L’Accord économique et commercial global Canada – Union Européenne

28 novembre 2013 | Normand Royal | Montréal

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L’Accord économique et commercial global
Canada – Union Européenne

Le 18 octobre 2013, le Premier ministre canadien, Monsieur Stephen Harper, et le président de la Commission Européenne, Monsieur José Manuel Barroso, ont conclu un accord de principe concernant l’Accord économique et commercial global (A.E.C.G.) entre le Canada et l’Union Européenne. Le 29 octobre, le premier ministre canadien a déposé le Résumé technique des résultats finaux de la négociation. Le Canada et L’UE ont, à compter de cette date, commencé à finaliser les textes juridiques de l’AECG, qui devrait être ratifié par les législatures canadiennes et européennes dans les 18 (dix-huit) à 24 (vingt-quatre) prochains mois. La dernière fois qu’un tel degré de libéralisation du commerce entre l’Amérique et la France a été observé, le Canada s’appelait « Nouvelle-France ».

L’histoire de l’A.E.C.G. entre le Canada et l’UE a connu de nombreux rebondissements et embûches, ce qui n’est pas particulièrement étonnant étant donné la vaste portée d’un tel accord, pour la conclusion duquel il faut tenir compte, en ce qui a trait au Canada, d’un état fédéral et de dix provinces ayant des champs de compétences exclusives et, pour ce qui est de l’UE, de vingt-huit (28) états souverains. Le tout a débuté en 2004 lorsque le Canada et l’UE ont signé le Trade and Investment Enhancement Agreement visant à traiter de divers aspects des relations commerciales entre eux. En 2006, le Canada et l’Europe ont mis un terme aux négociations quant à cette convention. En 2007, au sommet de Berlin, l’UE et le Canada ont pris la décision d’étudier l’impact économique d’un accord de libéralisation des relations économiques entre eux pour évaluer l’impact pour chacun d’eux de cette libéralisation des échanges. Cette étude a rapidement conclu que chacun des partenaires pourrait obtenir des bénéfices substantiels d’un tel accord, ce qui entraîna le début des négociations à Prague le 6 mai 2009 et qui a conduit à la signature de cette entente de principe.

L’A.E.C.G. est considéré comme la plus vaste et la plus ambitieuse entente commerciale conclue par le Canada à ce jour, en plus d’être un accord de seconde génération qui vise non seulement à réduire les barrières tarifaires et non tarifaires (telles que les normes, les règles et les procédures), mais aussi à favoriser l’investissement, à l’instar de l’ALÉNA que le Canada a conclu entre les États-Unis d’Amérique et le Mexique. Cependant, l’A.E.C.G. est de nature beaucoup plus vaste que l’entente qui a été signée par le Canada avec les États-Unis et vise entre autres la certification des produits, l’investissement, la reconnaissance des qualifications professionnelles, le commerce et le travail tous des éléments permettant de créer un véritable espace économique. De plus, dans l’A.E.C.G. on retrouvera des éléments novateurs quant à la résolution des différends qui proviennent d’ailleurs de l’expérience du Canada, les États-Unis d’Amérique et le Mexique.

L’UE et le Canada entretiennent des relations économiques considérables. À titre d’exemple, l’UE représente 30 % des investissements étrangers au Canada et ces investissements ont été multipliés par un facteur de plus de sept (7) entre 1995 et 2006, alors que les investissements américains au Canada ont été multipliés uniquement par un facteur de 4,5. En 2011, l’investissement direct au Canada dans l’UE était établi à 172,5 milliards de dollars, tandis que celui de l’UE au Canada représentait 160,7 milliards de dollars. En 2012, les exportations de services de l’UE vers le Canada étaient d’une valeur de 16,8 milliards de dollars et de 14,8 milliards du Canada vers l’UE. Cette croissance des investissements a poussé l’UE et le Canada à accélérer les négociations et la portée de celles-ci. La conclusion de l’A.E.C.G. dans les 18 à 24 prochains mois ne pourra que stimuler les relations entre l’UE et le Canada.

