Dans son ouvrage intitulé Condominium Conquest: Urban Governance, Law, and Condoization in New York City and Toronto (UBC Press, 2019), Randy Lippert présente des cas où une plainte pour non-conformité était davantage motivée par « l’origine ethnique, l’appartenance culturelle ou la nationalité » que par le comportement lui-même. Dans un immeuble en copropriété de Toronto, par exemple, le problème semblait résider essentiellement dans le fait qu’il s’agissait d’une famille d’immigrants : « Ils viennent du Moyen-Orient », s’est plaint un membre du conseil d’administration. « Ils n’ont pas encore compris qu’il s’agit d’un immeuble d’habitation. » Dans une affaire liée à un immeuble en copropriété jugée à New York, le plaignant a lancé : « Pourquoi ne retournez-vous pas en Chine? » Lippert note également que les affaires portant sur le nombre d’occupants d’une partie privative ont parfois pour origine une insensibilité culturelle susceptible de donner lieu à des stéréotypes raciaux.
Des incidents rares, mais significatifs : pourquoi chaque affaire compte
Mince consolation, Lippert fait remarquer que les problèmes d’ordre racial dans les immeubles en copropriété semblent peu nombreux. C’est également ce que j’ai constaté. Je me souviens d’un seul cas où le racisme était manifestement au cœur du problème : le président du conseil d’administration d’un immeuble en copropriété avait qualifié de « ghetto » une série de maisons en rangée en raison de la présence de résidents noirs.
Quand il n’est pas question de culpabilité, mais de réaction
J’ai également entendu quelques anecdotes racontées par des gestionnaires d’immeubles en copropriété. Par exemple, un membre du conseil d’administration a découvert ce qu’était une mezouzah uniquement après avoir exigé qu’elle soit retirée de la porte d’entrée de l’occupant juif d’une partie privative. Une situation semblable s’est produite au sujet de l’installation d’un svastika, ou croix gammée, un symbole hindou de chance qui, malheureusement, peut raisonnablement être confondu avec le symbole nazi communément associé à la haine. La gestionnaire s’est félicitée d’avoir résisté à sa première « réaction instinctive » qui la poussait à exiger son retrait; elle et d’autres occupants de l’immeuble en copropriété ont ainsi été en mesure d’éviter un malentendu culturel avant qu’il ne cause un préjudice inutile. Pour sa part, l’occupant de la partie privative a peut-être appris quelque chose sur la communication culturelle bienveillante.
L’Ontario ne compte que quelques contestations judiciaires liées à des immeubles en copropriété fondées essentiellement sur le racisme ou la discrimination raciale, et le conseil d’administration, le gestionnaire ou la communauté condominiale n’ont été reconnus coupables ou complices de ce type de discrimination dans aucune de ces affaires. Cependant, ces dernières soulèvent des points importants à prendre en considération : le racisme peut parfois être ressenti même si aucun acte n’a été commis comme tel; et il peut arriver qu’un acte de racisme réellement commis ait des répercussions sur l’immeuble en copropriété ou la vie en copropriété, même s’il n’est pas le fait de l’immeuble en copropriété lui-même. Dans un cas comme dans l’autre, les immeubles en copropriété et leurs conseils d’administration peuvent avoir une réaction plus ou moins appropriée.
Risques juridiques associés au temps de réaction et au silence
Dans l’affaire Morris v. Wilson Blanchard Management Inc. (2013 HRTO 105), par exemple, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a déterminé que des graffitis racistes haineux et menaçants avaient été peints sur un mur adjacent à l’immeuble en copropriété. Selon les allégations, des graffitis similaires figuraient également sur les murs de l’immeuble en copropriété. Dans cette affaire, le temps qu’a mis le conseil d’administration de l’immeuble en copropriété à établir les faits et ses obligations a été perçu par les personnes concernées comme de la complaisance et du mépris.
Le tribunal a estimé que les éléments de preuve ne permettaient pas de corroborer les allégations de discrimination; le propriétaire de la partie privative a néanmoins subi un préjudice réel. Il a notamment éprouvé de la peur, de la frustration et le sentiment d’avoir été rabaissé uniquement en raison de sa race. On peut se demander ce qui aurait pu être dit ou fait pour apaiser ces sentiments en attendant que le conseil d’administration détermine ses obligations légales. On est également en droit de se demander pourquoi rien de tout ça n’a été dit ou fait.
Le conseil d’administration doit concilier empathie et devoir
Le conseil d’administration d’un immeuble en copropriété n’a pas comme mission de dorloter et de réconforter chaque personne mécontente de la communauté condominiale; il n’a pas non plus à marcher sur des œufs dans le but d’éviter les préjudices potentiels. Cependant, il incombe à chacun et en particulier à toute personne qui exerce un pouvoir ou une responsabilité sur autrui de connaître la nature et les répercussions du racisme et d’y être sensible, et d’agir d’une manière qui contribue à l’éliminer plutôt qu’à le perpétuer, même lorsque le préjudice n’est pas directement causé par cette personne.
L’importance pour un conseil d’administration d’agir avec intégrité et conscience
Les décisions prises ou les mesures adoptées, non adoptées ou même simplement tolérées par le conseil d’administration d’un immeuble en copropriété, peuvent entraîner de lourdes conséquences au chapitre de la responsabilité civile. La discrimination fondée sur la race figure parmi les formes de discrimination interdites en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. De plus, un manque de prudence dans le traitement digne et équitable des occupants et des propriétaires des parties privatives pourrait facilement amener un conseil d’administration à prendre des décisions contraires à la Loi de 1998 sur les condominiums, y compris en ce qui concerne ses obligations d’agir de bonne foi et avec une diligence et un soin raisonnables. Cependant, le risque de mettre en cause sa responsabilité civile ne devrait pas être le principal facteur qui motive une personne à agir correctement.
Une communauté, c’est d’abord une affaire d’inclusion, pas seulement de conformité
D’après Lippert, la décision d’assujettir les immeubles en copropriété aux lois et aux politiques canadiennes visait, à l’origine, à en faire des espaces de vie communautaire, et non de simples produits d’investissement. Une finalité que bien trop de gens leur prêtent aujourd’hui. Veiller de manière consciente à ce que les idées, attitudes, stéréotypes et suppositions liés à l’appartenance culturelle ne teintent pas les décisions prises au sein des immeubles en copropriété est un excellent moyen de favoriser un esprit communautaire fort et une expérience positive. En quoi cela pourrait-il être une mauvaise chose?
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