Quel est le sujet en cause ?

On dit souvent que les bonnes clôtures font les bons voisins. Mais la vie en copropriété soulève une interrogation essentielle : où s’arrête votre partie privative, et où commencent les parties communes ? Cette délimitation est cruciale, car elle détermine qui du propriétaire ou de l’association condominiale est responsable des réparations et rénovations coûteuses.

Dans sa récente décision dans l’affaire Aubin c. Condominium Plan No 862 2917 (« Aubin ») la Cour d’appel de l’Alberta établit de nouveaux principes qui pourraient transformer des centaines de plans de copropriété à l’échelle de la province.

Quel est le fond de l’affaire Aubin ?

Cette affaire concerne la propriétaire d’une partie privative au rez-de-chaussée d’un immeuble de grande hauteur en copropriété. L’appartement était attenant au salon commun de l’immeuble utilisé, comme tout propriétaire pouvait s’y attendre, pour les réunions du syndicat des copropriétaires et les réceptions. 

En 2019, la copropriétaire a intenté des poursuites contre l’association condominiale, alléguant que l’association avait l’obligation d’améliorer l’isolation acoustique entre le salon commun et son appartement, situé de l’autre côté de la paroi. Selon le témoignage, la copropriétaire pouvait entendre le bruit provenant du salon lorsque celui-ci était utilisé, et ce bruit perturbait sa vie au quotidien.

Qu’entend-on par immeubles en copropriété sur le plan juridique ?

Les immeubles en copropriété peuvent prendre diverses formes : 

  • des immeubles de grande hauteur de type appartement ;
  • des entrepôts commerciaux ;
  • des maisons en rangée ;
  • des parcelles de terrain non aménagées.  

Les immeubles en copropriété ne se résument pas à un seul type de construction ni à une seule façon de vivre en collectivité. La copropriété constitue en réalité une forme de propriété dans un cadre de vie collectif. Il s’agit d’une construction juridique visant à permettre la propriété partagée de biens immobiliers. Grâce à cette construction, les propriétaires individuels sont propriétaires et responsables de leurs parties privatives. Comme tout propriétaire immobilier, les copropriétaires doivent assurer l’entretien de leur partie privative, respecter les règles et normes communautaires en vigueur et assumer la responsabilité des dommages qu’ils pourraient causer à leurs voisins. 

Les propriétaires d’une partie privative sont également proportionnellement propriétaires des parties communes de leur immeuble. L’« association condominiale » est l’organisme constitué en vertu de la loi lors de l’adoption d’un plan de copropriété à des fins de gestion de l’entretien des parties communes de l’ensemble des propriétaires. 

En effet, le contexte des immeubles en copropriété ajoute un degré supplémentaire de complexité, compte tenu des intérêts concurrents à équilibrer afin de permettre la coexistence pacifique et la propriété partagée. La responsabilité d’équilibrer les intérêts privés et communs des copropriétaires repose sur les épaules des membres élus du syndicat, qui ont généralement droit à une certaine déférence dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire dans la gestion de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, dans l’objectif espéré d’obtenir ce qu’il y a de mieux pour le plus grand nombre d’entre eux.[1] À cet égard, lorsqu’il examine la décision d’un syndicat de copropriétaires, le tribunal commence généralement par se demander si les administrateurs ont agi avec honnêteté et bonne foi et s’ils ont fait preuve de la prudence, de la diligence et de la compétence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercées dans des circonstances comparables.[2]

Quel était l’enjeu dans l’affaire Aubin ?

L’immeuble dont il est question dans l’affaire Aubin a été construit vers 1973. Ni l’association condominiale ni le propriétaire de la partie privative n’ont participé à la construction et à la conception du mur, et rien n’indiquait que la structure du mur était déficiente ou que le mur avait été rénové ou modifié depuis la construction de l’immeuble. La Cour devait déterminer qui du propriétaire ou de l’association condominiale était responsable du mur.

Précision des délimitations dans la Condominium Property Act

Il est important de clarifier les délimitations pour déterminer qui du propriétaire de la partie privative et de l’association condominiale est responsable de l’amélioration de l’acoustique qui, dans le cas qui nous occupe, ne répond pas aux normes du Code du bâtiment.

