Cette question est soulevée par un créancier hypothécaire de deuxième rang qui veut forcer le créancier hypothécaire de premier rang à procéder par recours hypothécaires prévus au C.c.Q. alors que le créancier hypothécaire de premier rang avait d’abord procédé à une nomination d’un séquestre intérimaire suivant l’article 47 LFI et qu’il veut maintenant, vu la faillite du débiteur, procéder à la nomination d’un séquestre suivant 243 LFI avec pouvoir de vendre l’immeuble, seul élément d’actif de la débitrice, avec « Vesting Order », c’est-à-dire libre d’hypothèques et de charges.
L’une des raisons qui motive le créancier de premier rang à vouloir procéder à une réalisation par l’intermédiaire d’un séquestre suivant 243 LFI est le fait que l’immeuble, seul élément d’actif du débiteur, est affecté d’une problématique environnementale alors que la LFI accorde au syndic et également au séquestre une protection lorsque celui-ci a la saisine de biens contaminés, et ce, aux termes des articles 14.06 (1.1) et 14.06 (2) LFI.
Le créancier hypothécaire de deuxième rang conteste la requête pour nomination d’un séquestre du créancier de premier rang et soutient qu’il est contre l’esprit de la Loi de nommer un séquestre lorsque le débiteur ne possède qu’un seul actif. Il soutient également que le créancier de premier rang ayant procédé à la publication d’un préavis d’exercice de recours hypothécaire n’a plus le choix que de continuer ses procédures en ce sens et qu’en qualité de créancier de second rang, il serait désavantagé par le processus de vente par séquestre puisqu’il ne pourrait se porter adjudicataire et que les frais engagés, s’il décidait de désintéresser le créancier de premier rang, seraient trop onéreux. Il invoque également les commentaires du professeur Stéphane Rousseau1 au soutien de son argumentaire :
« […] Il est également bon de souligner que le texte de ce nouveau paragraphe permet, à la demande d’un créancier, de nommer un séquestre afin de prendre possession de la totalité ou de la quasi-totalité des biens d’une personne insolvable ou d’un failli et n’est pas limité aux seuls biens grevés par la garantie du créancier, alors que le séquestre intérimaire nommé en vertu de l’article 47 LFI ne peut agir que sur les biens visés par la garantie. La définition de la personne insolvable de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité étant très large, nous ne voyons pratiquement, en matière commerciale, aucune situation où un créancier garanti ne pourrait se prévaloir de ce nouveau paragraphe. Bien sûr, pour autant que le séquestre du paragraphe 243(1) LFI soit requis de protéger et conserver les actifs du débiteur (ce qui est, par ailleurs, déjà couvert par le séquestre de l’article 47 LFI), nous n’avons pas de difficulté avec cet article.
Par contre, l’alinéa 243(1)c) LFI, que nous trouvions avant le 18 septembre 2009 aux article 47 et 47.1 LFI, nous laisse croire que les tribunaux pourraient être enclins à autoriser la vente des biens hors du cours normal des affaires. En pareil cas, les créanciers garantis seront probablement tentés d’utiliser ce nouvel instrument afin de court-circuiter le régime des sûretés du Code civil du Québec, lequel prévoit notamment des avis préalables et des délais. Nous sommes d’avis qu’en l’absence d’une dimension nationale, les tribunaux ne devraient pas donner leur aval à une telle façon de faire. En effet, nous ne croyons pas qu’il soit juste ou opportun de procéder à la vente des biens hors du cours normal des affaires de l’entreprise dans un contexte de sûretés québécoises uniquement. L’urgence d’agir pour obtenir une – 10 – meilleure réalisation des biens ne devrait pas justifier une telle ordonnance de vente. En effet, le Code civil du Québec contient des dispositions permettant au créancier garanti d’agir dans ces circonstances d’urgence. […] »
Le tribunal ne retient pas l’argumentaire du créancier de deuxième rang, non plus que les commentaires du Professeur Rousseau.
Le tribunal en vient à la conclusion que rien n’empêche la nomination d’un séquestre lorsque la débitrice faillie ne possède qu’un seul élément d’actif, le critère ultime à considérer est si le tribunal « le juge opportun ». Le tribunal retient que le créancier de premier rang est bien fondé de rechercher la protection accordée au séquestre en matière environnementale, cette protection n’existant pas pour un créancier garanti exerçant ses recours hypothécaires.
Si le législateur avait voulu limiter l’applicabilité de l’article 243 LFI, il l’aurait spécifiquement prévu, ce qui n’est pas le cas. Il n’appartient pas au tribunal de limiter l’application d’une loi, en l’occurrence la LFI, et ce, en raison de l’existence de recours en droit québécois.
Par ailleurs, il n’existe aucune incompatibilité entre les recours prévus à la LFI et les recours hypothécaires prévus au C.c.Q., un créancier garanti ayant le libre choix d’exercer l’un ou l’autre.
Le tribunal conclut que le créancier de premier rang peut valablement demander la nomination d’un séquestre avec le pouvoir de vendre l’immeuble, nonobstant le fait que cet immeuble soit le seul élément d’actif du débiteur et nonobstant l’existence, par ailleurs, des recours hypothécaires prévus au C.c.Q.
9113-7521 Québec Inc. (Syndic de), C.S. 500-11- 035404-090, jugement du 11 juillet 2011, Juge Martin Castonguay.
1 PROFESSEUR STÉPHANE ROUSSEAU, Faillite, insolvabilité et restructuration, JurisClasseur Québec, Collection droit des affaires, LexisNexis, p. 90-91.