Lien Act de la C.-B.?

Entre autres mesures, le projet de loi prévoit deux importantes modifications à la Loi :

  1. l’élargissement de la définition d’improvement (« amélioration »), pour y inclure expressément les travaux de démolition et d’enlèvement;
  2. l’élimination de la structure à double privilège actuelle et du concept de privilège Shimco en Colombie-Britannique.

Dans Shimco Metal Erectors Ltd. v. North Vancouver, 2003 BCCA 193, la Cour d’appel avait statué que la partie qui revendique un privilège sous le régime de la Loi pouvait conserver un privilège distinct sur la retenue de garantie, en dépit de l’éventuelle extinction du privilège sur le bien-fonds. Cette interprétation a effectivement créé deux types de privilèges en Colombie-Britannique : l’un grève le bien-fonds, et l’autre, la retenue de garantie. L’approche a d’ailleurs été récemment confirmée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, plus tôt cette année. S’il est adopté, le projet de loi 20 abolira le privilège Shimco, pour que seul subsiste le privilège contre le bien-fonds sous le régime de la Loi.

Comment le nouveau régime de paiement rapide de la C.-B. protège-t-il vos flux de trésorerie?

En règle générale, dans un projet de construction, les paiements progressent en cascade : les maîtres d’ouvrage paient les entrepreneurs, qui à leur tour paient leurs sous-traitants et fournisseurs, qui eux-mêmes paient ensuite leurs propres sous-traitants et fournisseurs. Ainsi, tout différend qui survient à l’un ou l’autre des jalons de cette structure est susceptible de miner le projet en entraînant des retards, des interruptions de travaux, des résiliations de contrat, et même l’insolvabilité de certains participants. Or, comme les procédures judiciaires et d’arbitrage peuvent s’étendre sur des années, les acteurs du bas de l’échelle – qui, souvent, ont les reins les moins solides du lot – risquent davantage de ne pas être payés.

Échéances de paiement clés pour les projets de construction en C.-B.

C’est ainsi qu’ont été adoptées des lois sur les paiements rapides visant à régler les différends relatifs aux paiements en temps réel, afin de maintenir la circulation des liquidités et d’assurer la pérennité des projets de construction. Ces lois mettent en place des processus de paiement et de règlement accélérés favorisant la prompte résolution de ces litiges.

  • Du maître d’ouvrage à l’entrepreneur : Sous le régime de la Loi, lorsqu’un entrepreneur ou un fournisseur effectue des travaux ou fournit des matériaux pour un projet et présente une facture en bonne et due forme, le maître d’ouvrage doit le payer dans les 28 jours suivant la date de la facture.
  • En aval : Le paiement doit ensuite progresser le long de la chaîne contractuelle, en ce que les sous-traitants et fournisseurs doivent être payés dans les 7 jours suivant la réception, par leur cocontractant, de leur propre paiement.

Qu’est-ce qu’une « facture en bonne et due forme » en C.-B.?

Afin d’accélérer les paiements et le processus de règlement des différends, la Loi oblige les entrepreneurs (et aux sous-traitants) à fournir une facture en bonne et due forme (« proper invoice »), laquelle doit notamment indiquer :

  • la somme due;
  • une description des travaux réalisés ou des matériaux fournis;
  • le nom et l’adresse de l’entrepreneur;
  • la date de la facture;
  • le jalon du projet concerné;
  • un renvoi au contrat ou au bon de commande applicable.

Comment un différend relatif à un paiement devrait-il être traité sous le régime de la nouvelle loi sur les paiements rapides de la C.-B.?

La partie qui entend contester une facture peut délivrer un avis de non-paiement conformément à la Loi, dans les délais prescrits.

  • Ainsi, le maître d’ouvrage ne peut retenir un paiement que s’il délivre l’avis requis, dressé selon la forme prescrite, dans les 14 jours suivant la date de la facture.
  • En aval, les entrepreneurs et sous-traitants doivent délivrer l’avis de non-paiement au plus tard 7 jours après avoir eux-mêmes reçu un tel avis, ou à la date où leur propre paiement serait exigible, selon la première de ces éventualités.

