Les travaux assujettis à la Loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction

February 1, 2015 | Normand D’Amour | Montréal

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Journal Constructo – 17 février 2015

L’employeur qui a recours à des salariés pour exécuter des travaux de construction assujettis à la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (loi R-20) doit faire appel à des salariés détenant des cartes de compétence appropriées.

L’assujettissement des travaux à la Loi implique aussi qu’il devra rémunérer ses salariés suivant les termes et conditions des conventions collectives applicables et dont la teneur peut varier selon le secteur  de l’industrie la construction concerné.

L’employeur pris en défaut sur l’un ou l’autre de ces aspects (cartes de compétence ou rémunération) peut s’exposer à des recours de divers types émanant de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Parmi ces recours, il y a d’abord  celui en recouvrement que la  CCQ peut exercer devant les tribunaux civils à l’égard de la portion du salaire impayé qui aurait normalement dû être payé au salarié, en sus de laquelle pourra s’appliquer une pénalité de l’ordre de 20%.

Outre ce recours de nature civile, la CCQ est aussi investie su pouvoir d’instiguer  des recours de type pénal, en vertu desquels l’employeur se voit imposer une amende pour avoir commis une infraction prévue à la Loi R-20.

Enfin, le défaut de faire exécuter les travaux par des salariés détenant les cartes de compétence appropriées, peut aussi entraîner des sanctions de nature administrative que la CCQ pourrait mettre en œuvre, en ordonnant par exemple la suspension des travaux exécutés par cet employeur.

En quoi consistent les travaux assujettis à la loi R-20 ?

Selon l’article 1.f) de la loi R-20, le mot « construction » est défini de la façon suivante :

« L’article 1.f) de la loi R-20 définit le mot « construction » :

« 1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, les expressions et mots suivants signifient :

[…]

f) « construction » : les travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de démolition de bâtiments et d’ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d’œuvre, y compris les travaux préalables d’aménagement du sol;

[…] »

Certains travaux qui pourraient au sens commun être assimilés à des travaux de construction, ne sont pas assujettis à la Loi R-20. Pour l’être ils doivent  répondre à la définition prévue à l’article 1 f ci haut citée ou être assujettis à la Loi en vertu d’un règlement adopté en vertu de celle-ci et ne pas autrement être exclus par le biais des exceptions à l’application de la Loi prévues à son article 19.

Dans l’affaire Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Construction et Pavage Dujour ltée (ci-après « Dufour ») la cour doit se pencher sur la définition  prévue à l’article 1f afin de déterminer si elle en présence de travaux de construction réalisés sur ouvrage de génie civil.

Les faits

En août 2012, des inspecteurs de la CCQ se rendent sur le site de l’Université Bishop à Lennoxville. Des gradins destinés aux spectateurs ont été érigés en périphérie du nouveau terrain de football.

Un salarié y travaille avec un râteau et une pelle et fait du remplissage avec de la pierre 0-3/4 autour des bordures de ciment du contour des gradins. Pendant ce temps, d’autres travailleurs s’affairent à installer des barres de sécurité dans les gradins.

Les salariés en question engagés par Dufour ne détiennent pas de cartes de compétence de manœuvre émises par la CCQ.

Prenant position que les travaux en cause constituent des travaux de construction au sens de la loi R?20. la CCQ tente d’imposer une amende à Dufour. Dufour conteste l’infraction et amende qu’on tente de lui imposer en soutenant que le travail en cause n’est pas assujetti à la Loi R-20.

Les questions en litige

La principale question en litige que la division pénale de la Cour du Québec doit trancher est celle de savoir si les gradins érigés autour d’un terrain de football d’une université constituent un ouvrage de génie civil, puisqu’il est acquis que ces gradins ne sont pas des bâtiments.

Elle doit accessoirement se demander si les travaux en question qui consistaient principalement en du nivellement de sol équivalent à des travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation ou de modification et démolition d’un ouvrage de génie civil.

C’est Madame la juge Sylvie Desmeules qui est saisie de ces questions. Elle énonce qu’à première vue, elle aurait été tentée de croire que les gradins constituent un ouvrage de génie civil, puisque la structure est appelée à recevoir des spectateurs et doit être conçue de façon à résister au poids et vibrations. Il en va de la sécurité des personnes qui les utilisent.

Elle fait remarquer que l’expression « ouvrage de génie civil » n’est pas définie dans la loi R-20. Ainsi, elle recourra à des définitions que l’on retrouve dans les dictionnaires pour définir l’expression et à des décisions rendues par d’autres instances pour circonscrire cette notion.

S’appuyant sur une jurisprudence établie par le Commissaire de l’industrie de la construction (aujourd’hui remplacé par la Commission des relations du travail), elle indique que trois conditions sont requises pour qu’un ouvrage soit considéré comme un ouvrage de génie civil.

  1. Les travaux qui doivent se rapporter à des biens immeubles;
  2. Les travaux doivent être exécutés pour le compte d’une personne morale publique ou pour une société industrielle privée de grande envergure, dans la mesure où ils ont les mêmes caractéristiques que ceux réalisés pour l’Etat ou pour une corporation publique de même nature;
  3. Et finalement les travaux doivent être exécutés dans un but d’utilité générale.

Appliquant les critères au cas de l’espèce, la juge indique que les travaux sont de fait réalisés pour le compte d’une personne morale publique, en l’occurrence une université. Les gradins ont aussi été réalisés dans un but d’utilité générale. Elle s’interroge cependant, à savoir si les gradins sont un immeuble. Dans les circonstances, rien n’indique dans la preuve que la structure des gradins est fixée au sol. La juge conclut donc que la preuve ne démontre pas  que les gradins sont un ouvrage de génie civil faute de démonstration qu’ils sont inamovibles et qu’ils constituent un immeuble.. Elle ajoutera que même si la preuve avait été faite que des gradins sont un immeuble  et donc un ouvrage de génie civil,  elle considère que les travaux réalisés par le salarié de Dufour ne constituent pas des travaux de construction, car ils ne participent pas à la fondation, à l’érection ou l’aménagement préalable du sol. Ils ont été réalisés après que les gradins aient été érigés. Ils s’apparentent davantage à des travaux d’aménagement paysagé, lesquels ne sont pas soumis à la loi R-20 selon la jurisprudence des tribunaux de droit commun.

La poursuite sera donc rejetée et Dufour acquittée.

Cet article est paru dans l’édition du 17 février 2015 du journal Constructo.

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