La Cour supérieure de justice de l’Ontario se prononce en faveur d’un conseiller municipal dans une affaire de conflit d’intérêts

9 décembre 2020

2020 ONSC 7361

Dans une décision rendue le 9 décembre 2020, l’honorable juge C.D. Braid de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté une requête introduite par Michael Yorke, Joel Neville et James Andres (les « requérants »), en leur nom et au nom de tous les autres membres du United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America faisant partie du Carpenters’ District Council of Ontario (le « syndicat des charpentiers »), qui alléguaient que Michael Harris (l’« intimé »), conseiller de la municipalité régionale de Waterloo (la « région »), avait agi en violation de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux (la « LCIM »).

En 2019, l’intimé a présenté une résolution au conseil régional (la « résolution ») visant à appuyer et à encourager le gouvernement provincial à adopter des modifications proposées à la Loi de 1995 sur les relations de travail. Les modifications devaient avoir pour effet de mettre fin aux droits de négociation exclusifs du syndicat des charpentiers avec la région en ce qui concerne les charpentiers de construction et les apprentis charpentiers employés par la région et devaient ainsi permettre aux membres d’autres organisations de soumissionner sur les projets de construction de la région, dont la Christian Labour Association of Canada (la « CLAC »), un syndicat qui employait l’épouse de l’intimé. En raison de l’emploi de son épouse, les requérants ont affirmé que l’intimé avait omis de déclarer son intérêt pécuniaire dans la résolution et qu’il ne s’était pas abstenu de voter sur la résolution ou d’encourager les autres à l’appuyer, et qu’il avait ainsi violé la LCIM.

Bien que la Cour ait reconnu que les requérants avaient qualité pour représenter le syndicat des charpentiers en tant que demandeurs, elle a conclu qu’ils avaient soumis leur demande plus de six semaines après avoir pris connaissance des violations alléguées, ce qui va à l’encontre de l’article 8(2) de la LCIM, qui impose un délai strict dans le but de protéger les élus en veillant à ce que les demandes soient présentées en temps opportun. Étant donné que les requérants n’ont pas pu présenter de preuve quant au moment où ils ont pris connaissance des violations alléguées, ils n’ont pas pu s’acquitter de leur fardeau initial consistant à démontrer que leur demande avait été présentée en temps opportun, soit dans le délai requis de six semaines. La Cour a donc donné raison à l’intimé et conclu que les requérants n’avaient pas satisfait à la condition préalable de la LCIM.

La Cour s’est néanmoins penchée sur la question de savoir si le conseiller Harris pourrait être considéré comme ayant un intérêt pécuniaire indirect dans la résolution. Les articles 2 et 3 de la LCIM prévoient que l’intérêt pécuniaire indirect de l’épouse de l’intimé est réputé être également l’intérêt pécuniaire de l’intimé lui-même. L’épouse de l’intimé aurait un intérêt pécuniaire indirect dans toute affaire si elle est employée par un organisme qui a un intérêt pécuniaire dans l’affaire en question. Après avoir examiné les faits, la Cour a conclu que la CLAC n’avait pas d’intérêt pécuniaire dans la résolution. Cette conclusion s’explique notamment par le fait que l’intimé n’avait aucun contrôle sur l’adoption du projet de loi et que, par conséquent, la résolution elle-même ne pouvait pas créer d’intérêt pécuniaire. La Cour a également conclu que l’intérêt pécuniaire, si un tel intérêt existait, était conditionnel à la réalisation d’autres faits, et que l’intérêt de la CLAC dans la résolution était en fin de compte trop hypothétique et éloigné pour être considéré comme un intérêt réel et définissable.

La Cour a donc statué que l’intimé ne faisait l’objet d’aucun conflit d’intérêts et elle a rejeté la demande.

Eric Davis et Trenton Johnson (droit municipal et litige en matière civile) de Miller Thomson ont représenté l’intimé qui a obtenu gain de cause dans le cadre de cette poursuite.