L’alinéa 8 (1) (f) de la Condominium Property Act (la « CPA ») de l’Alberta exige que les délimitations entre les parties privatives et les parties communes soient précisées dans les plans de copropriété. Comme les plans de copropriété sont rédigés par des arpenteurs-géomètres et non par des avocats, l’article 9 de la CPA fixe certaines délimitations par défaut, qui permettent de clarifier le cadre juridique régissant la séparation entre les parties privatives et les parties communes. Ce cadre ouvre la voie à une interprétation ciblée du plan de copropriété comparable à celle utilisée pour interpréter les documents municipaux et les lois en général.

À cet égard, les dispositions par défaut du paragraphe 9 (1) stipulent ce qui suit :

[TRADUCTION] 9 (1) Sous réserve de toute disposition contraire dans le plan de copropriété, si

  • a) les délimitations d’une partie privative sont définies par renvoi à un plancher, un mur ou un plafond, ou
  • b) l’un des murs situés à l’intérieur d’une partie privative est un mur porteur,

la seule partie de ce plancher, mur ou plafond, le cas échéant, qui se trouve dans la partie privative est tout matériau de finition à l’intérieur de celle-ci, notamment les lattes, les plâtres, les panneaux de lambrissage, les plaques de parement en plâtre, les revêtements de plancher ou autres matériaux fixés, posés, collés ou appliqués sur le plancher, le mur ou le plafond, le cas échéant.

Par conséquent, du fait de l’application automatique des dispositions par défaut de l’article 9, les parois sèches à l’intérieur d’une partie privative sont comprises dans la partie privative du propriétaire, tandis que les montants intérieurs et la structure du bâtiment sont des parties communes. Ces précisions rompent avec l’interprétation antérieure, qui situait la délimitation au centre des surfaces partagées (plancher, mur ou plafond) et faisait en sorte que les propriétaires individuels demeuraient responsables, en partie, de certains éléments structuraux situés à l’intérieur de ces composantes et au-delà des finitions de surface.  

Dans l’affaire Aubin, la disposition du plan de copropriété exigée en vertu de l’alinéa 8 (1) f) était libellée comme suit :

La délimitation de toute partie privative par rapport aux parties communes est la surface intérieure non décorée du plancher, du mur ou du plafond de la partie privative, le cas échéant.

Les personnes qui ont l’habitude de lire des documents portant sur des immeubles en copropriété savent qu’il s’agit d’une disposition courante en Alberta et qu’elle est en quelque sorte une norme établie pour de nombreux experts qui rédigent des plans de copropriété.[3]Il convient également de noter que cette formulation n’est pas le libellé exact de l’article 9. À cet égard, la Cour souligne ce qui suit :

  • [31]        … le plan de copropriété stipule les délimitations des parties privatives de manière assez détaillée pour l’emporter sur les dispositions par défaut du paragraphe 9 (1). Le plan de copropriété prévoit que [TRADUCTION] « la délimitation de toute partie privative avec les parties communes est la surface intérieure non décorée du plancher, du mur ou du plafond de la partie privative, le cas échéant » [nos italiques]. Ce libellé diffère de la description des délimitations des parties privatives prévue au paragraphe 9 (1), qui précise [TRADUCTION] « les matériaux de finition à l’intérieur de la partie privative, y compris les lattes, les plâtres, les panneaux de lambrissage, les plaques de parement en plâtre, les panneaux séparateurs, les matériaux de revêtement de plancher ou autres matériaux fixés, posés, collés ou appliqués au plancher, aux murs ou au plafond, le cas échéant » [nos italiques].
  • [32] Le libellé de chacune des dispositions présente des différences importantes. Les dispositions par défaut du paragraphe 9 (1) portent sur les matériaux de finition, notamment les parois sèches, comme faisant partie de la partie privative, mais le plan de copropriété ne porte que sur les éléments décoratifs de ces matériaux de finition, par exemple la peinture ou le papier peint, comme faisant partie de la partie privative. Il n’y a aucune ambiguïté. Les dispositions sont claires et leur signification est évidente. Dans le cas qui nous occupe, l’intégralité du mur faisant office de séparation entre le salon et la partie privative de l’appelant, à l’exception de tout élément décoratif sur la surface de ladite partie privative, est comprise dans les parties communes, et l’intimé en est responsable.

