La Cour supérieure rappelle les critères applicables dans le cadre d’une demande de nomination de séquestre contestée.

2 juillet 2015

Le 11 décembre 2012, Groupe Arsenault inc. («Groupe Arsenault») et 9089-1557 Québec inc. concluent une convention de crédit avec Callidus Capital Corporation («Callidus») aux termes de laquelle Callidus leur consent des crédits d’opération.

Le même jour, Groupe Arsenault, 9098-1557 Québec inc., 9148-7090 Québec inc. et Jacques Arsenault Asphalte inc. («JAA»), les débitrices, consentent une hypothèque de 10 000 000 $ grevant l’universalité de leurs biens meubles, présents et futurs, ainsi que trois (3) immeubles.

Au cours de l’hiver 2013-2014, Callidus réduit progressivement son appui financier à Groupe Arsenault qui commence à éprouver des problèmes de liquidités et qui n’est plus en mesure de respecter ses conditions de financement.

Le 12 août 2014, afin de pouvoir poursuivre ses activités et sa recherche de financement, Groupe Arsenault dépose un avis d’intention de faire une proposition en vertu de l’article 50.4(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité («LFI») et le Syndic Belhumeur est nommé en qualité de syndic.

Le même jour, la Cour supérieure accueille la requête de Groupe Arsenault pour nomination d’un séquestre intérimaire en vertu des articles 47.1 et suivants LFI à l’égard des ses biens.

Le 22 août 2014, 9148-7090 Québec inc. et JAA déposent à leur tour des avis d’intention de faire une proposition.

Le 12 février 2015, suite au financement de deux prêteurs privés, les débitrices déposent une proposition concordataire précisant qu’aucune proposition n’est alors faite à Callidus avec qui les débitrices tenteront de s’entendre suite à un financement subséquent.

Le 23 février 2015, alors que le Groupe Arsenault lui doit une somme de 5 002 974 $, Callidus fait signifier au syndic, à Groupe Arsenault ainsi qu’aux clients principaux de cette dernière des avis de retrait d’autorisation de percevoir les créances publiés en date du 24 février 2015.

Le 24 février 2015, les débitrices déposent une proposition concordataire amendée laquelle prévoit notamment qu’une somme de 2 550 00 $ (bien que le montant de 2 550 00 $ soit indiqué au jugement suite à une erreur cléricale, le juste montant est sans doute de 2 550 000 $) sera versée à Callidus afin de la désintéresser.

Le 25 février 2015, Callidus refuse la proposition amendée du 24 février 2015 et fait savoir son intention de voter contre son approbation lors de l’assemblée des créanciers prévues le 6 mars 2015.

Ainsi, les débitrices contestent la requête en nomination d’un séquestre déposée par Callidus, puisque selon elles, (1) la proposition concordataire du 24 février 2015 empêcherait Callidus de réaliser ses garanties, (2) Callidus ne leur a signifier aucun préavis d’exercice d’un droit hypothécaire suivant les règles prévues au Code civil du Québec («C.c.Q.»), et que (3) les avis de retrait d’autorisation de percevoir les créances de Callidus sont abusifs.

En ce qui concerne le premier motif d’irrecevabilité des débitrices, le Tribunal évoque le paragraphe 69.1(5) LFI selon lequel un créancier garanti a le droit de réaliser sa garantie s’il n’est pas visé par la proposition concordataire de la personne insolvable l’ayant déposée.

Malgré le fait que les débitrices aient amendé la proposition en date du 24 février 2015, le droit de Callius de réaliser ses garanties se serait cristallisé au dépôt de la proposition du 12 février 2015 puisque celle-ci ne visait pas Callidus. Ainsi, Callidus était en droit de signifier des avis de retrait d’autorisation de percevoir les créances conformément à l’article 2745 C.c.Q. et n’avait pas l’obligation de donner un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire puisque les règles du C.c.Q. concernant l’exercice des droits hypothécaires ne s’appliquent pas à l’avis de retrait d’autorisation de percevoir les créances.

Relativement au second motif d’irrecevabilité des débitrices, le Tribunal évoque l’article 244(3) LFI pour en venir à la conclusion que Callidus n’avait aucune obligation de donner un préavis de dix (10) jours aux débitrices puisqu’elle était en droit d’exécuter ses garanties en vertu du paragraphe 69.1(5) LFI.

Pour ce qui est du troisième motif d’irrecevabilité des débitrices, le Tribunal conclut que Callidus ne pouvait avoir agi de façon abusive dans les circonstances puisqu’elle a consenti au délai des débitrices pour leur permettre de trouver le financement nécessaire pour la désintéresser et qu’elle a attendu jusqu’au 23 février 2015 pour faire signifier ses avis de retrait d’autorisation de percevoir les créances alors qu’elle aurait pu s’exécuter dès le 12 février 2015.

Afin de déterminer s’il doit accueillir la requête de Callius, le Tribunal rappelle que le paragraphe 243(1) LFI lui permet, sur demande d’un créancier garanti, de nommer un séquestre qu’il habilite à prendre diverses mesures qu’il estime indiquées, s’il est convaincu que cela est juste et opportun.

L’honorable juge Bolduc rappelle les facteurs que le Tribunal doit considérer dans le cadre de son exercice discrétionnaire:

(a)      l’existence d’un risque sérieux de dommages irréparables en l’absence de l’ordonnance recherchée;

(b)      la nature des biens dont on demande la possession;

(c)      la valeur des actifs;

(d)      les mesures de protection devant être envisagées face aux actifs;

(e)      les conséquences de l’ordonnance recherchée ou de l’absence d’une telle ordonnance sur le débiteur, le   créancier, les autres créanciers et les autres parties ou intervenants concernés par les biens;

(f)       la façon dont les parties se sont conduites;

(g)      la meilleure solution pour la protection des biens et leur disposition ou liquidation éventuelle;

(h)      les coûts envisagés;

(i)        la prépondérance des inconvénients pour les parties.

Puisque les débitrices ont échoué à trouver le financement nécessaire afin de désintéresser Callidus, que la situation financière des débitrices ne fait que se dégrader et que les débitrices feraient faillite le 6 mars 2015, date à laquelle Callidus voterait contre la proposition concordataire, le Tribunal est d’avis qu’il est juste et opportun d’accueillir la requête de Callidus.

De plus, les requêtes de bene esse pour directives et ordonnances diverses ainsi que pour l’octroi d’une charge d’administration en vertu de l’article 64.2 LFI des débitrices ne sont pas accueillies par le Tribunal.

De l’avis du Tribunal, les sommes perçues par le syndic et déposées dans un compte bancaire suite à la publication de l’avis de retrait appartiennent dès lors à la créancière garantie.

Malgré les pouvoirs de contrôler les recettes et déboursés du séquestre, l’ordonnance du 12 août 2014 dans laquelle le Syndic Belhumeur a été nommé ne peut affecter le droit de Callidus de réaliser ses garanties depuis le 12 février 2015 suivant le paragraphe 69.1(5) LFI.

Finalement, le Tribunal est convaincu qu’il serait inéquitable d’accorder une charge administrative aux débitrices en raison des paragraphes 64.2(1) et (2) étant donné que leur demande ait été présentée à la fin du processus d’avis d’intention de faire une proposition.

Groupe Arsenault Inc. (Avis d’intention de), 2015 QCCS 898 (4 mars 2015);

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