Selon les études effectuées par le Canada et l’UE, l’A.E.C.G. permettra à l’UE d’accroître ses exportations en biens et services d’une valeur de 25 milliards de dollars vers le Canada, tandis que les exportations du Canada vers l’UE augmenteront de 12,5 milliards de dollars.

Du côté des barrières tarifaires, en bref, l’A.E.C.G. éliminera approximativement 98 % des lignes tarifaires dès l’entrée en vigueur de l’A.E.C.G. Cependant, pour certains produits sensibles tels que les navires, les automobiles et certains produits agricoles, on pourra observer des périodes de transitions de trois (3), cinq (5) ou sept (7) ans. Étant donné la sensibilité des marchés respectifs pour les produits agricoles, des négociations ont eu lieu concernant les quantités de bœuf, de veau, de bison et de porc pouvant être exportées sans droit de douane du Canada vers l’UE. Ainsi, le Canada pourra, entre autres, exporter 15 000 tonnes de bœuf congelé, 35 000 tonnes de bœuf frais et réfrigéré et 15 000 tonnes de bœuf de qualité supérieure. De son côté, Canada autorisera aussi l’importation de 18 500 tonnes de fromage en provenance de l’UE et éliminera, tout comme il l’a fait dans le cadre de son accord avec les États-Unis, les droits de douane sur les matières protéiques de lait. Les contingents tarifaires pour le fromage, la volaille et les œufs seront, quant à eux, exclus de l’A.E.C.G.

Sur le plan agricole, l’A.E.C.G. prévoit également l’élimination des droits de douane sur le sirop d’érable, les fruits frais et congelés, ainsi que les fruits, légumes et grains transformés. L’élimination des droits de douane pour le blé dur, le blé commun, le seigle, l’orge et l’avoine s’effectuera, quant à elle, sur une période de sept (7) ans. L’Accord prévoit également des règles d’origine plus libérales pour des produits comportant une plus grande proportion d’intrants importés tels que : les produits à haute teneur en sucre, les aliments pour chiens et chats, les confiseries, les aliments transformés et les produits de boulangerie. L’A.E.C.G. comporte également des chapitres sur les mesures sanitaires et phytosanitaires.

Pour ce qui est des produits de la mer, aucune règle précise n’a été publiée. Toutefois, les parties ont annoncé qu’elles bénéficieront d’un traitement préférentiel, notamment pour le saumon en conserve, le homard cuit ou surgelé, les crevettes transformées et les sardines préparées ou en conserve.

Pour la première fois dans l’histoire de l’UE, un accord prévoit un chapitre sur l’investissement qui est, il faut le souligner, plus important que celui prévu dans le cadre de l’ALÉNA.

Par conséquent, l’A.E.C.G. imposera les principes de non-discrimination, de transparence et d’impartialité dans l’octroi de contrats publics. L’UE a accordé au Canada un accès équivalent à celui dont jouissent ses états membres aux marchés internes européens, soit les Institutions européennes et les ministères centraux des vingt-huit (28) états membres et des milliers de gouvernements régionaux et locaux. Toutefois l’A.E.C.G. exclura les ports et aéroports, la radiodiffusion, le secteur des postes et le secteur de la construction navale de ses propositions. L’offre canadienne en matière de marchés publics est, quant à elle, l’une des offres les plus complètes jamais proposées dans le cadre d’un accord de libre-échange. Ainsi, une société européenne pourra participer aux appels d’offres lancés par le gouvernement canadien, les provinces, les municipalités, les entreprises de services publics, les hôpitaux et les institutions d’enseignement du Canada au-delà d’un seuil de 315 000 $ pour les biens et services et de 7 800 000 $ pour la construction. Sensiblement les mêmes seuils se retrouvent pour les appels d’offre des institutions européennes. Le Canada a, de son côté, exclu les affaires réservées aux entreprises autochtones, les soins de santé et les industries culturelles au Québec.