Dans sa conclusion, la Cour d’appel a constaté une distinction fondamentale entre le libellé du plan de copropriété et les dispositions par défaut du paragraphe 9 (1). Au regard du texte et des caractéristiques particulières du plan de copropriété par rapport aux dispositions par défaut de la loi, la Cour a estimé que cette différence de formulation revêtait une importance particulière, puisque les dispositions du plan différaient de celles de la loi simplement du fait de ce libellé distinct. 

Décision de la Cour dans l’affaire Aubin

Dans l’affaire Aubin, l’expression « surface intérieure non décorée » a été utilisée dans le plan de copropriété alors que l’expression « surface intérieure non finie » est utilisée dans la CPA. La Cour a statué que cette subtile différence signifiait que le mur dans son intégralité, y compris la paroi sèche, était une partie commune. En d’autres termes, l’association condominiale en était responsable, et non le propriétaire. Compte tenu du libellé généralisé présent dans le plan de copropriété en cause, il est à prévoir que cette distinction sera faite dans les plans de copropriété de centaines d’immeubles en copropriété en Alberta. 

Possibles répercussions juridiques pour les propriétaires et les administrateurs d’immeubles en copropriété

La Cour d’appel semble être parvenue à cette conclusion en appliquant les principes d’interprétation des lois aux notes figurant dans le plan, soulignant que l’interprétation des plans de copropriété est un exercice comparable à l’interprétation des lois. Plus précisément, un plan de copropriété doit être interprété selon les principes suivants :

  • dans son contexte global ;
  • dans son sens grammatical et ordinaire ;
  • en cohérence avec l’objectif de la CPA et l’intention du législateur.[4] 

Application de la doctrine du raisonnement par l’absurde

En matière d’interprétation des dispositions législatives, la Cour suprême du Canada s’appuie également sur la doctrine du raisonnement par l’absurde, selon lequel l’interprétation littérale de la formulation législative [TRADUCTION] « peut être considérée comme absurde si elle conduit à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’intention recherchée par le texte législatif ».[5] 

Outre la doctrine du raisonnement par l’absurde, la Cour suprême a également souligné que l’interprétation des lois doit toujours se faire en tenant compte du libellé, du contexte et de l’intention recherchée par le texte législatif, rappelant aux tribunaux de première instance que l’interprétation des lois est centrée sur l’intention du législateur au moment de l’adoption de la loi et que les tribunaux sont tenus de faire en sorte que cette intention prenne effet.[6] Les interprétations qui respectent l’intention recherchée par le texte législatif ou qui la favorisent doivent être adoptées, tandis que celles qui vont à l’encontre de ce but ou qui le compromettent doivent être évitées. Ce processus peut également être qualifié de « méthode pragmatique » d’interprétation, qui repose sur la prise en compte des effets d’une loi ou des effets découlant d’une interprétation particulière de celle-ci.[7] En d’autres termes, les tribunaux visent une interprétation pragmatique des dispositions en tenant compte des effets concrets de toute interprétation concurrente.

Qu’en est-il des documents d’urbanisme municipaux ?

Les plans de copropriété sont souvent comparés aux documents d’urbanisme municipaux pour les raisons suivantes :

  • ces deux documents sont rédigés par des personnes qui ne font pas partie du milieu juridique (arpenteurs-géomètres, urbanistes), mais ils lient les propriétaires fonciers ;
  • ces deux documents doivent être interprétés en tenant compte de l’intention recherchée par la loi et en cohérence avec l’ensemble ;
  • les tribunaux reconnaissent l’autorité des instances et des commissions locales dans l’application de ces documents.

