Livres et registres : politiques de conservation et meilleures pratiques pour les rapports avec l’ARC

20 octobre 2022 | Justin Ng

Dans une entreprise, une bonne tenue des livres comptables et des registres est essentielle en cas de vérification de l’Agence du revenu du Canada (« l’ARC »). Les contribuables doivent connaître leurs obligations de tenue de dossiers aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et de son règlement d’application (le « Règlement »), et le présent article vise à rappeler certaines particularités des exigences de conservation qui peuvent être méconnues.

Quels documents faut-il conserver?

La Loi et le Règlement obligent toute société à conserver les documents suivants pendant la période commençant à la date de sa constitution et se terminant deux ans après la date de sa dissolution :

  • les comptes rendus des réunions des administrateurs et des actionnaires de la société;
  • les registres relatifs aux actions;
  • le grand livre général;
  • les accords ou contrats nécessaires à la compréhension des inscriptions du grand livre général (collectivement, les « documents permanents»)[1].

L’ARC considère que les sociétés qui font l’objet d’une fusion doivent conserver leurs registres, car la nouvelle société est le prolongement de chaque société fusionnée[2]. Par contraste, toute entreprise non constituée en société, comme une entreprise individuelle ou une société de personnes, doit conserver ses documents permanents pendant six ans après le dernier jour de l’année d’imposition où l’entreprise a cessé d’exister[3].

Par ailleurs, le paragraphe 230(1) de la Loi oblige les entreprises à tenir, outre les documents permanents, des registres et des livres de comptes renfermant « les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi, ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues ». Une entreprise n’est donc pas tenue de conserver tous ses livres et ses registres, mais seulement ceux qui sont suffisants pour permettre au ministre du Revenu national (le « ministre ») de déterminer son revenu imposable et ses impôts à payer.

La règle de six ans et les exceptions

À première vue, la règle de conservation des documents paraît assez simple : les sociétés et les entreprises non constituées en société sont généralement tenues de conserver leurs documents se rapportant à leurs livres et à leurs registres (autres que les documents permanents) pendant les six ans qui suivent la fin de la dernière année d’imposition à laquelle les documents se rapportent (la « règle de six ans »)[4]. Malheureusement, la règle de six ans comporte certaines exceptions, et il existe des circonstances dans lesquelles l’ARC peut demander à un contribuable des livres et des registres débordant la période de conservation habituelle. En voici une liste non exhaustive :

i) Déclaration de revenus non transmise ou transmise en retard

Le ministre ne peut établir la cotisation d’un contribuable que si celui-ci a transmis une déclaration. Ainsi, tant qu’un contribuable ne transmet pas de déclaration de revenus, le délai de prescription applicable ne commence pas à courir en vertu des paragraphes 152(3.1) et 152(4) de la Loi. Si une déclaration est transmise en retard, la période de six ans commence à la date de transmission pour les livres et les registres se rapportant à l’année d’imposition en question. Conséquemment, si une entreprise ne transmet pas sa déclaration à temps, ses livres et ses registres pourraient faire l’objet d’une inspection couvrant une période plus longue que les six ans habituels.

ii) Documents pouvant servir à des déclarations futures

Il est toujours prudent de conserver des pièces justificatives se rapportant aux biens ou aux dépenses que le contribuable compte déclarer pour des années d’imposition à venir. Par exemple, tout document concernant le prix de base rajusté d’une immobilisation ou le report de pertes pourrait s’appliquer à des années d’imposition débordant largement la période de conservation de six ans. À cet égard, l’ARC considère que la période de conservation des dossiers est établie en fonction de la dernière année d’imposition où les registres peuvent être utiles en vertu de la Loi, et non en fonction de l’année où une certaine opération a été effectuée.[5] Par exemple, les registres ayant trait aux investissements à long terme comme l’acquisition d’immobilisations doivent être conservés pendant six ans à compter de la fin de la dernière année d’imposition où ils peuvent servir à effectuer des calculs aux fins de l’impôt sur le revenu.