Pour faciliter l’accès des entreprises européennes aux marchés publiques canadiens, l’entente de principe prévoit l’engagement du Canada à créer un guichet unique d’accès électronique en matière d’approvisionnement dans les 5 années suivant l’entrée en vigueur de l’accord.

De façon à faciliter l’investissement, l’A.E.C.G. prévoit des règles de mobilité de main d’œuvre pour la mutation d’employés au sein d’une entreprise, pour les gens d’affaires en visite de courte durée, quatre-vingt-dix (90) jours et pour les fournisseurs de services contractuels. De plus, le gouvernement canadien va exempter les sociétés de l’UE de toute révision des investissements inférieurs à 1,5 milliards de dollars. Il est à noter que, contrairement à ce que l’on retrouve dans les autres conventions canadiennes, le Résumé technique indique que les mesures de protection des investisseurs ne seront applicables qu’ « après la création de l’investissement ». Il y aura donc protection une fois l’investissement fait ou lorsque celui-ci s’ajoutera aux investissements existants.

L’A.E.C.G. balise également de façon plus complète le recours des investisseurs en mettant en place une meilleure sécurité des investissements en qui a trait à l’expropriation indirecte et un rejet plus rapide des recours frivoles contre un État par un investisseur. Dans le cadre de l’Accord, un tribunal arbitral ne pourra pas non plus ordonner à un État d’amender une mesure ayant menée à la contestation, mais ne pourra qu’imposer une pénalité.

Pour ce qui est de la propriété intellectuelle, divers engagements seront souscrits dans l’A.E.C.G., notamment en ce qui a trait au Traité de Singapour sur le droit des marques, au Protocole sur l’enregistrement des marques de Madrid et à l’Acte de Genève sur les dessins et modèles industriels. Quant aux indications géographiques qui constituaient une demande sensible de l’UE, le Canada a acquiescé à 179 demandes de l’UE concernant des termes liés aux aliments et à la bière. Ainsi, une entreprise canadienne ne pourra pas, entre autres, utiliser les termes feta ou munster, sauf s’ils sont accompagnés d’expressions comme « sorte », « imitation » ou « type ». Également, par exemple, les termes brie ou gouda pourront toujours apparaître seuls sur les emballages canadiens, mais les termes « Brie de Meaux » ou « Gouda de Hollande » seront protégés et ne pourront pas être utilisés au Canada. On recommande donc aux sociétés exportatrices de faire un suivi rigoureux de l’évolution de cette liste de protection des indications géographiques.

Comme on peut le constater, la portée de cet Accord sera considérable et visera tous les aspects économiques facilitant le libre-échange et son application pourra susciter plusieurs conflits. C’est pourquoi les négociateurs ont mis en place un système novateur permettant une résolution accélérée des différends qui pourraient survenir. De plus, l’Accord prévoit des dispositions rigoureuses de médiation volontaire, ainsi qu’un processus visant à s’assurer qu’une partie s’est bien conformée à une décision. L’A.E.C.G. prévoit également la création d’un processus assurant la formation de groupes spéciaux de trois (3) personnes advenant le cas que les parties n’approuvent pas une liste d’experts dans le domaine de la main-d’œuvre, de la fiscalité, de l’environnement et des services financiers afin d’éviter qu’une partie puisse bloquer le règlement en refusant de se plier à l’élaboration d’une telle liste.

En conclusion, cet Accord laisse à prévoir des perspectives de développement commercial sans précédent et constitue un accord historique quant à sa portée. Il est en effet le premier de ce genre conclue entre des pays développés et vise plusieurs aspects des échanges commerciaux entre le Canada et l’UE. Il crée un marché colossal d’une valeur estimée à 2 700 milliards de dollars. Les canadiens et les européens doivent être à l’affut des opportunités que créera cet Accord économique et commercial globale de façon à profiter les marchés qui s’ouvrent tant en Amérique qu’en Europe.