À défaut d’un avis en bonne et due forme, le paiement doit être effectué en entier, dans les délais prescrits.

Comment le processus de règlement des différends relatifs aux paiements de la C.-B. fonctionne-t-il?

L’un des principaux attraits du projet de loi réside en l’introduction d’un processus obligatoire de règlement des différends relatifs aux paiements. Ce processus est conçu pour résoudre les différends en temps réel, plutôt que de les laisser s’envenimer pendant des mois, voire des années, en justice ou en arbitrage.

Aux termes de la Loi, la partie à un projet de construction serait en droit de soumettre au processus de règlement les litiges suivants :

  • le défaut de produire une facture en bonne et due forme;
  • la question de savoir si une facture est en bonne et due forme;
  • la question de savoir s’il y a eu défaut de paiement aux termes d’une facture en bonne et due forme;
  • la question de savoir si un avis de non-paiement s’applique aux fonds de la retenue de garantie;
  • l’évaluation de services ou de matériaux fournis aux termes du contrat pertinent;
  • la question de savoir s’il y a matière à paiement aux termes du contrat (p. ex. en cas de demande ou de directive de modification);
  • les autres questions dont conviennent les parties.

Délais de règlement

La partie qui conteste une facture peut soumettre une question au processus de règlement moyennant l’avis écrit prescrit par la Loi. Une fois le processus de règlement en branle, la Loi exige qu’il se déroule rapidement.

  1. Début : Le processus de règlement peut débuter pendant l’exécution du projet, mais il doit débuter au plus tard 90 jours après l’achèvement, l’abandon ou la résiliation du contrat entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. En ce qui concerne les contrats de sous-traitance, le délai de 90 jours court à compter de la première des éventualités suivantes :
    1. l’achèvement, l’abandon ou la résiliation du contrat entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur;
    1. l’attestation d’achèvement d’un contrat de sous-traitance aux termes de la Loi;
    1. la date où le sous-traitant a, pour la dernière fois, fourni des services ou des matériaux pour le projet.
  2. Nomination : Un arbitre doit être nommé dans les 11 jours suivant le début du processus de règlement.
  3. Décision : L’arbitre doit rendre sa sentence dans les 35 jours suivant sa nomination, ou encore dans le délai dont conviennent les parties.
  4. Paiement : La sentence arbitrale est contraignante, et le paiement doit être effectué dans les 15 jours qui la suivent.
  5. Les arbitres jouissent de vastes pouvoirs, et leurs décisions, bien que sujettes à révision judiciaire, sont contraignantes.

Peut-on exclure les dispositions de paiement rapide par contrat?

Non. Il en va de l’essence de la Loi que les parties ne pourront s’en soustraire par contrat. Elle prévoit d’ailleurs la nullité de toute disposition contractuelle visant à l’écarter. Cela étant, il se peut que la Loi laisse aux parties la possibilité de modérer certaines de ses dispositions les plus sévères dans des circonstances exceptionnelles.

Que devraient faire les acteurs du milieu de la construction?

Le projet de loi nous donne une idée de ce que devrait nous réserver la Loi dans sa mouture définitive, mais beaucoup de choses peuvent changer entre la première lecture et l’adoption. Dans un communiqué de presse, le gouvernement a signalé que la Loi doit s’appliquer largement aux projets privés comme publics, ce qui comprend les marchés publics. La Loi exclut de sa portée certains projets « prescrits », mais on se sait pas clairement quels projets, contrats, services et matériaux cela comprendra. Mentionnons que d’autres territoires canadiens ont exempté les mégaprojets de plusieurs milliards de dollars.

Sans attendre l’adoption du projet de loi, les entreprises devraient :

  • passer en revue et mettre à jour leurs modèles de contrat du CCDC et de conditions supplémentaires;
  • ajuster leurs flux de travail en matière de paiement et leurs systèmes comptables;
  • former leurs équipes aux exigences relatives aux factures en bonne et due forme et aux avis de non-paiement.

