Décoder les conséquences fiscales des REER, CELI et CELIAPP après le décès du titulaire

février 29, 2024 | Hillary Linden, TEP, Sierra Peterson

Dans le présent article, nous examinons les conséquences fiscales et autres des régimes enregistrés au décès de leur titulaire, notamment le régime enregistré d’épargne-retraite (« REER »), le compte d’épargne libre d’impôt (« CELI ») et le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (« CELIAPP »).

1. REER

Au Canada, lorsqu’une personne décède, elle est réputée avoir disposé de certains actifs à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès. Cette règle s’applique généralement aux REER. Le rentier du REER est donc réputé avoir reçu la juste valeur marchande de son REER immédiatement avant son décès. Étant donné que les cotisations REER sont versées au moyen de dollars avant impôt, le plein montant du REER est inclus dans le revenu imposable du rentier dans sa déclaration finale. Les REER de taille importante peuvent donner lieu à un impôt à payer élevé. Le représentant personnel du rentier décédé doit veiller à ce que l’impôt sur le revenu soit payé sur ce revenu ainsi inclus.

Plus particulièrement, la succession du rentier pourrait avoir droit à une réduction de revenu dans la mesure où le produit du REER est versé à titre de remboursement de primes ou est réputé être versé à titre de remboursement de primes. Dans un tel cas, seul le montant réduit entrerait dans le calcul du revenu du rentier dans sa déclaration finale. Pour être admissible comme « remboursement de primes », le produit d’un REER doit être versé à un bénéficiaire admissible. Un « bénéficiaire admissible » est soit (i) l’époux ou le conjoint de fait du rentier (au sens entendu dans la Loi de l’impôt sur le revenu [Canada]) (le « conjoint »); ou (ii) un enfant ou petit-enfant du rentier qui était financièrement à la charge[1] du rentier.

Le bénéficiaire admissible doit, à son tour, inclure dans son revenu le montant du remboursement de primes reçu (c’est-à-dire que dans la mesure où le rentier décédé a bénéficié d’une réduction de revenu, une inclusion de revenu est exigée pour le bénéficiaire). Si le bénéficiaire du remboursement de primes est le conjoint, celui-ci peut demander une déduction si le produit est versé dans un instrument à imposition différée (généralement sous forme de cotisation à son propre REER). En particulier, un enfant ou un petit-enfant qui était financièrement à la charge du rentier, mais non en raison d’une infirmité mentale ou physique, ne peut bénéficier de la déduction que si les fonds servent à souscrire une rente dont le dernier versement y est effectué avant le 19e anniversaire de naissance du bénéficiaire. Par conséquent, un enfant d’âge adulte qui était à la charge du rentier, mais non en raison d’une infirmité physique ou mentale, n’est pas admissible à une déduction. Dans la mesure où le bénéficiaire admissible demande la déduction, le mécanisme de report d’impôt communément appelé « roulement » entre en jeu.

Dans les circonstances décrites ci-dessus, lorsque le produit est considéré comme un remboursement de primes, c’est généralement le représentant personnel du rentier décédé qui décide si la succession demande la réduction au titre du remboursement de primes. Cependant, dans un cas particulier, c’est au bénéficiaire qu’il revient de décider si l’impôt sur le revenu associé au remboursement de primes sera payé par la succession ou le bénéficiaire. Un tel cas se produit lorsque le montant qui aurait constitué un « remboursement de primes » s’il avait été versé à un bénéficiaire de la succession est versé à la succession (ce qui serait le cas si la succession était le bénéficiaire désigné ou s’il n’y avait pas de bénéficiaire désigné). Dans ce cas, le représentant personnel et le bénéficiaire admissible peuvent décider conjointement que le montant admissible sera réputé avoir été reçu à titre de remboursement de primes, ce qui permet aux dispositions de roulement décrites ci-dessus d’entrer en jeu. Étant donné que ce choix doit être fait conjointement par le bénéficiaire admissible et le représentant personnel, c’est effectivement le bénéficiaire qui décide si la réduction peut être demandée par la succession.

Le roulement comporte moins d’étapes lorsque (i) le conjoint est l’unique bénéficiaire du REER; (ii) le produit est directement transféré à un REER dont le conjoint est l’unique rentier (ou à un autre instrument admissible); et (iii) le transfert a lieu au plus tard le 31 décembre de l’année suivant l’année du décès (appelée « période exempte »). Si ces circonstances sont réunies et que l’institution financière émet le feuillet T4RSP directement au conjoint, l’inclusion de revenu peut d’abord être effectuée par le conjoint, qui peut également demander la déduction, et le représentant personnel n’est pas tenu d’inclure le produit du REER dans le revenu de la succession.

Enfin, l’enfant ou le petit-enfant du rentier qui est financièrement à sa charge et souffre d’une infirmité peut se prévaloir de l’option de transfert d’un REER à un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Le rentier décédé doit inclure le revenu et demander la réduction de la façon habituelle conformément aux règles relatives au « remboursement de primes » exposées ci-dessus. L’enfant ou le petit-enfant bénéficiera de la déduction correspondante. Le montant maximal qui peut être transféré à un REEI est de 200 000 $, montant qui est diminué de toutes les cotisations versées au REEI et de tous les montants qui y sont transférés.

