Sommaire

Le 15 juin 2023, la Cour supérieure du Québec rendait jugement dans l’affaire 9099-3593 Québec inc. (Inter-Projet) c. Ville de Saguenay[1] portant sur un litige entourant l’adjudication d’un contrat pour la reconstruction d’un mur de soutènement. Selon Inter-Projet, classé deuxième plus bas soumissionnaire, la Ville de Saguenay (« Ville ») aurait erré en octroyant le contrat au plus bas soumissionnaire, Paul Pedneault inc. (« PPI »), alors que la soumission de ce dernier était non conforme puisqu’il ne détenait pas la sous-catégorie de licence nécessaire à l’exécution de travaux électriques. Or, le tribunal a conclu que la détention de la sous-catégorie de licence pour les travaux électriques n’était pas obligatoire puisque les travaux électriques à réaliser étaient connexes à la reconstruction du mur de soutènement.

Faits

En août 2021, la Ville lance un appel d’offres pour la reconstruction d’un mur de soutènement dans l’arrondissement de Chicoutimi. Inter-Projet dépose une soumission qui s’avère la deuxième plus basse après celle de PPI. Inter‑Projet considère cependant que la soumission de PPI est non conforme puisque des travaux électriques d’alimentation temporaire des résidences et le déplacement de poteaux électriques sont prévus à même les plans et devis de génie civil, et que PPI ne détient pas la sous-catégorie de licence 1.7 nécessaire pour exécuter les travaux électriques visés par l’appel d’offres.

Jugement

La question centrale du litige était donc de déterminer si les travaux électriques annoncés aux documents d’appel d’offres étaient « connexes, nécessaires et sous-jacents » à la reconstruction du mur de soutènement ou si la sous-catégorie de licence 1.7 était nécessaire. Après une analyse approfondie, le tribunal a conclu que ces travaux étaient essentiels à la réalisation du projet. Les témoignages d’ingénieurs civils ont confirmé que le déplacement des poteaux électriques était indispensable pour mener à bien la refonte du mur. En effet, le déplacement des poteaux et les autres travaux d’électricité ne servaient à rien d’autre qu’à permettre la construction du mur de soutènement, qui nécessitait la livraison de matériaux à l’aide d’équipements ne pouvant fonctionner sans cette étape. Le tribunal a donc déterminé que les sous-catégories de licence détenues par PPI étaient suffisantes pour couvrir tout travail connexe. Il est également pertinent de souligner que, préférant se concentrer sur la connexité, le tribunal a rejeté l’argument voulant que les travaux électriques ne soient qu’accessoires au contrat, ne représentant que 0,5 % de la valeur totale des travaux.

Le Tribunal a également conclu que, même s’il y avait eu faute de la Ville, Inter-Projet n’avait pas réussi à présenter de preuves probantes de son profit anticipé sur le projet, et donc, de ses dommages. En effet, selon le tribunal, Inter-Projet s’est contentée de réclamer ce qu’elle espérait réaliser en y incluant son profit et ses frais d’administration, sans démonstration concrète de pertes réelles ou de profits réalisés sur des projets similaires.

Conclusion

Dans son jugement, le tribunal rappelle que l’évaluation de la connexité entre les divers travaux doit se faire au cas par cas. Cependant, il faut garder à l’esprit que la notion de travaux similaires ou connexes se veut souple afin de permettre aux entrepreneurs de faire exécuter les travaux qui présentent un lien étroit avec ceux compris dans leur sous‑catégorie de licence.

Cet article est paru dans l’édition du 17 août 2023 du journal Constructo.


[1] 2023 QCCS 2272