Bien que la plupart des modèles de contrats du CCDC contiennent des dispositions traitant de la législation sur les paiements rapides, les parties devraient être conscientes qu’il pourrait leur falloir modifier leurs modèles de contrats et de conditions supplémentaires, ainsi que revoir leurs autres pratiques en fonction du projet de loi.

Les questions les plus posées dans l’industrie

Quels sont les plus importants changements touchant les entreprises de construction de la C.-B. sous le régime de cette nouvelle loi?

Les plus importants changements sont l’introduction de règles et de délais de paiement rapide et la mise sur pied d’un processus de règlement obligatoire. Ces changements créent un processus accéléré et contraignant ayant pour but de raccourcir les délais de paiement entre parties prenantes et de résoudre les différends relatifs aux paiements, afin d’empêcher qu’ils freinent la progression des projets et interrompent la chaîne des paiements pendant des mois, voire des années, par voie de judiciarisation traditionnelle.

Le processus s’applique-t-il aux projets gouvernementaux?

Oui. La Loi visera à la fois les projets publics et privés, bien que certains mégaprojets « prescrits » pourraient être exemptés de son application.

Je suis sous-traitant en C.-B. Comment cette loi m’aidera-t-elle à être payé plus rapidement?

La Loi impose des échéances de paiement à tous les échelons de la chaîne contractuelle. Dès qu’il reçoit son paiement, l’entrepreneur qui vous précède dans la chaîne a 7 jours pour vous payer. Par ailleurs, le processus de règlement vous donne un outil puissant et relativement peu coûteux pour contester les défauts de paiement sans devoir saisir les tribunaux et supporter les coûts qui en découlent.

Que se passe-t-il si je dépasse accidentellement le délai de délivrance d’un « avis de non-paiement »?

Les conséquences peuvent être graves. Si vous manquez de délivrer un avis de non-paiement dans les délais prescrits (14 jours pour les maîtres d’ouvrage, 7 jours pour les autres), vous perdrez le droit de retenir votre paiement. La facture devra alors être payée dans son intégralité, même si les travaux qu’elle concerne sont contestés. Il vous reviendra ensuite de revendiquer l’arbitrage ou de saisir les tribunaux pour recouvrer votre paiement.

Peut-on toujours utiliser nos modèles de contrats, ou doit-on les mettre à jour en fonction de la nouvelle loi?

Il est presque certain que vos contrats devront être revus, et sans doute mis à jour. Bien que certains modèles traitent de la législation sur les paiements rapides, vos conditions supplémentaires et modalités de paiement particulières devront cadrer avec les nouvelles échéances et procédures obligatoires du projet de loi 20. Les clauses qui ne sont pas compatibles avec la Loi seront nulles.

Certains types de projet de construction seront-ils exemptés de l’application de la Loi?

La Loi permet l’exclusion de projets « prescrits », mais le gouvernement n’a pas encore indiqué de quels projets il s’agira. Selon ce qu’ont fait d’autres provinces, notamment l’Ontario et l’Alberta, il est permis de penser que certains mégaprojets de plusieurs milliards de dollars pourraient être exemptés, mais nous ne le saurons qu’à l’adoption des règlements d’application de la Loi. Pour le moment, mieux vaut tenir pour acquis que la Loi s’appliquera à tous les projets publics et privés standards.

Que peuvent faire les entreprises pour se préparer dès aujourd’hui?

Les entreprises peuvent commencer à adapter leurs modèles de contrat et leurs systèmes internes aux nouvelles règles de paiement afin d’éviter les problèmes de conformité lorsque la Loi entrera en vigueur.

Si vous avez besoin de conseils ou de renseignements à propos de l’incidence que pourrait avoir le projet de loi sur vos projets ou vos contrats, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe Construction de Miller Thomson.