Cette analogie renforce le point de vue des tribunaux selon lequel les plans de copropriété, tout comme les règlements en matière de zonage, sont des textes réglementaires subordonnés appelant à une interprétation prudente.[8] À cet égard, la Cour d’appel a reconnu que les documents d’urbanisme ne sont ni rédigés par des avocats ni destinés à être administrés par des avocats. En effet, ils sont préparés par des arpenteurs-géomètres et des urbanistes municipaux à l’intention des autorités locales et des organismes administratifs spécialisés, qui ont un rôle décisionnel à jouer dans l’interprétation et l’application de leurs propres documents d’urbanisme.[9]

Les plans de copropriété, tout comme les documents d’urbanisme municipaux au sens large, sont comparables à des textes réglementaires subordonnés adoptés en vertu de la CPA et conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés à l’égard de toute parcelle spécifique de terrain détenue en copropriété. Dans leur interprétation de ces textes réglementaires subordonnés, les tribunaux doivent également tenir compte du contexte législatif plus large qui sous-tend le principe et interpréter les formulations de manière à maximiser l’intention recherchée par les dispositions connexes et d’éviter toute contradiction interne susceptible de rendre d’autres dispositions dépourvues de sens.[10]

Qu’est-ce qui explique que l’arrêt Aubin semble en contradiction avec la loi antérieure ?

Sous cet angle et compte tenu des principes d’interprétation applicables, il est difficile de ne pas voir le décalage entre l’arrêt Aubin et les dispositions des articles 8 et 9 de la CPA. 

Conformément aux dispositions de l’alinéa 8 (1) f), chaque plan de copropriété doit stipuler les délimitations entre les parties privatives et les parties communes. 

L’article 9 de la CPA prévoit certaines délimitations par défaut pour faciliter l’interprétation des plans de copropriété, sachant qu’ils sont rédigés par des arpenteurs-géomètres et non par des avocats. 

Au regard de la décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Aubin, si les plans de copropriété doivent être interprétés au sens littéral sans aucune intention recherchée par les dispositions par défaut de la loi, étant donné que chaque plan de copropriété doit stipuler spécifiquement les délimitations entre les parties privatives et les parties communes. Il est difficile donc de cerner quelle pourrait être l’intention recherchée par les dispositions par défaut de la loi dans le contexte exact de l’article 9. 

Le risque est que les dispositions de l’article 9 soient dépourvues de sens à la suite de l’interprétation d’un document subordonné.   Ici aussi, cette conclusion semble quelque peu en contradiction avec la méthode d’interprétation que la Cour appliquait jusqu’ici à l’article 9 et aux plans de copropriété. 

Par exemple, dans l’affaire Alberta Residential Corporation c. Certain Lloyd’s Underwriters, la Cour d’appel a statué sur une question semblable concernant un libellé généralisé tout aussi répandu dans les plans de copropriété que celui visé dans l’affaire Aubin. Toutefois, dans l’arrêt Lloyd’s Underwriters, la Cour a rejeté l’argument de la compagnie d’assurances selon lequel l’expression « surface non décorée » (libellé du plan de copropriété) et l’expression « surface non finie » (libellé de l’article 9) n’avaient eu aucune différence importante pour les éléments constitutifs de la partie privative que la compagnie d’assurances était tenue de réparer dans le cadre de la police d’assurance. 

Même s’il ne s’agit pas spécifiquement d’une cause d’assurance et si le litige dans l’affaire Lloyd’s Underwriters porte sur la définition d’une partie privative plutôt que sur ses délimitations exactes, l’affaire Aubin est quelque peu en contradiction avec la manière dont la Cour avait jusque-là interprété ces questions.

La Cour a-t-elle fait intervenir des principes d’équité dans son raisonnement ?

Oui. L’autre aspect de la décision Aubin qui mérite d’être souligné est l’application des principes d’équité dans l’interprétation des documents techniques d’urbanisme et la répartition plus large des obligations de réparation et d’entretien. 