iii) Vérifications provinciales

Les entreprises doivent aussi connaître les exigences de conservation des documents des autorités de leur province ou territoire, qui peuvent différer de la règle de six ans. Par exemple, le ministère des Finances de l’Ontario exige que les contribuables constitués en société conservent leurs livres et dossiers pendant sept ans plutôt que six[6]. Les contribuables sont encouragés à vérifier la période de conservation applicable à leur province ou territoire.

iv) Responsabilité des administrateurs

Le paragraphe 227(10) de la Loi permet au ministre d’établir une cotisation pour un administrateur de société si la société en question a omis de déduire et de verser des cotisations sociales et certaines sommes devant faire l’objet de retenues en vertu de la Partie XIII de la Loi. Dans un tel cas, la conservation des livres et des registres de la société pendant une période allant au-delà de la période habituelle pourrait éviter à l’administrateur d’être tenu personnellement responsable. À noter que l’ARC ne peut intenter d’action contre un administrateur si plus de deux ans se sont écoulés depuis la date à laquelle l’administrateur a cessé pour la dernière fois d’être un administrateur de la société et qu’il n’en est pas autrement un administrateur de fait[7].

v) Transactions avec des non-résidents

Les contribuables qui effectuent régulièrement des transactions avec des entités non résidentes doivent connaître leur obligation de retenir et de verser l’impôt payable en vertu de la Partie XIII relativement à certains paiements faits à des non-résidents. L’alinéa 227(10)d) de la Loi permet au ministre d’établir en tout temps une cotisation pour un montant payable en vertu de la Partie XIII de la Loi par une personne qui réside au Canada. Comme il n’existe pas de délai de prescription, rien dans la loi n’empêche le ministre d’établir une cotisation relativement à l’impôt payable en vertu de la Partie XIII, ce qui oblige le contribuable à conserver les livres et les registres pertinents au-delà de la période de conservation habituelle de six ans.

Meilleures pratiques

Malgré les exceptions à la période de conservation des dossiers décrites ci-dessus, les entreprises ont de bonnes raisons de ne pas conserver indéfiniment leurs livres et leurs registres. La Loi ne prescrit pas de norme uniforme à cet égard, et elle n’oblige pas non plus le contribuable à conserver tous les documents sans exception pour se conformer aux exigences relatives à la détermination de l’impôt. En conséquence, on peut généralement éliminer les dossiers désuets, les documents redondants et les versions provisoires de documents pour éviter des vérifications inutiles. À noter toutefois qu’un tel exercice périodique d’examen et d’élimination de documents superflus ne peut être entrepris si une vérification a commencé. Plus précisément, une fois que l’ARC fait une demande d’information au cours d’une vérification ou qu’elle émet une demande péremptoire, il est interdit au contribuable d’éliminer tout document auquel la vérification se rapporte[8].

Pour toute question ou pour en savoir plus sur les pratiques de conservation des dossiers les mieux adaptées à votre entreprise, n’hésitez pas à contacter un membre du groupe de la fiscalité des entreprises de Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.


[1] Alinéa 230(4)a) de la Loi; art. 5800 du Règlement.

[2] Agence du revenu du Canada, « IC78-10R5 – Conservation et destruction des registres comptables » (Juin 2010), par. 27.

[3] Alinéa 5800(1)c) du Règlement.

[4] Alinéa 230(4)b) de la Loi.

[5] IC78-10R5, supra, note 2, par. 29.

[6] Ministère des Finances de l’Ontario, « Conservation/destruction des livres et dossiers » (6 avril 2022), en ligne : <https://www.ontario.ca/fr/document/systeme-fiscal-de-lontario/conservationdestruction-des-livres-et-dossiers>

[7] Par. 227.1(4) de la Loi.

[8] IC78-10R5, supra, note 2, par. 28.

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