Introduction

Trois décisions récentes de tribunaux ontariens représentent un changement bienvenu pour les employeurs et fournissent à ces derniers des indications précieuses sur les types de clauses de licenciement qui résisteront à une révision judiciaire. Sont résumés ci-après les principaux points à retenir de ces affaires et les éléments que les employeurs doivent garder à l’esprit au moment de rédiger ou de modifier leurs contrats de travail et ententes de rémunération.

Contexte : Dufault et l’incertitude entourant les clauses de licenciement

De nombreux employeurs se rappelleront la décision rendue en 2024 dans l’affaire Dufault v. The Corporation of the Township of Ignace, dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario a statué qu’une clause de licenciement qui donne à l’employeur le droit de mettre fin à un emploi « à tout moment » et à sa « seule discrétion » allait à l’encontre de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (« LNE ») de l’Ontario et était de ce fait inapplicable. Cette décision avait suscité de vives inquiétudes chez les employeurs, d’autant plus que l’affaire Baker v. Van Dolder’s Home Team Inc. semblait appliquer la décision Dufault même si l’expression « seule discrétion » ne figurait pas dans le texte.  La décision de la Cour rendue dans l’affaire Baker fait actuellement l’objet d’un appel.

Dans ce contexte, trois décisions récentes fournissent des conseils utiles.

Trois précisions favorables à l’employeur

Jones v. Strides Toronto Support Services, 2025 ONSC 2482 (« Jones »)

Dans Jones – tout comme dans Baker – la Cour s’est penchée sur la question de savoir si une clause de licenciement comportant l’expression « sans motif » était inapplicable du fait qu’elle permettait un licenciement « à tout moment ».

Contrairement à la décision Baker, la juge Moore a explicitement établi que l’affaire Dufault était de nature différente et conclu que « la décision Dufault ne soutient pas la proposition selon laquelle les mots « à tout moment » dissociés de l’expression « seule discrétion » sont inappropriés dans un contrat de travail. Je ne crois pas que la présence de ces mots dans la clause de licenciement en l’espèce la rende incompatible avec la LNE et inapplicable ».

Même si la clause de licenciement a finalement été invalidée pour d’autres motifs, cette décision confirme que la simple présence de l’expression « à tout moment » dans une clause de licenciement n’a pas automatiquement pour effet de rendre la clause inapplicable.

De plus, la décision ne concerne pas Baker. Cependant, l’affaire Baker a été portée devant la Cour d’appel de l’Ontario, ce qui pourrait permettre de concilier ces décisions.

Li v. Wayfair Canada ULC., 2025 ONSC 2959 (« Li »)

Dans l’affaire Li, la clause de licenciement comportant l’expression « sans motif », qui avait été contestée, était non seulement censée autoriser le licenciement « à tout moment », mais également « pour n’importe quel motif ». Néanmoins, le juge Dow a établi que l’affaire Dufault était de nature différente et précisé que la clause de licenciement comportant l’expression « sans motif » dont était saisie la Cour indiquait clairement à plusieurs reprises que les paiements seraient effectués « conformément aux exigences » ou « en vertu » de la LNE, contrairement à l’affaire Dufault, où la clause de licenciement comportant l’expression « sans motif » « ne prévoyait pas tous les types de rémunérations, tels que la paie de vacances ou les congés de maladie ».

La Cour a également conclu – sans approfondir la question – que le libellé de la clause de licenciement dans Baker était différent et qu’une autre conclusion s’imposait de ce fait.

Wigdor v. Facebook Canada Ltd., 2025 ONSC 4051 (« Wigdor »)

Dans l’affaire Wigdor, le demandeur, un employé, a invoqué les affaires Dufault et Baker dans l’intention d’invalider les clauses restrictives contenues dans une série d’accords d’octroi d’unités d’actions restreintes (UAR). Les accords contenaient des clauses stipulant que les UAR seraient cédés au moment du licenciement même si le licenciement de l’employé était « ultérieurement considéré comme invalide ou illégal ».

L’employé a fait valoir que, puisque la LNE interdit les licenciements dans certaines circonstances, la clause restrictive devait être considérée comme nulle et non avenue, car elle visait à priver un employé d’une partie de ses droits à une indemnité, même en cas de licenciement illégal, et constituait par conséquent une tentative de contourner la LNE.

La juge Leiper a rejeté cet argument, estimant que les affaires Dufault et Baker concernaient des contrats de travail, et non des ententes de rémunération distinctes, et que les droits contractuels du demandeur étaient indépendants de toute mesure réparatoire à laquelle il aurait pu avoir droit en vertu de son contrat de travail, de la LNE ou de la common law.

Même si elle dépasse le cadre d’analyse du présent article, l’affaire Wigdor intéressera également les employeurs du fait que la Cour a déterminé que les UAR ne constituent pas des « salaires » ni des « avantages sociaux » en vertu de la LNE. La Cour a statué que, même si un employeur qui verse une indemnité tenant lieu de préavis de licenciement doit continuer à cotiser aux régimes d’avantages sociaux de l’employé (tels que l’assurance maladie, l’assurance dentaire et l’assurance vie) pendant le délai de préavis prévu par la loi, les employés n’ont pas droit à l’acquisition continue des avantages liés à la rémunération en actions, tels que les options d’achat d’actions ou les UAR, pendant ce délai.

Principaux points à retenir pour les employeurs

  • L’expression « à tout moment » non accompagnée de « seule discrétion » n’invalide pas forcément une clause de licenciement d’un contrat de travail.
  • Les clauses qui font expressément référence à plusieurs reprises à la LNE sont plus susceptibles d’être maintenues.
  • Dans certains cas, les tribunaux refuseront d’entendre une contestation assimilable à celle visée dans l’affaire Dufault soumise à l’encontre des ententes de rémunération en actions.
  • L’appel de l’affaire Baker qui sera entendu sous peu permettra d’obtenir d’autres précisions, et les employeurs devraient continuer d’ici là à suivre l’évolution du dossier et revoir leurs modèles.

Conclusion

Les décisions rendues dans les affaires Jones et Li confirment de façon satisfaisante que la présence de l’expression « à tout moment » n’a pas forcément pour effet d’entraîner l’inapplicabilité d’une clause de licenciement. En l’absence de l’expression « à tout moment », si l’entente prévoit clairement par ailleurs une intention de se conformer aux exigences de la LNE, une telle clause pourrait bien être applicable. Wigdor limite encore davantage la portée de l’affaire Dufault en refusant d’étendre le raisonnement de Dufault aux ententes de rémunération qui ne font pas partie du contrat de travail lui-même.

Il subsiste cependant une incertitude. Dans la décision rendue le 6 août 2025 dans l’affaire Chan v. NYX Capital Corp., la Cour a suivi les décisions Dufault et Baker qui statuaient qu’une clause visant à permettre un licenciement « à tout moment et pour quelque motif que ce soit » était inapplicable. La Cour n’a pas tenu compte des affaires Jones ou Li dans ses motifs.

L’appel en instance dans l’affaire Baker devrait apporter des éclaircissements supplémentaires sur ces questions et pourrait permettre de concilier les divergences dans la jurisprudence.

Les employeurs devraient revoir de façon proactive leurs contrats de travail et ententes de rémunération à la lumière de ces décisions récentes. Nous vous encourageons à communiquer avec un membre de l’équipe Droit du travail et droit de l’emploi de Miller Thomson si vous ou votre organisation avez des questions ou avez besoin d’aide pour mettre à jour les contrats de travail de votre organisation. Nous continuerons de surveiller la situation et fournirons de l’information à jour à ce sujet dès qu’elle sera disponible.