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le représentant personnel du rentier décédé doit veiller à ce que l’impôt sur le revenu soit payé sur le produit du REER inclus dans le revenu. Lorsque le produit n’est pas admissible à titre de remboursement de primes ou s’il revient au bénéficiaire du remboursement de primes de décider si la succession peut bénéficier de la réduction, il est important de se demander si la succession a les moyens de payer l’impôt connexe et s’il est équitable qu’elle ait éventuellement à payer cet impôt. Cette dernière considération est particulièrement pertinente lorsque le bénéficiaire du produit du REER n’est pas un bénéficiaire de la succession. Il faut se poser la question suivante : Est-il équitable que les bénéficiaires de la succession paient l’impôt sur le revenu exigible sur un actif transmis en dehors de la succession? La réponse à cette question dépend des circonstances, ainsi que des préférences et des objectifs du rentier.

2. CELI

Les incidences fiscales du CELI sont moindres que celles du REER, car les cotisations au CELI sont effectuées au moyen de dollars après impôt et les revenus gagnés dans le CELI, en supposant qu’aucune cotisation excédentaire n’ait été versée, ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu, même au décès du titulaire.

En général, le CELI cesse d’exister au décès de son titulaire. Si le titulaire du CELI a un conjoint, deux options s’offrent à lui : (i) nommer le conjoint comme titulaire remplaçant du CELI; ou (ii) désigner le conjoint comme bénéficiaire du CELI. Les conséquences de ces options sont les suivantes :

  • Si le conjoint est nommé comme titulaire remplaçant, le CELI ne cesse pas d’exister. Le conjoint devient plutôt le nouveau titulaire du CELI. Il peut retirer des sommes de ce compte en franchise d’impôt sans que ces retraits aient une incidence sur ses propres droits de cotisation au CELI. Essentiellement, la nomination du conjoint comme « titulaire remplaçant » a pour effet de doubler, ou presque, les droits de cotisation au CELI du conjoint.
  • Si le conjoint est un bénéficiaire désigné du CELI, la règle générale s’applique. Le conjoint reçoit la juste valeur marchande du CELI au décès du titulaire, en franchise d’impôt. Tous les revenus de placement accumulés après le décès du titulaire sont imposables, et toute partie de ce montant distribuée au bénéficiaire doit être ajoutée au revenu du bénéficiaire dans l’année où elle est reçue.

3. CELIAPP

Le titulaire d’un CELIAPP peut désigner son conjoint comme titulaire remplaçant du CELIAPP. Si le conjoint est admissible (est âgé d’au moins 18 ans, est résident canadien et acheteur d’une première propriété), il devient le nouveau titulaire du CELIAPP, et le CELIAPP conserve son statut d’exonération fiscale. Si le conjoint n’est pas admissible, s’il est désigné comme bénéficiaire au lieu de titulaire remplaçant ou si une personne autre que le conjoint est désignée comme bénéficiaire, le bénéficiaire doit plutôt (i) transférer sa part des fonds à un CELIAPP, un REER ou un FERR avec report d’impôt; ou (ii) recevoir les fonds sous forme de distribution imposable. Les titulaires remplaçants admissibles peuvent également se prévaloir de ces deux options, à condition de le faire avant la fin de la période exempte.

Si aucun bénéficiaire ou titulaire remplaçant n’a été désigné, les sommes du CELIAPP seront distribuées à la succession du titulaire décédé et seront incluses dans le revenu imposable.

4. Mot de la fin

Lorsque des régimes enregistrés constituent une partie de la valeur nette d’une personne, tout plan successoral doit tenir compte de leur traitement fiscal au décès. Selon les circonstances, des occasions de préservation du patrimoine peuvent exister. De plus, il peut être possible de procéder à une répartition plus équitable du patrimoine de la personne décédée.

Bien que le présent article traite principalement de la dévolution du produit d’un régime enregistré d’une manière fiscalement avantageuse par la désignation d’un bénéficiaire, le lecteur doit toujours se demander s’il serait plus judicieux que la succession reçoive le produit du régime. À défaut d’une désignation de bénéficiaire valide (soit la désignation comme bénéficiaire d’une personne autre que la succession du défunt), le produit du régime est dévolu à la succession du titulaire décédé et sera utilisé par les représentants personnels de ce dernier pour payer les dettes, puis sera distribué conformément au testament du défunt ou conformément à la loi sur les successions ab intestat s’il n’y a pas de testament valide. Cette option est préférable dans certaines circonstances (si les frais d’homologation ne représentent pas un problème important).

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[1] L’interprétation de l’ARC du terme « financièrement à la charge » aux fins des présentes se trouve dans le document de l’ARC suivant : Décès du rentier d’un REER

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