Introduction

Il est connu dans l’industrie de la construction que, pour exercer ses activités, un entrepreneur doit détenir la licence appropriée (ci-après « Licence RBQ ») émise par la Régie du bâtiment du Québec. La Loi sur le bâtiment[1], qui est d’ordre public, prévoit des conséquences pénales et civiles lorsqu’un entrepreneur exécute des travaux de construction sans Licence RBQ. Cet entrepreneur peut se voir imposer une amende[2] ou se faire ordonner de suspendre les travaux[3]. Le contrat qui intervient entre les parties peut également être annulé[4].

Le 20 janvier 2023, la Cour d’appel a rendu une décision qui rappelle les principes régissant la détention et l’utilisation desdites Licences RBQ dans le cadre d’un appel d’offres. Plus précisément, le tribunal réitère la portée de la notion de « travaux de construction similaires ou connexes ».

Faits

Dans l’affaire Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc.[5],  la ville de Québec (ci-après la « Ville ») octroie un contrat de construction au plus bas soumissionnaire à la suite d’un appel d’offres. L’entreprise P.E. Pageau inc. (ci-après « Pageau ») obtient donc le contrat. Les travaux englobent le prolongement d’une esplanade, l’aménagement de l’allée est-ouest et la construction d’une aire d’approvisionnement. Certains travaux d’électricité étaient également prévus au devis.

Aucun des documents de l’appel d’offres ne précisait les sous-catégories de licences requises pour la réalisation des travaux.

L’entreprise Paradis aménagement urbain inc. (ci-après « Paradis ») soutenait que la Ville aurait dû lui octroyer le contrat étant donné que la soumission de Pageau n’était pas conforme, car cette dernière entreprise ne détenait pas les Licences RBQ nécessaires pour l’exécution des travaux. Ensuite, Paradis décide de poursuivre la Ville pour perte de profits, car, à son avis, elle détenait les Licences RBQ appropriées de son côté et sa soumission était donc la plus basse soumission conforme.

Paradis reproche l’absence de la licence nommée sous-catégorie 1.3. Entrepreneur en bâtiments de tout genre (ci-après « Licence RBQ 1.3 ») à Pageau. Elle soutient que, pour être conforme, Pageau devait détenir les deux licences d’entrepreneur, soit la sous-catégorie de licence d’entrepreneur général 1.4.Entrepreneur en routes et canalisation (ci-après « Licence RBQ 1.4 ») et la Licence RBQ 1.3, et ce, au moment de soumissionner.

Ainsi, réduit à sa plus simple expression, l’argument de Paradis se résume au fait que la détention de la Licence RBQ 1.3 était requise au moment de soumissionner pour l’exécution des travaux d’électricité à l’intérieur du bâtiment et que Pageau ne détenait pas ladite Licence RBQ 1.3.

Informée des prétentions de Paradis, la Ville émet une directive annulant les travaux électriques à l’intérieur du bâtiment deux jours après le début des travaux. Le sous-traitant en électricité de Pageau prend en charge l’exécution desdits travaux.

En première instance, la Cour supérieure considère que la soumission de Pageau n’était pas conforme aux documents d’appel d’offres, car la Licence RBQ 1.3 était nécessaire pour pouvoir soumissionner. Selon la Cour supérieure, la Ville aurait dû accorder le contrat à Paradis puisque cette dernière avait déposé la plus basse soumission conforme.

Insatisfaite, la Ville porte cette décision en appel.

Cour d’appel 

La Cour d’appel s’interroge à savoir si les travaux d’électricité prévus dans le formulaire de soumission étaient des travaux de construction similaires ou connexes au sens du dernier alinéa de la sous-catégorie de Licence RBQ 1.4[6], car, si c’était le cas, Pageau était en droit de faire exécuter lesdits travaux par un sous-traitant.

Après avoir analysé les dispositions réglementaires et la jurisprudence, la Cour d’appel considère que Pageau avait l’autorisation de faire exécuter lesdits travaux sans détenir la Licence RBQ 1.3 en raison de sa Licence RBQ 1.4[7]. Selon la Cour d’appel, lesdits travaux étaient connexes et sous-jacents à ceux compris dans la sous-catégorie de Licence RBQ 1.4. Pageau pouvait donc faire exécuter lesdits travaux par un entrepreneur spécialisé.

Le tribunal réitère par ailleurs que la notion de travaux similaires ou connexes se veut souple afin de permettre aux entrepreneurs de faire exécuter les travaux qui présentent un lien étroit avec ceux compris dans la sous-catégorie de licence détenue par l’entrepreneur[8].

La Cour d’appel accueille ainsi l’appel.

Conclusion

Il demeure essentiel dans le cadre d’un appel d’offres de s’assurer de détenir les Licences RBQ appropriées et de ne pas oublier que certains travaux similaires et connexes peuvent parfois être inclus dans certaines sous-catégories des Licences RBQ. C’est la raison pour laquelle la maîtrise du sujet est indispensable. Il ressort par ailleurs de cette décision que la connexité demeure une affaire de degré et que chaque cas en sera un d’espèce[9].

Cet article est paru dans l’édition du 16 février 2023 du journal Constructo.


[1] Loi sur le bâtiment (RLRQ, c. B-1.1)

[2] Art. 197.1 Loi sur le bâtiment (RLRQ, c. B-1.1)

[3] Art. 124.1. Loi sur le bâtiment (RLRQ, c. B-1.1)

[4] Art. 50  Loi sur le bâtiment (RLRQ, c. B-1.1)

[5] Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc.,2023 QCCA63 (CanLII),

[6] Dernier alinéa de l’article 1.4 entrepreneur en routes et canalisation, Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires, chapitre B-1.1, r. 9

[7] Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc., préc. note 4, par. 39

[8] Id. par. 34

[9] Id. par. 34