Projets domiciliaires : vos contrats préachats sont-ils complets ?

1 février 2014 | Anik Pierre-Louis | Montréal

Journal Constructo – 6 février 2014

La vente d’unités domiciliaires « à construire » est chose courante dans le marché immobilier. Les promoteurs prévoient normalement qu’un prix doit être versé par acomptes successifs au fil des diverses étapes de construction réalisées, jusqu’au jour de livraison du projet. De tels contrats dits « contrats préliminaires » doivent comprendre certaines informations déterminées par la loi. Sans toute l’information, le contrat préachat est nul et les avances versées doivent être remboursées. Examinons un cas récent où la Cour supérieur a annulé une promesse d’achat au motif principal que la date de livraison de la construction n’y était pas précisément spécifiée. [1]

Les faits

Au printemps 2007, Monsieur et Madame Dale, d’origine britannique, décident d’investir dans le marché immobilier québécois. Plus précisément, ils s’intéressent au projet domiciliaire Cap Tremblant dont la réalisation est pilotée par Intersite Real Estate Development Corporation (« Intersite »).

Les Dale reçoivent une promesse d’achat préparée par le promoteur Intersite. Ce contrat prévoit l’achat de l’unité Pissaro 2, sise dans le Manoir Brenay, à Mont-Tremblant. Le prix d’achat prévu s’élève à 330 000 $, payable en acomptes successifs, au fil de la réalisation de la construction. Le dernier paiement doit se faire à la date de clôture, qui elle ne peut avoir lieu avant le mois de mai 2008. De plus, la clôture ne peut avoir lieu avant que l’architecte du projet n’émettre une attestation à l’effet que la construction de la résidence achetée est substantiellement complétée. Mis à part ces restrictions, la promesse d’achat stipule que le vendeur Intersite peut décider de la date et de l’heure de la clôture, à sa seule discrétion. Satisfait des représentations qui leur sont faites, les Dale signent la promesse d’achat en 2007 et procèdent postérieurement aux versements des acomptes successifs, jusqu’à un montant totalisant 64 960 $.

Or, en mars 2008, le projet stagne et l’unité n’est toujours pas érigée sur ses fondations. En juillet 2008, Intersite informe les Dale que le seuil minimal des ventes du projet n’est pas atteint, ce qui empêche la poursuite de la construction. C’est la première fois qu’ils sont mis au courant de cette condition pourtant majeure. Le grave ralentissement économique vécu à partir de 2008 laisserait les Dale à la merci de ventes qui ne se produiraient vraisemblablement jamais. Ils décident donc que s’adresser à la Cour pour demander la nullité de leur promesse d’achat et le remboursement de leur acompte, en plus de réclamer des dommages pour les inconvénients subis.

La décision 

Le Tribunal leur donne gain de cause pour deux motifs qui justifient l’annulation du contrat. Le premier est fondé sur l’absence de date précise de livraison qu’aurait dû comprendre la promesse d’achat. Le second sanctionne le manquement d’Intersite à dévoiler un fait important aux Dale, soit l’atteinte du seuil minimal des ventes pour poursuivre la construction de l’unité. Voyons plus en détail ce qu’il en est.

Le contenu obligatoire d’un contrat préliminaire

Le Code civil du Québec prévoit certaines règles en matière de contrats préliminaires de vente d’immeubles d’habitation qui ne peuvent être mises de côtés au bon vouloir des parties. Précisément, le contrat préliminaire doit contenir: les noms et adresses du vendeur et du promettant acheteur, les ouvrages à réaliser, le prix de vente, la date de délivrance, les droits réels telles les hypothèques et servitudes qui grèvent l’immeuble, la date de délivrance de l’achat, ainsi que toute information utile concernant les caractéristiques de l’immeuble et le caractère révisable du prix. [2] Si un contrat préliminaire ne comporte pas l’une des informations ci-haut, ce dernier doit être frappé de nullité, comme s’il n’avait jamais existé. C’est le cas de la promesse d’achat de M. et Mme Dale. En l’absence d’une date de délivrance déterminée, le contrat de promesse d’achat doit être annulé et les avances remboursées. Bien que le promoteur Intersite offre aux Dale une unité de substitution déjà construite pour honorer son obligation de livrer le projet, le vice du contrat préliminaire est fatal et les Dale ne sont pas tenus d’accepter une unité autre que celle visée par ce contrat.

Le silence d’Intersite

Comme deuxième motif justifiant l’annulation du contrat, le Tribunal conclut qu’Intersite, en omettant d’informer les Dale que l’atteinte d’un seuil minimal de ventes était nécessaire pour permettre la poursuite de la construction, les empêchent de consentir en toute connaissance de cause à la promesse qu’ils signent. Le silence d’Intersite constitue donc un dol qui vicie le consentement des Dale. L’échange de consentements libres et éclairés étant LA condition essentielle à la formation de tout contrat, il est clair que la promesse d’achat ne s’est jamais valablement formée, malgré la signature et l’exécution des versements par les Dale. Ainsi, il faut retenir de cette décision du Tribunal que le promoteur qui vend des unités avant leur construction doit divulguer l’ensemble des conditions essentielles à la réalisation du projet. Agir en toute transparence permet aux acheteurs potentiels de consentir en toute connaissance de cause à la promesse d’achat, d’éviter les remboursements subséquents et, pire, le versement de dommages pour les inconvénients subis.

Conclusion

Sommes toutes, le défaut par Intersite d’avoir précisé la date de livraison de l’unité et d’avoir divulgué toute l’information essentielle a permis aux promettant acheteurs de faire annuler leur contrat, de se faire rembourser leurs avances et de recevoir des dommages pour les inconvénients subis. Dans tous les contrats, préliminaires ou non, il faut toujours divulguer une information complète et véridique à son cocontractant. Retenons une chose : sans consentement libre et éclairé, pas de contrat de formé !

Cet article est paru dans l’édition du 6 février 2014 du journal Constructo.


[1] Dale c. Intersite Real Estate Development Corporation inc., 2013 QCCS 5622

[2] Selon l’article 1786 du Code civil du Québec.

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