Dans l’affaire Aubin, la Cour d’appel a estimé que le simple fait que le syndicat traite un copropriétaire comme les autres au regard des règlements, sans viser un propriétaire en particulier, ne suffit pas. Les syndicats des copropriétaires doivent également faire preuve d’équité et tenir compte équitablement des préoccupations exprimées par chaque propriétaire, y compris des circonstances particulières concernant la partie privative d’un propriétaire.[11]

Cette situation est d’autant plus inhabituelle que la Cour d’appel a, dans ses décisions de principe, conclu que les principes d’équité ne trouvent pas application dans l’interprétation et la mise en œuvre des documents techniques relatifs aux copropriétés. Ceci marque un tournant pour les raisons suivantes :

  • Dans le passé, les tribunaux ne disposaient pas du pouvoir d’imposer ce qu’ils estimaient équitable, au cas par cas, dans un immeuble en copropriété ;
  • La CPA est conçue pour offrir à la fois sécurité et équité, en assurant que tous les copropriétaires puissent compter sur une répartition fiable des droits et responsabilités au sein d’un syndicat de copropriétaires, sans égard aux caprices du syndicat des copropriétaires ou à sa vision de tout autre aspect en matière d’équité.[12]

Les choix que font les gens et les prix qu’ils paient lorsqu’ils achètent une propriété comportent inévitablement une comparaison des différences entre les biens immobiliers acquis. Par exemple, les propriétaires qui achètent une partie privative moins prisée ne peuvent pas exiger que les autres copropriétaires mettent en commun leurs ressources pour y apporter des améliorations, alors qu’eux-mêmes n’ont pas payé pour cette valeur ajoutée. Ce principe s’applique aussi bien à l’achat de logements en copropriété que de tout autre bien immobilier. L’application de principes d’équité, non seulement dans les décisions discrétionnaires, mais également dans l’exécution des exigences techniques et strictes relatives à l’entretien des biens immobiliers, devra probablement être clarifiée par les tribunaux, compte tenu des ressources limitées des associations condominiales et de la nécessité de concilier les intérêts de tous les copropriétaires.  

Prochaines étapes pour les copropriétaires et les administrateurs à la suite de l’arrêt Aubin

Tant que les tribunaux n’auront pas précisé le lien entre les délimitations par défaut prévues par la loi et les notes figurant dans les plans de copropriété (obligatoires dans tous les plans de copropriété), les délimitations prévues à l’article 9 auront si peu d’effet pratique qu’elles seront pratiquement dépourvues de sens, car chaque plan de copropriété doit indiquer spécifiquement les délimitations des parties privatives.[13] Comme les plans de copropriété sont rédigés par des arpenteurs-géomètres, par nature, ces documents présentent inévitablement des variations dans la formulation des notes concernant les délimitations des parties privatives. 

D’après l’arrêt Aubin, il semble que le libellé littéral des plans de copropriété aura préséance, et que toute formulation s’écartant des dispositions par défaut de la loi (ce qui est presque inévitable) sera perçue comme une intention de modifier les dispositions par défaut. 

Incidence concrète de cette décision :

  • Élargissement des parties communes : de nombreux éléments auparavant attribués aux propriétaires relèvent désormais de la responsabilité de l’association condominiale.
  • Incertitude quant aux délimitations prévues par la loi : les dispositions par défaut de la CPA ne trouvent pas application lorsque le plan de copropriété adopte un libellé distinct. Dans ce cas, la formulation du plan de copropriété prévaut.
  • Reclassification des finitions des parties privatives : les éléments intérieurs, tels que les cloisons sèches, les finitions des plafonds (p. ex., les plafonds texturés) et les revêtements de plancher non décoratifs (p. ex., les revêtements d’insonorisation) doivent désormais être traités comme des parties communes lorsque les plans de copropriété contiennent un libellé semblable à celui utilisé dans l’affaire Aubin. 
  • Traitement équitable : la Cour a clairement statué que, dans l’interprétation et l’application de leurs propres plans de copropriété et des responsabilités partagées entre les propriétaires et les associations condominiales, même si ces documents s’appliquent largement à l’ensemble des copropriétaires, les syndicats de copropriété doivent veiller à ce que les propriétaires soient traités individuellement de manière équitable, et qu’ils ne soient pas uniquement assujettis au principe d’égalité prévu dans les plans de copropriété et les règlements administratifs. 

