Difficile, aujourd’hui, de parcourir les actualités et les réseaux sociaux sans tomber sur les expressions échange de droits d’émission, crédit carbone ou plafonnement et échange et sur des références à divers marchés du carbone. Le présent texte servira d’entrée en matière à une série d’articles dans lesquels nous nous proposons d’explorer et de commenter les marchés du carbone qui se développent progressivement au Canada et ailleurs dans le monde. Dans les prochaines lignes, nous présenterons des notions fondamentales de la finance du carbone et situerons les marchés du carbone dans le contexte élargi de la finance durable. La finance du carbone est un vaste sujet, et il serait exagérément ambitieux d’essayer d’en faire le tour dans un seul article.

Commençons donc par le commencement. Une branche spécialisée de la finance et de l’investissement classiques prend de l’ampleur depuis quelques années : la finance durable. La finance durable, c’est l’investissement dans des projets favorisant le développement dit durable, propre ou vert, et leur financement. Devant l’essor de projets à impact économique, social et environnemental, nombre d’instances publiques, d’entreprises et d’institutions financières ont fait de l’intégration de la finance durable et des pratiques vertes une priorité.

Quand on pense à l’adoption croissante de pratiques écologiques chez les particuliers et les entreprises, on pense immédiatement aux innovations visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). La finance du carbone, sous-spécialité de la finance durable, repose sur un mécanisme de financement ingénieux qui a pour résultat d’attribuer une valeur aux émissions de carbone. La valeur d’un « crédit carbone » dépend en grande partie du prix du carbone que fixent les organismes de réglementation et de ce qu’il en coûte aux entités réglementées pour respecter les limites d’émission qui leur sont imposées. Le « crédit carbone », c’est l’unité qui est achetée et vendue dans une transaction type du marché du carbone (il est soit attribué par un organisme de réglementation, soit généré par le promoteur d’un projet durable). Grâce au système d’achat et de vente, des entreprises souhaitant compenser leurs émissions peuvent acheter des crédits générés par des projets durables, et vice-versa : les détenteurs de crédits peuvent vendre ceux dont ils n’ont pas besoin pour s’acquitter de leurs obligations. Les crédits carbone sont des instruments transférables, certifiés par un État ou des entités tierces. Ils se présentent sous la forme d’un permis ou d’un certificat qui atteste d’une réduction des émissions de GES. Chaque crédit représente normalement une tonne métrique de dioxyde de carbone (CO2). En résumé, la finance du carbone repose sur la valeur d’émissions évitées qui peuvent être échangées sur des marchés du carbone afin que des détenteurs de crédits puissent ensuite compenser des émissions plafonnées ou réglementées.

Il existe actuellement deux types de marchés du carbone dans le monde : les régimes réglementés (ou de conformité) et les régimes volontaires. Les régimes réglementés, aussi appelés systèmes de plafonnement et d’échange ou systèmes d’échange de quotas, proposent une approche de la réduction des émissions fondée sur le marché. Des GES comme le méthane peuvent aussi être pris en compte dans l’échange d’émissions, mais les grandes plateformes d’échange sont axées sur le CO2. Quant aux régimes volontaires, ils permettent aux entreprises, aux organismes sans but lucratif, aux banques et même aux particuliers d’acheter de leur propre initiative des crédits carbone (compensatoires) à des tiers dont des activités ont généré des unités d’émission.

Le marché du carbone intéresse au premier chef les grands consommateurs d’énergie – par exemple, des entreprises d’un secteur assujetti à un plafond d’émission qui doivent se procurer des crédits pour être en règle. Une entreprise peut en effet avoir besoin d’acheter des unités d’émission à un vendeur parce qu’à elle seule la baisse d’émissions issue de la modification de ses activités ou de ses comportements ne lui permettra pas de respecter son plafond autorisé. Qu’ils s’engagent volontairement ou non dans la réduction des émissions, la plupart des participants du marché utilisent les crédits carbone soit pour s’acquitter de leurs obligations, soit pour réaliser un profit.

Vous vous demandez peut-être en quoi tout cela est bon pour l’environnement. En deux mots, l’échange d’unités d’émission contribue-t-il concrètement à dépolluer la planète? La question appelle une réponse nuancée, mais en gros, un marché du carbone robuste tarifie le carbone. Si l’émission de carbone a un coût, qui se matérialise dans la valeur des crédits carbone échangés sur les marchés, les entreprises auront de plus en plus des décisions importantes à prendre à propos de choses comme les combustibles qu’elles emploient, leurs méthodes de fabrication et les fournisseurs avec qui elles font affaire. Le prix à payer pour respecter les plafonds (et acquitter les taxes carbone connexes) ou pour acheter des crédits à ceux qui peuvent en vendre éclairera ces décisions. Si le prix à payer dans l’un ou l’autre cas n’est pas insignifiant, avec le temps les entreprises changeront leurs façons de faire et « assainiront » leurs pratiques. Le prix du carbone, dans les régimes réglementés comme dans les régimes volontaires, envoie aux entreprises un signal qui oriente leurs décisions d’affaires de manières concrètes.

À notre avis, avec le temps, l’action combinée de l’échange de crédits carbone et de la compensation d’émissions atténue, du moins en partie, les calamités environnementales associées aux GES tout en créant de nouvelles occasions sur les marchés, à la fois pour les investisseurs et pour les entreprises. Le marché du carbone peut aussi favoriser la transparence en mettant en lumière les efforts que déploient des entités progressistes ou tournées vers l’avenir pour respecter leurs obligations et cheminer vers la réalisation d’objectifs durables. Des acteurs soucieux de la protection de l’environnement (qui peuvent être des participants aux régimes volontaires) peuvent montrer qu’ils font leur part pour combattre les changements climatiques tout en contribuant au développement du marché du carbone.

Les questions à creuser au sujet du marché du carbone ne manquent pas : Comment l’échange de droits d’émission est-il réglementé au Canada et ailleurs dans le monde? Comme les entreprises produisent-elles des crédits carbone, et qui vérifie et authentifie ces crédits? Comment fonctionne la compensation d’émissions? Quels sont les avantages de la finance du carbone à long terme et quel est son fonctionnement? Au cours des prochains mois, nous couvrirons ces sujets et vous entretiendrons des perspectives et des défis associés à la finance du carbone.

Notre prochain article portera sur les principaux marchés du carbone canadiens – fédéraux ou provinciaux – que nous comparerons brièvement avec des marchés analogues des États-Unis et d’Europe.

Dossier à suivre!

Avis de non-responsabilité

Cette publication est fournie à titre informatif uniquement. Elle peut contenir des éléments provenant d’autres sources et nous ne garantissons pas son exactitude. Cette publication n’est ni un avis ni un conseil juridique.

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. utilise vos coordonnées dans le but de vous envoyer des communications électroniques portant sur des questions juridiques, des séminaires ou des événements susceptibles de vous intéresser. Si vous avez des questions concernant nos pratiques d’information ou nos obligations en vertu de la Loi canadienne anti-pourriel, veuillez faire parvenir un courriel à [email protected]..

© 2022 Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. Cette publication peut être reproduite et distribuée intégralement sous réserve qu’aucune modification n’y soit apportée, que ce soit dans sa forme ou son contenu. Toute autre forme de reproduction ou de distribution nécessite le consentement écrit préalable de Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. qui peut être obtenu en faisant parvenir un courriel à [email protected].