Les associations condominiales sont tenues d’assurer l’entretien des parties communes, ainsi que d’enquêter sur tout manquement et d’y remédier. Dans l’exercice de leurs obligations d’entretien, les associations condominiales et les syndicats des copropriétaires doivent traiter chaque propriétaire de manière équitable, en tenant compte de ses intérêts propres et potentiellement divergents.   L’application des règles de manière égale à tous les propriétaires n’est désormais plus suffisante. 

Dans l’accomplissement de leurs obligations d’entretien des parties communes et de traitement équitable des copropriétaires selon les plans de copropriété et les règlements administratifs, les syndicats des copropriétaires doivent garder à l’esprit que l’étendue des parties communes dont ils sont responsables n’est pas toujours évidente et qu’ils doivent traiter équitablement chaque demande ou plainte d’un copropriétaire tout en recherchant activement une résolution. À la lumière des conclusions de l’arrêt Aubin, les syndicats des copropriétaires ont intérêt à examiner attentivement leur plan de copropriété afin de vérifier si certaines parties communes ne sont pas plus étendues que ce qui avait été estimé à la première lecture.   

Conclusion

Le droit de la copropriété évolue et les responsabilités des propriétaires et des syndicats de copropriétaires changent. L’affaire Aubin a permis de préciser et d’étendre ce qui relève des parties communes, tout en augmentant les responsabilités des associations condominiales. 

N’attendez pas qu’un litige survienne. Si vous êtes membre d’un syndicat de copropriétaires, gestionnaire d’immeuble ou copropriétaire, notre équipe Copropriétés peut vous guider dans l’interprétation de votre plan de copropriété, vous aider à préciser les responsabilités et vous accompagner dans la gestion efficace des litiges.

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[1] 934859 Alberta Inc. c. Condominium Corporation n0312180, 2007 ABQB 640 aux paragraphes 54-55 ; Anderson c. Owners: condominium plan n99SA34021, 2010 SKQB 53, aux paragraphes 23-24 ; Maverick Equities Inc. c. Condominium Plan no 942 2336, 2010 ABQB 179, paragraphes 44 à 46; Condominium Corporation no 0723447 c. Anders, 2016 ABQB 656, paragraphe 31.

[2] 3716724 Canada Inc. c. Carleton Condominium Corporation n375, 2016 ONCA 650, paragrahe 53.

Vou à titre d’exemple la décision Alberta Residential Corporation c. Certain Lloyd’s Underwriters, 2015 ABCA 195, dans le cadre de laquelle la Cour d’appel de l’Alberta a traité une demande d’indemnisation portant sur le même libellé du plan de copropriété que celui dont il est question dans l’affaire Aubin.

[4] Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 SCR 27, au paragraphe 21.

[5] Ibid au paragraphe 27.

[6] Telus Communications Inc. c. Federation of Canadian Municipalities, 2025 SCC 15, paragraphe 32.

[7] Paragon Capital Corporation Ltd c. Starke Dominion Ltd, 2020 ABCA 216, paragraphes 37 à 41, citant Pierre-Andre Côté dans son texte « The Interpretation of Legislation in Canada », 4e édition (Carswell, 2011) à la page 469.

[8] Rossdale Community League c. Edmonton (City), 2017 ABCA 90, au paragraphe 11.

[9] McCauley Community League c. Edmonton (City), 2012 ABCA 314, aux paragraphes 28 et 32.

[10] Christenson c. Kelly, 2025 ABKB 157, paragraphe 51, citant Cameron Hutchison, The Modern Principle of Statutory Interpretation, 2e édition (Toronto : LexisNexis, 2022), page 70 et Ruth Sullivan & Elmer A Driedger, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4édition (Markham, ON : Butterworths, 2002), page 149-50.

[11]Aubin, supra, note 5, paragraphe 38.

[12] Condominium Plan No. 8222909 c. Francis, 2003 ABCA 234, paragraphe 32.

[13] L’article 9 contient des dispositions particulières concernant les portes et les fenêtres. Toutefois, ces points n’ont pas été abordés dans l’arrêt Aubin, puisque ce litige portait spécifiquement sur un mur. Il faudra voir si cet arrêt aura une incidence sur les portes et les fenêtres.